La psy sympa

J’ai toujours trouvé Rose-Marie Charest, présidente de l’Ordre des psychologues du Québec de 1998 à 2015, sympathique. Il y a des psys dispensateurs de recettes. Rose-Marie Charest n’est pas de ceux-là.

Ses interventions à la radio, à la télé ou dans les médias écrits se caractérisent, me semble-t-il, par leur prudence et leur modestie. La psychologue n’a jamais été chiche de ses lumières, mais elle a toujours su les présenter avec délicatesse, et cela sans nous enquiquiner, comme le font trop de ses collègues, avec cette panacée psy qu’est la méditation pleine conscience.

C’est cet esprit qu’on retrouve dans Ce que j’ai appris de vous… (La Presse, 2025, 200 pages), un essai dans lequel Charest, maintenant à la retraite, s’inspire de ses quatre décennies de pratique afin de présenter son point de vue sur les plus fréquents enjeux psy, comme l’influence de l’enfance sur notre personnalité, les liens familiaux, la vie au travail, nos relations avec les autres et, bien sûr, avec nous-mêmes.

« Mes amis, écrit Charest, se plaisent à dire que la conversation est mon sport préféré. » C’est justement le ton qu’emprunte ce livre, qui n’a rien de théorique. Nous sommes, en d’autres termes, invités à une causerie portant sur la quête du bonheur et du sens, grâce à une meilleure « compréhension de soi et des autres ». L’expérience est agréable, mais manque un peu de substance.

Il est vrai qu’écrire un livre de psychologie pratique représente toujours un défi. Les grands théoriciens de la discipline — Freud, Jung, Dolto, Maslow, Piaget, Beck — sont certes à l’origine de passionnants ouvrages, mais transposer leurs thèses en conseils pratiques ne va pas de soi.

Comme l’écrit Charest, en effet, en rappelant un principe central en psychologie, « chaque personne a son histoire qui est toujours unique, donc jamais vraiment prévisible ». Le complexe d’Œdipe, c’est super, mais je ne l’ai probablement pas vécu comme vous.

La psychologue, dans ce livre, fait donc le choix de partir des questions qu’on lui a le plus souvent posées dans sa pratique et des situations fréquentes qu’elle a rencontrées afin de guider sa réflexion. Les expériences vécues dans l’enfance, par exemple, sont communément mises en cause dans l’explication de nos comportements d’adultes. À tort ou à raison ?

On ne peut nier les liens entre le passé et le présent, reconnaît Charest, mais « il serait peu constructif et trop facile de s’en remettre à son enfance pour expliquer telle attitude ou tel malaise dans nos vies actuelles ». L’enfance, affirme-t-elle, ne détermine pas tout. Nous ne sommes pas « réduits à l’impuissance » pour la suite des choses.

Ce thème revient souvent dans la pensée de la psychologue. Malgré les déterminismes — nos gènes, notre histoire personnelle, notre situation sociale — qui nous marquent tous, « nous conservons une grande liberté », écrit-elle, d’où l’importance de ne pas nous enfermer dans le fatalisme.

À contre-courant d’une tendance populaire, Charest insiste sur l’idée qu’il importe de ne pas « se réfugier dans des diagnostics comme autant d’excuses pour justifier nos évitements ». Personne, continue-t-elle, ne se limite à un diagnostic. Ce dernier fournit un éclairage important, en prendre conscience peut être libérateur, mais seulement dans la mesure où il ne nous dégage pas de toute responsabilité dans la résolution du problème en cause. La plainte peut être légitime, et il faut l’entendre, mais elle gagne à passer à l’étape du désir de changement assumé pour n’être pas vaine.

Plus facile à dire qu’à faire, évidemment, puisque le changement, même s’il s’impose parfois objectivement, ébranle notre identité. « Changer, note Charest, c’est quitter », c’est abandonner une attitude qui nous nuit, mais qui vient peut-être de notre enfance, de notre relation avec nos parents. Changer, par conséquent, c’est aussi laisser derrière soi « une partie de soi » et de l’héritage reçu, ce qui explique notre ambivalence dans la démarche.

À la lumière de toutes ces considérations et de bien d’autres, Charest formule quelques grandes leçons utiles sur la route du bonheur. Il faut, écrit-elle, faire son deuil de l’enfance idéale, de la famille modèle et du conjoint parfait. La clé du bonheur se trouve dans « la qualité de nos relations interpersonnelles ».

Il est indispensable, enfin, de nourrir notre intériorité, notamment par la connaissance de soi-même et par la fréquentation de la littérature, que Charest ne mentionne qu’au passage, trop rapidement, alors que s’y trouve une autre clé essentielle.

Ce sont là, me suis-je d’abord dit, un peu déçu par ma lecture, des évidences pour toute personne fréquentant un peu la psychologie sérieuse. En même temps, ai-je fini par conclure, redire des vérités que les humains ont la faiblesse d’oublier demeure assurément une tâche salutaire.

Ce texte fait partie de notre section Opinion, qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.

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