La vraie fracture, c’est l’affrontement entre les partisans du droit et ceux de la force

On voudrait nous convaincre que le monde est divisé entre un « Nord global » et un « Sud global ». Mais de quoi parle-t-on exactement ?
D’une différence économique ? Sur les vingt premières économies mondiales, sept sont des économies du « Sud ». Au « Sud », certains pays sont 80 fois plus riches que leurs voisins.
D’une différence climatique ? Le changement climatique touche tous les pays du monde, et à plus forte raison les petits États insulaires et les pays les plus pauvres. Et parmi les 10 plus grands émetteurs, si l’on compte les émissions de CO2 par habitant, on en trouve autant au Nord et au Sud.
Parle-t-on d’une division migratoire ? La très large majorité des migrations sont des flux entre les pays du Sud.
D’un clivage politique ? On trouve au Nord comme au Sud des partisans de solutions collectives ou, au contraire, des tentations de se retirer des affaires du monde. On trouve au Nord comme au Sud des compétitions entre puissances régionales. On trouve au Nord comme au Sud des pays qui respectent le droit international et d’autres qui le bafouent.
Oui, nous assistons à une fragmentation du monde, mais se fait-elle le long de lignes géographiques Nord-Sud ? Certainement pas. L’ONU ne reconnaît pas non plus cette distinction artificielle. Elle se concentre sur les catégories de pays qui ont le plus besoin du soutien international.
La vraie ligne de fracture, c’est celle qui sépare ceux qui soutiennent l’ordre international fondé sur les règles, et les autres. Le débat que nous devons avoir, au G20 et partout ailleurs, ce n’est pas l’affrontement entre le Sud et le Nord, c’est l’affrontement entre les partisans du droit et les partisans de la force.
Nous, Français, avons une boussole qui n’indique ni le Nord, ni le Sud, mais la justice. Nous ne détournons les yeux d’aucune crise, d’aucune violation du droit international. Car un pays agressé est un pays agressé et un pays agresseur, un pays agresseur, qu’il soit au Nord ou au Sud.
C’est pourquoi la France condamne à la fois les violations du droit international humanitaire à Gaza et en Cisjordanie, les attaques terroristes du 7 octobre 2023 contre Israël, la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine, les exactions menées par les forces armées soudanaises et les RSF au Soudan. C’est pour cela qu’elle est pleinement engagée pour maintenir le cessez-le-feu au Liban, après avoir œuvré à son adoption, aux côtés des États-Unis. C’est pour cela qu’elle est mobilisée pour que cessent les affrontements dans les Grands Lacs, où le M23 continue de violer la souveraineté congolaise. C’est pourquoi la France est à l’œuvre pour qu’enfin les Syriennes et les Syriens puissent vivre en paix et en liberté dans une Syrie souveraine, pacifiée, et réintégrée dans son environnement régional. Je me suis d’ailleurs rendu dans chacune de ces régions pour y réaffirmer nos convictions avec force.
Car la France ne tient pas de double discours. Et la voix de la France, qui inlassablement défend l’équilibre et le droit, restera entendue, à l’heure où le droit est contesté, si nous renforçons ce droit. Nous ne pouvons plus attendre pour rendre plus juste ce qui est fort et rendre plus fort ce qui est juste. Cela suppose que chacun trouve sa place dans la gouvernance mondiale, et, donc, la réformer. Chaque seconde que nous perdons sur le chemin de la réforme du multilatéralisme alimente le procès en illégitimité de ses institutions.
La France souhaite qu’aboutisse à l’horizon 2026, quand notre pays présidera le G7, des chantiers cruciaux pour l’avenir de la paix et de la gouvernance mondiale. Alors que l’ONU fêtera son 80e anniversaire, avançons résolument pour que nos institutions reflètent le monde d’aujourd’hui et qu’une juste place soit donnée à nos partenaires africains au sein de la gouvernance mondiale, du Conseil de sécurité, des institutions financières internationales.
Avançons aussi pour la mise en œuvre concrète du « Pacte de Paris pour les peuples et la planète » initié par le président de la République. Parce qu’aucun pays ne devrait avoir à choisir entre la lutte contre la pauvreté et la lutte contre le changement climatique. Parce qu’il faut des financements privés pour que l’aide au développement soit à l’échelle et parce qu’il faut innover pour soutenir les pays en développement.
Je crois que c’est aussi l’une des directions majeures que l’Afrique du Sud veut donner à sa présidence du G20. Elle peut compter sur le plein soutien de la France.
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