Elon Musk fera-t-il de l’ombre à J.D. Vance?

Elon Musk a fait une apparition surprise jeudi à la convention CPAC, la grand-messe des conservateurs américains, lors de laquelle il a brandi une tronçonneuse offerte peu avant par le président argentin Javier Milei.
Photo: Saul Loeb Agence France-Presse Elon Musk a fait une apparition surprise jeudi à la convention CPAC, la grand-messe des conservateurs américains, lors de laquelle il a brandi une tronçonneuse offerte peu avant par le président argentin Javier Milei.

Dans cette rubrique tirée du Courrier des États-Unis, nos journalistes répondent à des questions de nos lecteurs.

 

Elon Musk fera-t-il de l’ombre à J.D. Vance et serait-il à se positionner en vue des primaires républicaines pour 2028?

Le président Donald Trump a confié à Elon Musk les clés de l’appareil étatique américain, une tronçonneuse pour le dépecer et sa bénédiction pour procéder. Aucun recoin du gouvernement fédéral n’échappe au sabre du richissime propriétaire de X depuis le retour du milliardaire de l’immobilier à la Maison-Blanche.

Dès le premier jour de sa présidence, Donald Trump a donné à l’homme le plus riche du monde les rênes du « département de l’efficacité gouvernementale », assorties du mandat de réduire les dépenses de l’État jusqu’à l’os en ratatinant, entre autres, sa fonction publique.

Depuis, Elon Musk et une brigade de loyalistes purgent le gouvernement fédéral pour réduire sa taille à peau de chagrin. Le propriétaire de X, de Tesla et de SpaceX a fait son entrée au Bureau ovale et fait régulièrement la une des journaux, jusqu’à apparaître derrière le Resolute Desk sur le devant du magazine Time.

Né à l’étranger

Cette « intrusion fulgurante » dans la politique américaine, se demande notre lecteur, prélude-t-elle à une candidature d’Elon Musk à la succession de Donald Trump en 2028 ?

« Non », tranche David Nasaw, professeur émérite à l’Université Columbia. « Tout simplement parce qu’Elon Musk ne peut pas accéder à la présidence : il n’est pas né en sol américain, une condition très clairement gravée dans la Constitution pour quiconque aspire à diriger l’exécutif. »

Natif de Pretoria, en Afrique du Sud, Elon Musk, père d’au moins 12 enfants, est d’emblée exclu du sommet de la pyramide américaine.

Il n’a, de toute façon, pas besoin d’un marchepied électoral pour se hisser près du pouvoir. « Présentement, il fait exactement ce qu’il veut », observe le professeur Nasaw. « Il exécute les basses œuvres de Donald Trump parce que les deux partagent les mêmes objectifs : créer une situation où le gouvernement n’exerce plus aucun contrôle sur le monde de l’entreprise et soumettre la bureaucratie à l’obéissance du président pour qu’il n’y ait aucun obstacle au mouvement MAGA. »

Ça ne veut pas pour autant dire que M. Musk n’est pas déjà une figure incontournable dans le nouveau paysage politique américain.

Musk, « faiseur de rois »

« Il préfère sans doute être un homme de l’ombre et agir en faiseur de rois », soutient le professeur d’histoire spécialiste des riches barons d’industrie qui ont marqué la mythologie américaine. « Il a aussi tout en main pour le devenir : il possède X, il compte sur des réserves inépuisables d’argent pour influencer les campagnes électorales — et il n’a aucune honte. »

« Il est prêt à faire et à dire tout ce qui est nécessaire pour protéger et faire croître sa fortune », ajoute David Nasaw. « Aucun républicain n’a les moyens de s’opposer à lui : chacun sait, dans un coin de sa conscience, qu’Elon Musk a l’argent nécessaire pour démolir n’importe quelle campagne électorale. »

En ce sens, M. Musk suit des sentiers déjà battus par les plus fortunés qui l’ont précédé. « Depuis plus de 100 ans, c’est clair que les grands industriels américains ont de l’influence à Washington et dans les capitales de chaque État. Andrew Carnegie donnait énormément d’argent aux républicains. William Randolph Hearst utilisait son empire médiatique pour élever ou détruire des candidats à la présidence. Andrew Mellon a même agi à titre de secrétaire au Trésor sous trois présidents différents. Les riches ont donc toujours exercé une influence — mais sans la publiciser. La principale différence, avec Elon Musk, c’est qu’il expose au grand jour sa contribution électorale. »

Celle-ci s’élevait à 288 millions de dollars américains lors de la dernière campagne électorale. Un petit prix à payer, en rétrospective, pour obtenir le sésame du gouvernement américain — et la pleine liberté de dégriffer les agences fédérales susceptibles de lui demander des comptes.

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