Serrer la vis à Airbnb

Devant l’ampleur de la crise du logement, l’administration Plante a annoncé la semaine dernière de nouvelles mesures de contrôle de la location à court terme. L’initiative n’a pas eu l’heur de plaire à la ministre du Tourisme, Caroline Proulx.

La mairesse de Montréal, Valérie Plante, a annoncé que la location touristique à court terme de type Airbnb dans les résidences principales ne sera plus permise en dehors d’une plage comprise entre le 10 juin et le 10 septembre. La Ville de Montréal entend s’attaquer à la location illégale, marquée par les combines en tous genres et les détournements de la Loi sur l’hébergement touristique, adoptée en 2023 pour encadrer et permettre à la fois la location de courte durée.

L’administration Plante constate les limites de cette loi. Selon ses estimations, environ la moitié des 4000 unités de location à court terme dans le marché montréalais sont en situation d’irrégularité. « Le commerce illégal sur le dos des locataires, c’est fini », tranche la mairesse Plante. Le nouveau règlement, qui a pour effet de renverser le fardeau de la preuve, pourrait permettre de retourner 2000 unités sur le marché de la location courant. Alors que le taux d’inoccupation des logements locatifs est de 2,1 % dans la région métropolitaine de recensement de Montréal, la Ville y voit un moyen d’agir pour les ménages.

L’avis n’est pas partagé de tous, et c’est encore au sein du gouvernement Legault que la mairesse Plante a trouvé ses principaux détracteurs. La ministre du Tourisme, Caroline Proulx, s’est montrée cinglante en affirmant que l’approche montréalaise aura « l’effet inverse » de l’objectif. Elle craint pour la réputation de Montréal et la vitalité de l’offre touristique. La mairesse « cherche un coupable pour son inaction […] et le grand coupable, c’est l’hébergement de courte durée », a-t-elle déploré.

La sortie n’est pas sans rappeler les commentaires récents du ministre responsable des Services sociaux, Lionel Carmant. En riposte aux propos de la mairesse Plante sur l’insensibilité du gouvernement Legault face à la crise humanitaire du logement et de l’itinérance, celui-ci a reproché à la mairesse de « faire les choses de son côté », alors qu’il s’est plutôt dépeint comme un joueur d’équipe.

C’est un refrain connu avec le gouvernement caquiste. Les élus municipaux qui n’adhèrent pas à sa vision politique s’exposent à de dures critiques, surtout quand ils ont la fâcheuse manie de répudier eux-mêmes l’action de Québec, comme le fait avec une certaine régularité la mairesse Plante.

Dans ce dossier bien précis, la ministre du Tourisme ne brille pas par sa superbe. Elle exagère les conséquences projetées du règlement montréalais. Les logements offerts en location à court terme dans des zones commerciales, permis municipal à l’appui, pourront rester sur le marché toute l’année. Le nouveau règlement municipal vise la location de courte durée d’une résidence principale : elle sera limitée à l’été seulement et il faudra obtenir un permis municipal pour ce faire. En dehors de ces paramètres, les contrevenants seront passibles d’amendes variant de 1000 $ à 2000 $ par journée de location illégale.

La Ville de Montréal est dans son droit d’agir en vertu des pouvoirs dévolus aux villes dans le cadre de la Loi sur les compétences municipales, visant à accroître l’autonomie municipale. La ministre responsable de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, l’a d’ailleurs souligné sans s’en formaliser, contrairement à sa collègue du Tourisme.

La ministre Proulx fait indirectement le jeu d’une multinationale étrangère, Airbnb. C’est un peu comme si elle faisait passer les intérêts de l’industrie touristique avant ceux des ménages montréalais, dont les deux tiers sont locataires, ne l’oublions pas. Encore faudrait-il que les principaux intéressés soient d’accord avec elle. L’Association hôtelière du Grand Montréal s’est rangée derrière la mairesse Plante, en saluant la mesure.

La ministre Proulx met tout de même le doigt sur un problème en affirmant que la Ville de Montréal n’en fait pas assez pour appliquer les dispositions de la loi actuelle, qui vise justement à encadrer la location touristique de courte durée. Le bilan d’un projet pilote de 18 mois n’impressionne guère : 920 inspections ont été faites dans trois arrondissements et 126 constats d’infraction ont été signifiés en vertu de la Loi sur l’hébergement touristique. L’administration Plante renvoie vite la balle à Québec, en dénonçant la lourdeur et la lenteur du partage d’informations avec Revenu Québec.

Ce stérile bras de fer montre la fragilité de l’édifice en place, autant à Québec qu’à Montréal. Les lois ou règlements peuvent être animés des meilleures intentions du monde, mais ils ne valent rien sans une volonté ferme et une capacité méthodique de les faire respecter. Enfin, le parc de logements disponibles sur Airbnb demeure une quantité négligeable, si bien qu’il faut s’interroger sur l’impact réel de ce plan pour endiguer la crise du logement.

Ce texte fait partie de notre section Opinion. Il s’agit d’un éditorial et, à ce titre, il reflète les valeurs et la position du Devoir telles que définies par son directeur en collégialité avec l’équipe éditoriale.

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