Un indice de danger d’avalanche rarement vu au Québec

Une voiture s’est retrouvée ensevelie par une avalanche, mercredi, en Haute-Gaspésie. Il y a eu plus de peur que de mal à signaler dans ce cas, mais les accumulations de neige ont été si importantes ces derniers jours qu’Avalanche Québec a rehaussé son « indice de danger d’avalanche » à « élevé » en début de semaine, avant de le redescendre d’un cran. Cet organisme qui surveille les risques de déferlantes neigeuses a même lancé un rare avertissement pour des coulées de neige qui pourraient survenir en dehors de leur zone habituelle.
Jusqu’à 120 centimètres de neige sont tombés en quelques jours dans le parc national de la Gaspésie, estime le prévisionniste en avalanche chez Avalanche Québec Jean-François Michaud. « On a exercé une veille même en dehors de notre zone de prévision habituelle. Sur tout le littoral nord de la Gaspésie, à l’est et à l’ouest des Chic-Chocs, on sait qu’il y a des activités avalancheuses. »
Les spécialistes ont vu juste. La plus récente avalanche a été enregistrée mercredi midi. Des plaques de neige ont immobilisé un véhicule qui circulait sur la route 132, près de Mont-Saint-Pierre, heureusement sans faire de blessé. Les deux occupants de la voiture et trois grimpeurs qui se trouvaient à proximité s’en sont tirés tout de même avec une bonne frousse.
Ces cas restent rares quand on les compare avec les avalanches des montagnes de l’Ouest canadien. Tout de même, des dizaines de cas surviennent chaque année sur le territoire québécois. Les montagnes ne sont pas les seuls endroits à risque, explique M. Michaud. « Dès qu’il y a une pente ouverte à plus de 30 degrés avec de la neige dessus, il y a des risques. Même une avalanche de petite taille peut nous ensevelir et nous tuer. »
La plupart des avalanches sont répertoriées en Gaspésie, mais on en trouve au Saguenay, sur toutes les routes à proximité de talus escarpés, dans les dépotoirs à neige ou encore dans les anciennes carrières du sud du Québec. Le dernier accident mortel remonte à l’an dernier. Trois motoneigistes ont été engloutis par de la neige qui s’était accumulée sur une pente de 80 mètres de long seulement. Des incidents et des décès évités de justesse surviennent bel et bien chaque année, selon les représentants d’Avalanche Québec.

« Dans l’histoire du Québec, l’endroit où il y a le plus d’accidents d’avalanche, c’est dans la ville de Québec, raconte Jean-François Michaud. Il y a beaucoup de falaises à Québec. […] Dans le passé, il y a eu beaucoup de chutes de neige qui ont enseveli des personnes, des maisons. Aujourd’hui, il y a une gestion de la neige et ça a quand même changé. »
L’accumulation de neige historique des derniers jours a forcé Avalanche Québec à relever son indice de risque de danger à « élevé ». Un seul niveau dépasse celui-ci : le niveau « extrême ». On se « garde une petite gêne » au Québec pour l’utiliser, puisque ce dernier niveau est surtout utilisé dans les Rocheuses, où les dénivelés sont bien plus massifs que ceux des montagnes d’ici. Le niveau « élevé » est « quand même rare » , résume Maude Alary-Paquette, des communications d’Avalanche Québec. « Ce n’est pas le moment d’aller de façon insouciante en montagne. »
Un « whoumph » annonce en général le début d’un glissement potentiellement mortel, expose-t-elle. « On parle du bruit de l’affaissement de la neige, mais qui n’a pas atteint son point de rupture. Il y a aussi les fissures qui s’ouvrent à partir de nos skis. C’est un bon indice, un cisaillement dans la neige. Toutes les avalanches rapportées dans un secteur sont un signe avant-coureur d’une autre avalanche. »

Franchir le cap des 25 ans
L’équipe d’Avalanche Québec tâte le terrain dans les montagnes gaspésiennes depuis 25 ans cette année. L’organisme financé par Québec et Ottawa est né au lendemain d’une tragédie survenue au jour de l’An 1999. En cette nuit de festivités, une avalanche avait ravagé le gymnase de Kangiqsualujjuaq, au Nunavik, où fêtait une bonne partie du village. Neuf personnes perdirent la vie dans cette catastrophe.
Une quarantaine d’incidents ont ainsi secoué le Québec depuis les débuts d’Avalanche Québec. L’accident du printemps dernier, où trois personnes ont perdu la vie, a sensibilisé les consciences à ce danger méconnu, observe Maude Alary-Paquette. Heureusement, l’augmentation récente de la popularité du ski hors-piste et de la motoneige ne se traduit pas par plus de drames. « Le nombre d’utilisateurs dans l’arrière-pays a explosé en 10 ans, mais le nombre d’incidents n’a pas augmenté proportionnellement. […] On aime la neige, mais il faut revenir à la maison après notre journée de ski. »
Ce reportage bénéficie du soutien de l’Initiative de journalisme local, financée par le gouvernement du Canada.
Une version précédente de ce texte, qui mentionnait qu’Avalanche Québec était financé par Ottawa, a été modifiée. L’organisme l’est aussi par Québec.