Aimer peut et doit être anodin

Je vis seul, il n’y a pas de jour où je ne m’en félicite pas. Je ne m’aime pas de grand amour. Je m’aime pour rien, parce que je suis bien là où je suis. Je m’aime pour mes défauts, surtout, qui, enfin, ne gênent plus personne et que je n’ai plus à défendre.

Mes manies. Mon manque de tics. Mes idées débridées auxquelles plus personne ne se doit de réagir « positivement », ce qui m’ennuyait profondément au plus profond de mon non-être probable. Et, d’ailleurs, on s’en fout d’être ou ne pas être ; des années à y réfléchir m’ont libéré du « Je pense donc… », qui ne tient pas la route à l’examen : depuis quand l’illusion de penser pourrait-elle être une quelconque preuve ?

La preuve tient en ces mots : je t’aime. Je dis « je t’aime » à plein de monde, comme je l’ai dit à mes enfants tant qu’ils ont vécu chez moi.

Souvent, ça signifie « je t’aime globalement », parfois pour tes défauts, plus rarement parce que tu m’es utile. On ne peut pas connaître tout le monde, certains passent trop vite.

Un détail : quand je le dis, je ne mens pas et, même, je le pense à tout coup. J’ai rarement le temps de ne pas penser, ça prend une éternité de se vider le crâne.

Si l’on réserve ses « je t’aime » à une seule personne ou à une date précise, d’une certaine façon, on laisse toute la place aux « lui, je le haïs ! », aux « je les déteste » et autres amusements pour clowns de réseau. Il n’y a pas de bonne raison pour aimer, il n’y a pas de restriction au droit de le dire, de le nommer, de le montrer et même de l’exhiber… enfin, je ne parle pas de ceux qui ouvrent leur manteau devant public choisi, sans les exclure tout de même.

Cette lettre me fait un peu penser comme un écho, sans vouloir démolir la très bonne intention de l’auteur et sans le moindre parallèle (je le jure !), à la manie débile des parents américains qui cachent les yeux de leurs enfants devant un couple qui s’embrasse, mais leur donnent un beau révolver à Noël pour « jouer ».

L’amour n’a rien d’exclusif, quoi.

Commentaire sélectionné parmi les réponses au texte « L’amour, c’est grave » sur le site Web du Devoir, le 14 février 2025

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