S’informer, c’est résister à l’effondrement de la vérité

«Nous devons cultiver notre curiosité, élargir notre culture générale, se questionner sur ce qui nous entoure, apprendre à distinguer le vrai du faux», dit l’auteur.
Photo: Headway Unsplash «Nous devons cultiver notre curiosité, élargir notre culture générale, se questionner sur ce qui nous entoure, apprendre à distinguer le vrai du faux», dit l’auteur.

Nous vivons une époque troublée. Une époque où la vérité vacille, où l’ignorance et la haine se répandent comme des feux de forêt dans nos sociétés fracturées. Alors que les bases mêmes de nos démocraties chancellent sous les coups répétés de la désinformation, de la peur et de l’extrémisme, il est de notre devoir — un devoir impérieux et vital ! — de ne pas détourner le regard. Je ne vous flatterai pas dans le sens du poil, je m’en excuse, mais il me faut être franc.

Si vous pensez que vous désintéresser du monde est une forme d’autoprotection ou de rébellion silencieuse, sachez que c’est exactement ce qu’espèrent ceux qui souhaitent manipuler le pouvoir à leur avantage. Cultiver son ignorance par paresse ou par désintérêt, c’est participer, malgré soi, à l’affaiblissement des libertés et des droits, et donc de cette humanité que nous croyons acquise. Car dans l’ombre de votre désengagement, des idéologies violentes et régressives prospèrent, se nourrissant de la peur et du vide laissé par notre indifférence collective.

Regardez autour de vous. Donald Trump, ce symbole d’une époque qui valorise la post-vérité, est de retour, plus puissant, plus vindicatif que jamais. Son influence s’étend bien au-delà des frontières américaines, galvanisant une extrême droite qui banalise l’intolérance, rejette la science, nie l’urgence climatique et s’attaque à la moindre parcelle de solidarité humaine. Partout, des mouvements populistes et autoritaires percent, séduisant des foules en quête de repères simples dans un monde complexe.

Et nous, la jeunesse, que faisons-nous ? Trop souvent, nous nous réfugions dans l’apathie. Nous nous déconnectons. Nous prétendons que les nouvelles ne nous concernent pas, qu’elles sont trop tristes, trop lourdes, trop éloignées de notre quotidien. Mais fermer les yeux ne fera pas disparaître les problèmes. Le silence, le désintérêt et la passivité sont des armes entre les mains de ceux qui veulent faire taire les démocraties.

Vous pensez peut-être que la politique est corrompue, que tout est joué d’avance. Mais se détourner du monde, c’est abandonner le terrain à ceux qui ne cherchent que leur propre avantage. C’est ignorer que notre inaction a un prix : celui d’un avenir où les libertés, l’égalité et la justice sociale seront des vestiges d’un passé que nous aurons laissé s’effondrer par négligence.

Être informé n’est pas une corvée. C’est un acte de résistance. Lire, écouter, questionner, débattre : voilà les outils dont nous disposons pour construire un monde meilleur. Le savoir est une arme puissante, une arme que l’extrême droite et les populistes craignent. Ils redoutent les esprits critiques, les voix capables de démonter leurs mensonges et de révéler leurs intentions sous-jacentes.

Dans cet esprit, éteindre la télévision, fermer un article, éviter un débat sous prétexte qu’il est déprimant ou dérangeant, c’est capituler. Ce n’est pas cultiver une forme de paix intérieure ; c’est accepter une défaite silencieuse. Et c’est un luxe que notre génération n’a pas.

La démocratie, les droits de la personne, la tolérance ne sont pas des acquis ; ce sont des conquêtes fragiles qu’il faut défendre chaque jour. Elles sont le fruit de luttes, de sacrifices et de révolutions portées par des générations passées qui ont refusé de se taire face à l’injustice et à l’ignorance.

Il est temps que nous, les jeunes, reprenions le flambeau. Non pas en acceptant de sombrer dans la haine ou la radicalisation, mais en devenant des ponts entre les divisions, des porteurs de dialogue et de vérité. Nous devons cultiver notre curiosité, élargir notre culture générale, nous questionner sur ce qui nous entoure, apprendre à distinguer le vrai du faux.

Rester informé, c’est résister. Résister à l’effondrement de la vérité. Résister aux discours qui cherchent à diviser. Résister à l’idée que nous ne pouvons rien changer.

Le monde a besoin de vous. De votre lucidité. De votre esprit critique. De votre voix. Parce que si nous ne parlons pas, d’autres le feront à notre place, et leurs voix ne porteront pas les valeurs d’un avenir juste, égalitaire et libre.

Le choix est entre nos mains : l’indifférence ou l’action. Et il est temps d’agir.

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