Fini les logements sur Airbnb à Montréal, sauf l’été

La Ville de Montréal prend les grands moyens pour freiner la prolifération des logements touristiques illégaux. Un nouveau règlement interdira la location à court terme de résidences principales sur des plateformes comme Airbnb, sauf durant les trois mois d’été — la haute saison touristique.
L’administration Plante espère ainsi ramener sur le marché local au moins 2000 logements offerts illégalement à des touristes, et non aux « vrais » locataires montréalais qui, eux, peinent à se loger.
La Ville prévoit doubler le nombre d’inspecteurs chargés de traquer les logements illégaux, et imposer des amendes de 1000 $ à 2000 $ par jour de location illégale. Le simple fait d’afficher un logement sur Airbnb hors de la période autorisée — entre le 10 juin et le 10 septembre — sera passible d’amende.
« La location à court terme sur le dos des Montréalais, c’est fini », a lancé la mairesse de Montréal, Valérie Plante, lors d’un point de presse jeudi.
Les deux tiers des Montréalais (65 %) sont des locataires. La Ville estime que 4000 logements sont retirés du parc locatif montréalais, à l’heure actuelle, pour être affichés sur des sites de location touristique. Pourtant, à peine 2142 permis de location à court terme d’une résidence principale ont été délivrés par la Corporation de l’industrie touristique du Québec (CITQ) dans la métropole.
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La Ville estime ainsi qu’au moins 2000 logements offerts illégalement sur des plateformes comme Airbnb sont susceptibles de revenir sur le marché locatif destiné aux Montréalais, ce qui viendrait apaiser la crise du logement.
Les logements offerts en location à court terme dans des zones commerciales — avec le permis municipal requis — pourront rester sur le marché toute l’année, comme à l’heure actuelle. Le nouveau règlement de la Ville vise la location à court terme d’une résidence principale, par exemple pendant les vacances d’été.
Propriétaires sans scrupule
La Loi sur l’hébergement touristique, qui permet depuis 2023 la location à court terme d’une résidence principale avec un permis provincial, « n’est pas adaptée à la réalité montréalaise », a précisé Benoit Dorais, maire de l’arrondissement du Sud-Ouest et responsable de l’habitation au comité exécutif de la Ville.
Les promoteurs immobiliers qui louent des « portes » à court terme sans détenir un permis commercial feront aussi l’objet d’une surveillance accrue. Un projet pilote mené dans trois arrondissements — Plateau-Mont-Royal, Sud-Ouest et Ville-Marie — a permis à la Ville de constater les stratagèmes de propriétaires sans scrupule pour contourner la loi.
Certains signent de faux baux avec prête-noms (pour faire croire que le logement mis en location est une résidence principale). Des couples vivant sous le même toit feignent de vivre à des adresses différentes. Dans d’autres cas, une seule annonce menait à la location de plusieurs appartements.
Ce projet pilote de 18 mois a donné lieu à 920 inspections et 126 contraventions, dont la majorité a été contestée, reconnaît la Ville. Le processus de sanction créé par la Loi québécoise sur l’hébergement touristique nécessite un processus « très long et fastidieux » devant un tribunal, souligne Benoit Dorais.
« Le délai entre un signalement au 311 et la remise d’un constat d’infraction peut durer un an. La documentation de la preuve, le partage de l’information avec Revenu Québec et les subterfuges illégaux utilisés par certains propriétaires rendent les règles difficilement applicables pour atteindre des résultats rapides », indique la Ville.
Des sanctions plus rapidement
La nouvelle réglementation municipale vient clarifier et accélérer les sanctions contre les contrevenants, souligne l’administration Plante.
Les gens qui souhaitent louer leur résidence principale pendant leurs vacances d’été devront se procurer un permis municipal (en plus du permis de la CITQ). Ce permis devra être affiché à un endroit visible de l’extérieur de la maison.
Pas de permis affiché ? Les inspecteurs municipaux auront le pouvoir de donner une contravention sur-le-champ. L’application de ce règlement sera simple, puisque la location à court terme d’une résidence principale sera interdite en tout temps, sauf entre le 10 juin et le 10 septembre.
« En limitant les locations à court terme des résidences principales partout sur le territoire de Montréal à une seule période permise, nous faciliterons le travail de nos inspectrices et inspecteurs, qui n’auront plus à monter d’imposants dossiers pour démontrer que les logements proposés contreviennent à la réglementation municipale », souligne la Ville.
Critiques de la ministre du Tourisme
L’administration Plante fait le pari que cette façon de procéder incitera des propriétaires à conclure qu’il vaut mieux louer toute l’année à un locataire en bonne et due forme plutôt qu’à des touristes durant seulement trois mois.
La ministre du Tourisme, Caroline Proulx, a critiqué sévèrement la stratégie de l’administration Plante, qui risque d’avoir l’« effet inverse » de l’objectif souhaité.
L’opposition officielle à l’Hôtel de Ville a saisi la balle au bond. « Encore une fois, Projet Montréal agit en solo, refusant de travailler en collaboration avec le gouvernement du Québec. Cette approche systématiquement antagoniste n’est pas une façon de gérer une ville. En interdisant les hébergements touristiques de courte durée, elle donne l’illusion d’une solution efficace, mais sans se donner les moyens pour l’appliquer. Sans une entente avec le gouvernement et Revenu Québec pour renforcer les contrôles, cette interdiction n’est qu’un coup d’épée dans l’eau », a déclaré Julien Hénault-Ratelle, du parti Ensemble Montréal.