L’austérité culturelle signera-t-elle la fin d’une génération de spectateurs?

Je ne suis pas une artiste qui s’appauvrit au nom de l’art. Je ne suis pas une directrice d’organisme culturel qui fait un appel à l’aide pour le manque de financement. Je suis tout simplement une amatrice d’art local sous toutes ses formes, étudiante à temps plein de 22 ans, et je suis outrée de la situation dans laquelle le milieu culturel est présentement plongé.
Ma consommation de culture locale est variée : théâtre, musée, cinéma indépendant, opéra, musique — amenez-en ! J’aime voir des œuvres en vrai plutôt que de regarder une série américaine chez moi. J’adore me perdre dans l’émotion sans distraction et voir les artistes dans leur art, devant moi. Récemment, je me suis mise à offrir des billets à mon entourage comme cadeau, car c’est une parfaite occasion d’en faire toute une sortie, de discuter et d’échanger sur le contenu culturel et symbolique auquel nous avons assisté, sur ce qui vient d’être vu.
Bien évidemment, ce choix représente des coûts considérables. Mais vous voulez connaître mon secret ? Les offres étudiantes ou les offres pour les jeunes ! J’ai l’impression de les avoir toutes essayées : « ton âge = ton prix » chez Duceppe, les vendredis pour les 30 ans et moins à l’Espace Go, les classiques billets à tarif étudiant au cinéma, l’Opéra de Montréal pour 34 $, les billets gratuits au Musée des beaux-arts et j’en passe.
Ces offres ont été vitales à la création et, surtout, au maintien de mon intérêt pour la scène culturelle montréalaise, québécoise et canadienne. J’ai beau avoir confiance en nos artistes d’ici, j’ai quelques appréhensions à payer plus de 50 $ pour une pièce de théâtre avec une description vague, et je suis certaine que je ne suis pas la seule. Je n’ai pas aimé tout ce que je suis allée voir par le passé, mais malgré cela, je suis heureuse d’avoir pu regarder des œuvres qui me sortent de ma zone de confort, qui me font réfléchir ou me permettent d’exercer ma pensée critique. Je ne peux pas dire de même pour des films choisis à la va-vite sur des plateformes de diffusion en continu.
Lorsque je serai trop vieille, à 25, 30 ou 35 ans, je serai plus qu’heureuse de payer le plein prix pour subséquemment contribuer à garder ces institutions ouvertes et, du même coup, permettre aux futures générations de profiter de ces rabais. Par contre, je ne peux m’empêcher de voir ce futur pas si lointain avec de l’appréhension. Compressions budgétaires dans le domaine culturel, réduction de l’offre dans plusieurs institutions et coupes dans les programmes gouvernementaux : l’austérité culturelle est telle que c’est quasiment la fin du programme des musées gratuits le premier dimanche du mois.
De plus, j’ai la chance d’habiter à Montréal, où l’offre culturelle est riche, foisonnante et établie. Je ne peux m’imaginer les défis à relever en région. J’ajoute donc ma voix pour soutenir les demandes de tous ces groupes. Mon appréciation de la culture montréalaise, québécoise ou canadienne a en grande partie remplacé ma consommation de culture américaine et même réduit mon temps d’écran passé à enrichir les GAFAM. N’est-ce pas un élément non négligeable de ce retour vers les produits locaux que prônent les différents ordres de gouvernement en ce moment ?
Une réplique économique, certes, mais également une réplique pour essayer d’amenuiser l’impact de l’emprise culturelle américaine ? N’est-ce pas également cohérent avec le projet de constitution qui prône les valeurs québécoises que tente d’établir la Coalition avenir Québec ? À mon avis, la réponse est évidente : c’est un oui retentissant pour assurer la pérennité et le foisonnement de notre offre culturelle.
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