La France montrera-t-elle la voie au Québec en matière de réforme du mode de scrutin?

Le premier ministre français, François Bayrou, s’exprime lors d’une séance parlementaire, le 3 février 2025.
Photo: Bertrand Guay Agence France-Presse Le premier ministre français, François Bayrou, s’exprime lors d’une séance parlementaire, le 3 février 2025.

Il y a quelques jours, le 30 janvier, le Sénat de la République française a adopté une résolution pour abandonner son mode de scrutin législatif à deux tours pour le remplacer par un mode de scrutin de type proportionnel jugé plus représentatif et donc plus susceptible de contrer la méfiance grandissante des gens envers les institutions politiques.

Ce vote, même s’il a été obtenu avec une mince majorité de 10 voix et n’est pas contraignant, fait suite à la récente Déclaration de politique générale du nouveau premier ministre français, François Bayrou, qui a déclaré vouloir proposer une réforme du mode de scrutin. En se positionnant rapidement de la sorte, le Sénat pourrait faciliter le dépôt d’un projet de loi par le gouvernement.

Il faut savoir qu’en décembre 2020, François Bayrou avait déclaré que « la proportionnelle [était] le seul moyen de former les larges rassemblements dont le pays a besoin pour vaincre cette crise » de confiance qui affecte la gouvernance de la société française.

Bayrou expliquait que le système majoritaire, même avec deux tours, « donne tous les pouvoirs aux uns et aucun aux autres. Les vainqueurs ont tout, les minoritaires, presque rien. Cela aggrave le déséquilibre et a un effet désastreux. Pour les électeurs non représentés, les élus ne sont plus légitimes » !

Reprenant le plaidoyer du premier ministre, la sénatrice Mélanie Vogel, qui a proposé la mention adoptée, a dit que « le système majoritaire alimente notre crise politique, dans la mesure où il frustre les électeurs et déresponsabilise les élus ». Selon elle, le passage à un mode de scrutin de type proportionnel permettrait « de changer en profondeur la culture politique du pays ». « Avec le système majoritaire, toutes les voix ne comptent pas », a-t-elle ajouté. Ce qui explique entre autres que seuls « 21 % de nos concitoyens considèrent nos institutions comme démocratiques ».

Un petit baume sur notre plaie

En apprenant cela en fin de semaine, les membres du Mouvement démocratie nouvelle (MDN) qui étaient réunis pour leur assemblée générale annuelle ont tenu à interpeller le premier ministre Legault pour lui demander qu’il ordonne l’étude du projet de loi 499 qui vise à doter le Québec d’un mode de scrutin proportionnel mixte semblable en particulier à celui qui existe en Écosse. Ce projet de loi a été déposé à l’Assemblée nationale en octobre 2023, à la suite d’une collaboration du MDN avec les députés de Québec solidaire et du Parti québécois. Ensuite, après son congrès, le Parti conservateur du Québec a joint sa voix en faveur du projet, tout comme Climat Québec, auquel s’ajoute, du côté fédéral, le Parti vert. Au total, en ce début de 2025, ces partis provinciaux récoltent 60 % des intentions de vote de l’électorat.

Au MDN, voir le nouveau premier ministre de France et le Sénat reprendre presque mot à mot les plaidoyers mis en avant au Québec depuis 1890 et surtout depuis la Révolution tranquille alors que tous les grands partis ont tous promis tour à tour d’agir pour ensuite trahir malheureusement leur parole est un petit baume sur notre plaie.

Après l’abandon en 2021-2022 de la réforme par François Legault sous des prétextes mensongers, l’évolution de cette cause démocratique fondamentale en France nous donne une nouvelle énergie pour poursuivre notre lutte afin que la vie politique chez nous se fasse le plus vite possible sous l’égide d’un système électoral juste et équitable. Il nous apparaît clair que l’adoption dans l’année qui vient du projet de loi 499 permettrait d’assurer que les prochaines élections générales de 2026 soient les dernières avec le vieux mode de scrutin britannique.

Face à cette revendication maintes fois exprimée depuis trois ans, certains seront sans doute portés à sourciller à cause du contexte de la crise majeure provoquée par le président Donald Trump. Pourtant, si l’on se donne la peine de réfléchir aux conséquences sur l’avenir des démocraties de l’assaut du président de l’empire de l’heure, y compris la démocratie américaine, on devrait comprendre que, plus que jamais, les institutions politiques doivent être dignes de confiance en permettant de bâtir des ponts et de larges rassemblements pour faire face aux défis d’aujourd’hui et de demain.

Au Québec, l’étude de la question est des plus avancées. Avec une réelle volonté politique d’agir, on pourrait bouger vite et bien sans compromettre les efforts nécessaires pour naviguer dans les eaux maintenant troubles de la mer trumpienne.

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