Ottawa veut enchâsser le financement de CBC/Radio-Canada dans la loi

La ministre du Patrimoine, Pascale St-Onge, suggère de presque doubler le financement de la Société Radio-Canada pour rejoindre la moyenne des pays du G7.
Photo: Valérian Mazataud Archives Le Devoir La ministre du Patrimoine, Pascale St-Onge, suggère de presque doubler le financement de la Société Radio-Canada pour rejoindre la moyenne des pays du G7.

Alors que les conservateurs de Pierre Poilievre promettent de « définancer » le volet anglophone de CBC/Radio-Canada, la ministre fédérale du Patrimoine, Pascale St-Onge, propose de protéger l’avenir du diffuseur public en enchâssant son financement dans la loi.

« Radio-Canada/CBC n’appartient ni aux libéraux, ni aux conservateurs, ni à quelque autre parti politique [que ce soit] », a indiqué la ministre en conférence de presse à Ottawa, jeudi matin, au moment où elle dévoilait son plan de modernisation du mandat de la société d’État.

Le financement public que reçoit CBC/Radio-Canada se fait par des crédits parlementaires, qui sont votés chaque année par le Parlement dans le cadre du processus budgétaire. Pour protéger le financement des fluctuations politiques, la ministre St-Onge propose donc d’inscrire une nouvelle formule de financement par habitant directement dans la Loi sur la radiodiffusion.

Elle propose de presque doubler le financement des contribuables canadiens pour se rapprocher de la moyenne des pays du G7, qui s’élève à 62 $ par habitant. Actuellement, le gouvernement accorde environ 1,38 milliard de dollars par an à CBC/Radio-Canada, ce qui représente environ 33,66 $ par habitant.

Or, avec un changement de chef imminent à la tête du Parti libéral — et des élections fédérales qui risquent fort probablement d’être déclenchées peu de temps après —, rien ne garantit que ces propositions soient réellement mises en application.

Au moment même où la ministre dévoilait son plan, le chef conservateur, Pierre Poilievre, réaffirmait son intention de « couper le gaspillage » des fonds alloués au diffuseur public. « Presque personne ne regarde la télévision de CBC », a-t-il lancé lors d’un point de presse à Toronto.

En présentant son plan à trois semaines de l’élection du prochain chef libéral, la ministre St-Onge espère obtenir des « engagements fermes » sur sa proposition de la part des candidats à la succession de Justin Trudeau. Ces derniers doivent s’affronter lors de deux débats prévus la semaine prochaine.

Mme St-Onge a aussi confirmé qu’elle ne sera pas candidate aux prochaines élections fédérales afin de se consacrer à sa famille, étant nouvellement maman.

Interdire la publicité

Le nouveau plan propose aussi d’interdire au diffuseur public de présenter de la publicité pendant ses émissions de nouvelles, d’information et d’affaires publiques sur tous ses services. « Ce changement-là va permettre d’apporter de l’oxygène pour le secteur privé, pour qui ces revenus publicitaires deviennent accessibles », a expliqué la ministre. Elle estime que cela permettrait de dégager entre 100 et 200 millions de dollars en revenus.

Le processus de nomination du grand patron du diffuseur public serait aussi modifié pour en confier la responsabilité au conseil d’administration plutôt qu’au gouvernement en place. Cela permettrait d’« éviter la perception [selon laquelle] la présidente serait redevable à un gouvernement », a expliqué la ministre.

La hausse du financement public mettrait aussi fin aux frais d’abonnement sur les plateformes numériques et les chaînes spécialisées de la société d’État.

À Québec, le bureau du ministre de la Culture, Mathieu Lacombe, a déploré ne pas avoir été consulté par Ottawa lors de l’élaboration de ce plan. « Le Québec aurait dû avoir voix au chapitre, et force est de constater que le fédéral préfère ignorer le fait que l’avenir de Radio-Canada, ça regarde aussi le Québec », a-t-il réagi dans une déclaration.

Le porte-parole du Bloc québécois en matière de patrimoine, Martin Champoux, a quant à lui applaudi le plan du gouvernement, même s’il se dit conscient qu’il « n’a à peu près aucune chance d’être adopté tel quel ». « Nous sommes contents de voir des pas dans cette direction et de constater que les frais d’abonnements seraient abolis dans ce nouveau mandat ; c’était une de nos premières demandes, afin d’assurer que le contenu produit soit accessible à tous », a-t-il déclaré.

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