Un «compromis idéal» haut de 17 étages pour l’îlot Dorchester de Québec

Le complexe immobilier de l’îlot Dorchester porté par le Groupe Trudel culminera finalement à 17 étages, soit trois de moins que dans sa version originale. Aux yeux du maire de Québec, Bruno Marchand, il s’agit du « compromis idéal » pour calmer la grogne suscitée par ce projet, devenu au fil des mois l’un des plus controversés de la capitale.
Le plan particulier d’urbanisme prévu pour ce secteur du quartier Saint-Roch limitait la hauteur à 10 étages : le promoteur en demandait deux fois plus pour y ériger un hôtel de 150 chambres au pied de la falaise qui sépare la basse ville et la haute ville de Québec.
Le maire de Québec, Bruno Marchand, a publiquement tranché mardi : « Je donne mon go pour un 17 étages », a-t-il lancé en point de presse.
La hauteur d’abord envisagée pour l’établissement hôtelier suscitait l’inquiétude d’une frange de la population qui craint de perdre la perspective offerte par le relief de la ville. L’ampleur du complexe, qui comprendra aussi 400 logements, dont 40 abordables et 20 réservés à des bénéficiaires du programme de supplément au loyer, ainsi qu’une épicerie, entre autres, sur la trame de la basse ville, soulevait aussi des préoccupations à propos de la congestion à venir dans le quartier.
Bruno Marchand se félicite d’une solution qui a su, à ses yeux, être à l’écoute à la fois du promoteur et de la communauté. « Un compromis, c’est ça. Le promoteur n’a pas tout ce qu’il veut, les citoyens n’ont pas tout ce qu’ils veulent non plus. C’est une voie qui me semble être la meilleure, qui tient compte de ce que beaucoup de citoyens ont nommé et qui tient compte aussi des réalités du promoteur. »
L’accord de la Ville s’accompagne de nouvelles demandes pour améliorer l’allure architecturale du complexe. De l’aveu même du promoteur, William Trudel, la nouvelle version de l’ensemble présentée est « nettement améliorée ».
L’hôtel, même avec une taille réduite, comportera toujours 150 chambres, mais présentera une architecture plus « contemporaine et moderne ». Il s’avancera en saillie au coin des rues Saint-Vallier et Dorchester dans une pointe évocatrice du Flatiron de New York, se félicite le Groupe Trudel, et permettra l’aménagement d’une placette pour mettre en valeur le résultat du travail archéologique réalisé sur le terrain.
À côté de l’hôtel, sur un terrain présentement occupé par un stationnement sans verdure, des complexes d’habitation plus modestes s’étireront jusqu’à la rue Caron, avec des façades plus en phase avec le « patrimoine de briques rouges » du quartier Saint-Roch.
« Toute la logistique de camionnage aura aussi lieu à l’intérieur du bâtiment, ajoute William Trudel. Ça, c’est une grosse, grosse amélioration : il n’y aura aucun camion de livraison ou d’ordures qui circulera dans la rue, tout se passera dans les immeubles. »
L’épicerie à grand volume, qui devait d’abord être tournée vers la rue Sainte-Hélène, où la Ville prévoit d’élargir la piste cyclable, donnera désormais sur la rue Saint-Vallier, pour éviter les problèmes de circulation.
« Ç’a pris plus de temps que prévu, mais, finalement, c’est un mal pour un bien, a concédé l’homme d’affaires. C’est une version nettement améliorée, tant au niveau de l’architecture que [sur le plan] social. »
La construction débutera cet été, assure William Trudel. Le complexe de cinq bâtiments, dont la facture totale oscille entre 200 et 300 millions de dollars, doit accueillir ses premiers locataires en 2027.
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« Ça va amener un mastodonte dans la place »
Le quartier Saint-Roch traverse une période difficile, marquée par l’itinérance et le départ de plusieurs enseignes commerciales. Dans ce contexte, a fait valoir le maire mardi, la Ville pouvait difficilement écarter du revers de la main un complexe immobilier d’une telle ampleur.
« Si ça allait bien, est-ce qu’on aurait pu prendre plus de temps ? Peut-être. Mais là, tolérer une zone minéralisée, un stationnement en cailloux où nous pouvons construire du logement dans la densité, proche de la ville… Nous pouvons redonner un boost à un quartier qui en a besoin. Honnêtement, ç’aurait été dur de dire non à ça. »
D’autres voient la solution proposée par la Ville d’un autre œil. « Dix-sept étages, ce n’est pas un compromis, dit Marie-Noëlle Béland, directrice générale de l’organisme l’Engrenage Saint-Roch. Le compromis, il se trouvait dans le plan particulier d’urbanisme qui prévoyait un développement à échelle humaine. »
Selon elle, il demeure incompréhensible que « la Ville ne respecte pas sa propre vision » élaborée à l’issue d’un « travail de consultation citoyenne important ».
« La crainte, c’est que ça décourage l’engagement citoyen, que les gens se demandent à quoi bon participer à des consultations pour ensuite voir la Ville balayer ses propres conclusions. »
« Ça va amener un mastodonte dans la place, déplore Marie Plante, une voisine de l’îlot Dorchester. Comme résidente, je m’attends à ce qu’un terrain vague se développe, mais jamais qu’une muraille se dresse devant chez moi ! »
Elle déplore que la Ville veuille mener des consultations « au cours des prochaines semaines » pour définir un nouveau plan particulier d’urbanisme dans ce secteur au moment où la venue du complexe immobilier semble déjà scellée.
« Il n’y aura aucune forme de référendum, conclut-elle. Pour moi, c’est tout simplement un déni de la parole citoyenne. »
Une version précédente de ce texte a été modifiée pour préciser le type de logements prévus dans le complexe.