Des quotas et des tarifs pour Hollywood

«Imaginez un monde où il en coûterait 5$ pour voir un film local, 10$ pour un film international et 15$ pour un Marvel ou tout autre “blockbuster” hollywoodien», dit l’auteur.
Photo: Oktay Ortakcioglu Getty Images «Imaginez un monde où il en coûterait 5$ pour voir un film local, 10$ pour un film international et 15$ pour un Marvel ou tout autre “blockbuster” hollywoodien», dit l’auteur.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’Europe en ruine est lourdement endettée. En 1946, la France signe une entente avec les États-Unis pour soutenir la reconstruction de son économie : l’accord Blum-Byrnes.

Le gouvernement américain offre des conditions de remboursement exceptionnelles à la France et annule plus de 2 milliards de dollars de dettes contractées pendant la guerre, soit près de 43 milliards de dollars canadiens en valeur actuelle. Mais cette générosité n’est pas dénuée d’intérêt.

Avant 1946, la France disposait d’un système de quotas limitant la présence des productions cinématographiques américaines sur ses écrans, une mesure de protectionnisme destinée à favoriser le cinéma local. Avec l’accord Blum-Byrnes, l’oncle Sam exige l’ouverture du marché cinématographique français et l’assouplissement de ces quotas, au grand dam de nombreux Français qui y voient une condamnation à mort de leur industrie cinématographique nationale. Pour les États-Unis, c’est l’occasion idéale de promouvoir l’American way of life et de contrer la montée de l’idéologie communiste.

Deux ans plus tard, cette influence s’étend avec le plan Marshall. Les États-Unis accordent des prêts aux pays européens pour les aider à reconstruire leurs infrastructures, à condition que ces derniers importent un volume équivalent de biens et de produits américains, y compris des productions cinématographiques.

Dans chaque crise, il y a des occasions, et les États-Unis d’après-guerre l’ont parfaitement compris.

Depuis, leur domination culturelle s’imprime sur les rétines de la planète entière, au point qu’il est presque impensable aujourd’hui d’imaginer un monde sans Hollywood.

Et c’est précisément ce qui se passe chez notre voisin à l’ego surdimensionné. Confortablement installé sur ses lauriers, il considère comme acquis un système de libre-échange où les biens culturels américains déferlent sur la planète.

Dans chaque crise, il y a des occasions.

Face au regain de protectionnisme chez nos voisins du Sud, pourquoi ne pas nous inspirer de la France d’avant l’accord Blum-Byrnes pour valoriser notre culture et la rendre plus accessible ici ?

Imposons des quotas et des tarifs sur les productions cinématographiques hollywoodiennes, les émissions télévisées américaines et la musique américaine. Faisons de même pour la publicité des produits américains. N’est-il pas paradoxal de voir à la télévision une publicité pour Amazon quelques secondes après qu’un ministre a vanté l’importance de consommer local ?

Utilisons les revenus générés par ces tarifs pour financer les artistes grâce au Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) et à la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC). Pour rendre notre culture locale accessible, voire gratuite, en créant une plateforme de diffusion d’œuvres audiovisuelles québécoises, entre celles de l’Office national du film du Canada (ONF) et celles d’Éléphant, mais axée sur les films récents.

Profitons-en pour réduire le coût d’un billet pour voir un film produit ici. Imaginez un monde où il en coûterait 5 $ pour voir un film local, 10 $ pour un film international et 15 $ pour un Marvel ou tout autre blockbuster hollywoodien.

Assurons-nous aussi de diversifier l’offre audiovisuelle en favorisant la diffusion de films, de musique et de séries internationales provenant d’autres horizons que les États-Unis.

Pour la star de télévision qu’est Donald Trump, le pire échec n’est pas d’être renvoyé — comme il aimait le crier dans The Apprentice —, mais bien de perdre ses cotes d’écoute.

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