Pourquoi ne pas transformer les ressources naturelles que nous exportons ?

Vendre nos ressources demeure la voie facile pour créer des emplois, pour maintenir notre niveau de vie et assurer le développement économique de nos régions, fait valoir l’auteur.
Photo: Sean Kilpatrick La Presse canadienne Vendre nos ressources demeure la voie facile pour créer des emplois, pour maintenir notre niveau de vie et assurer le développement économique de nos régions, fait valoir l’auteur.

Donald Trump entend imposer des tarifs de 25 % à l’importation de produits canadiens. Tout le monde reconnaît que ces tarifs auront un effet dévastateur sur les économies canadienne et américaine.

Afin d’atténuer les conséquences et de diminuer notre dépendance économique vis-à-vis de nos voisins du Sud, plusieurs suggèrent de diversifier nos marchés d’exportations, notamment vers l’Europe et l’Asie. Cela n’est pas mauvais en soi.

Mais, pourquoi ne pas transformer nous-mêmes nos propres ressources naturelles ? Il s’agirait là d’une autre façon constructive de diversifier les marchés de nos industries, tout en créant des emplois ici même, au Canada et au Québec.

Il faut admettre que l’économie canadienne est en bonne partie basée sur l’exportation de nos ressources naturelles. Bien sûr, il y a l’automobile en Ontario — mais dont nous ne disposons d’aucune marque domestique — et l’aéronautique au Québec avec Bombardier, et d’autres secteurs de haute technicité.

Par contre, nous sommes aussi parmi les plus grands exportateurs du monde de matières premières comme le bois, des minéraux et du pétrole, ou bien de nos produits de première transformation, comme l’aluminium ou des boulettes de fer. Toutes ces ressources profitent en réalité aux pays qui les importent. Ceux-ci nous les retournent sous la forme de produits transformés en créant chez eux de nombreux emplois. Pour notre part, grâce à ces ressources abondantes, nous avons réussi à maintenir jusqu’à maintenant une bonne part de notre niveau de vie, du moins, jusqu’à ce que ces ressources s’épuisent.

Sommes-nous affectés par le mal hollandais ?

Les économistes parlent du « mal hollandais » lorsque l’économie d’un pays devient dépendante de ses ressources naturelles. Cette dépendance peut pour diverses raisons avoir pour effet de limiter l’industrialisation des autres secteurs. Ce phénomène est parfois lié à la valeur de la devise nationale, mais peut aussi avoir d’autres causes structurelles.

Pourquoi en serait-il ainsi au Canada ? Parce que nous avons profité de façon historique de notre proximité du marché américain. En adoptant la voie de la facilité, nous avons laissé de nombreuses entreprises, souvent étrangères ou américaines, exploiter nos propres ressources naturelles et avons entretenu une dépendance envers elles.

Vendre nos ressources demeure la voie facile pour créer des emplois, pour maintenir notre niveau de vie et assurer le développement économique de nos régions. C’est pourquoi les gouvernements du Canada et du Québec ont déployé des ressources considérables (par exemple, hydroélectricité et subventions) pour aider de très grandes entreprises, et peut-être moins pour le secteur de la transformation. Qu’en serait-il si ces mêmes ressources avaient été réassignées vers l’industrialisation des secteurs de la transformation ?

À cela, il faut admettre que la diminution de l’importance du secteur manufacturier sur l’ensemble de l’économie est une tendance lourde partout dans le monde, un phénomène qui n’a d’ailleurs pas échappé à l’économie américaine.

Contrairement à ce que Donald Trump pense, ce sont les grandes forces de la mondialisation et les progrès technologiques qui ont contribué à désindustrialiser le secteur manufacturier aux États-Unis et non des conditions d’échanges injustes ou défavorables à l’économie américaine. Ce sont ces mêmes forces de la mondialisation qui ont déplacé les centres de production vers d’autres pays, notamment en Chine ou au Mexique, mais aussi vers ceux qui ont investi dans l’innovation et le savoir-faire, comme au Japon, en Corée du Sud ou à Singapour.

Investir dans l’innovation et le savoir-faire

On pourrait penser que l’équilibre de nos échanges avec nos partenaires internationaux est le résultat de nos avantages comparatifs, notamment celui de nos abondantes ressources naturelles au Canada qui sont vendues à bas prix. Cela est vrai ! On pourrait penser aussi que d’autres pays sont mieux placés que nous pour produire des produits transformés en raison de l’avantage que procure la proximité aux grands marchés. Cela n’est pas entièrement vrai ! D’autant que cette vision statique ne peut pas nous assurer la croissance et le progrès dont nous avons besoin.

Plusieurs pays, comme ceux cités plus haut, qui n’ont pas beaucoup de ressources naturelles et qui sont éloignés des plus grands marchés, ont réussi à développer leurs industries manufacturières et technologiques de pointe.

Faute de ressources naturelles, ils ont tous comme point en commun d’avoir investi dans l’innovation et le savoir-faire, en encourageant le développement de leurs propres entreprises domestiques, en investissant dans leur développement et leur modernisation, en encourageant les jeunes pousses technologiques, en investissant dans la recherche universitaire et les transferts technologiques vers les entreprises, en les soutenant financièrement et en les accompagnant dans le développement de leurs marchés.

Il existe donc des solutions. Il est possible de créer nos propres avantages dans le secteur de la transformation même si nous sommes au Canada ou au Québec. Nous consommons de grandes quantités de produits d’importation. Ils constituent un marché potentiel considérable que nous pourrions récupérer en produisant nous-mêmes ces produits. Ceci est d’autant plus vrai qu’ils deviendront plus chers avec les tarifs douaniers qu’entend imposer Donald Trump.

Transposons donc nos difficultés en occasions.

Ce texte fait partie de notre section Opinion, qui favorise une pluralité des voix et des idées en accueillant autant les analyses et commentaires de ses lecteurs que ceux de penseurs et experts d’ici et d’ailleurs. Envie d’y prendre part? Soumettez votre texte à l’adresse opinion@ledevoir.com. Juste envie d’en lire plus? Abonnez-vous à notre Courrier des idées.

À voir en vidéo