Donner une voix aux citoyens pour réussir la transition

La dernière année a été marquée par des débats importants sur l’aménagement du territoire au Québec. Face à la crise du logement, le gouvernement a doté les municipalités d’un « superpouvoir » leur permettant d’approuver rapidement des projets qui dérogent à leur propre réglementation, sans possibilité de référendum. Il s’agit d’outil désormais largement utilisé.
En parallèle, la transition énergétique soulève des questions d’envergure. Le développement de l’éolien et de la filière batterie s’accompagne de répercussions territoriales importantes. La controverse autour du projet de Northvolt et la demande pour un examen du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) concernant la filière éolienne illustrent l’inquiétude grandissante quant à la transparence des processus décisionnels et l’arbitrage entre bénéfices collectifs et effets locaux. Le projet de loi no 81 actuellement à l’étude renforce ces craintes.
L’accélération est devenue le mot d’ordre. De plus en plus de citoyens ont le sentiment d’être placés devant des faits accomplis.
Oui, le Québec doit agir rapidement. La crise climatique et la crise du logement rendent nécessaires des changements profonds dans notre façon d’habiter et d’aménager notre territoire, et de nous y déplacer. Mais si l’inaction a un coût, l’absence de dialogue et les projets mal conçus en ont aussi.
Exclure les citoyens du processus décisionnel ne fait qu’alimenter les tensions et freiner l’acceptabilité sociale. Une participation bien structurée ne ralentit pas nécessairement l’action : au contraire, elle peut améliorer la qualité des projets, limiter les contestations et les rebondissements et, ultimement, renforcer la confiance dans les institutions.
On ne peut se contenter d’invoquer l’offre insuffisante de logements ou la transition énergétique pour balayer d’un revers de main les préoccupations légitimes ou les attentes à prendre en compte. Il est temps d’ouvrir un débat de société sur la participation publique, en repensant nos mécanismes démocratiques pour qu’ils soient à la hauteur des défis du XXIᵉ siècle.
Trois principes clés pour une réforme
1. Impliquer les citoyens dès la conception des projets. La Loi sur l’aménagement et l’urbanisme prévoit des obligations minimales qui ne sont plus au diapason des bonnes pratiques. Souvent, la consultation intervient tardivement, lorsque les projets sont déjà avancés. Une réforme doit garantir que les citoyens sont partie prenante dès les premières étapes et que leur contribution ne se limite pas à commenter des décisions déjà prises. Certaines municipalités innovent en ce sens, mais les approches demeurent inégales et dépendent de la volonté politique locale.
2. Réformer les référendums en urbanisme. Le système des référendums en urbanisme est dysfonctionnel. Parfois, il donne un poids disproportionné à une minorité d’opposants, disposant d’un droit de veto sur des projets d’intérêt pour la collectivité. Le référendum est un garde-fou à conserver, mais il devrait être réservé aux projets ayant une incidence majeure sur leur milieu. Il faut également élargir la base citoyenne nécessaire pour franchir les différentes étapes afin d’assurer que seuls les projets qui font l’objet d’une large opposition sont soumis au référendum. L’implication citoyenne est précieuse, mais le bien commun doit l’emporter sur les intérêts particuliers.
3. Valoriser la planification et l’évaluation des répercussions. Si le « superpouvoir » est devenu si populaire, c’est en grande partie parce que plusieurs règlements d’urbanisme sont désuets, ce qui oblige les projets de densification à passer par des processus compliqués de modification du zonage. Un urbanisme plus cohérent passe par la mise à jour des plans et des règlements en fonction des meilleures pratiques, avec une réelle implication de la population.
Par ailleurs, il est impératif de ne pas évacuer les questions environnementales, sociales et patrimoniales des débats. Un territoire mal planifié et des projets mal intégrés dans leurs milieux laissent des séquelles pour des décennies. Chaque projet doit être évalué avec rigueur et en toute transparence, en assumant tant ses avantages que ses inconvénients.
Le gouvernement du Québec doit repenser la participation publique, tant en matière d’urbanisme qu’en lien avec les grands projets de développement. Une réforme ambitieuse permettrait de renforcer la légitimité des décisions, de prévenir les blocages et d’ancrer une vision plus inclusive et prospective du développement du territoire. Le moment est venu de faire de la participation publique un véritable levier de transformation territoriale, au service d’un aménagement démocratique, transparent et durable.
Ce texte fait partie de notre section Opinion, qui favorise une pluralité des voix et des idées en accueillant autant les analyses et commentaires de ses lecteurs que ceux de penseurs et experts d’ici et d’ailleurs. Envie d’y prendre part? Soumettez votre texte à l’adresse opinion@ledevoir.com. Juste envie d’en lire plus? Abonnez-vous à notre Courrier des idées.