Cotiser au REER en dernière minute
On a tous un ami toujours en retard, que ce soit pour un souper, un spectacle ou parfois, même, son propre mariage ! Des retardataires, il y en a aussi parmi les clients des conseillers financiers. Ceux-là font généralement irruption au dernier jour de février pour cotiser à un REER qu’ils ont négligé le reste de l’année. Il faut avouer que l’emballement publicitaire qui bat son plein en janvier et en février peut donner l’impression à certains qu’il s’agit de la meilleure période pour cotiser.
Pourtant, il ne fait aucun doute que le fait d’intégrer l’épargne-retraite à même votre budget favorise une bien meilleure discipline. Cette méthode permet d’investir les marchés avec un coût d’achat moyen plus favorable, en plus de constituer une protection contre la volatilité des marchés. Même pour les travailleurs autonomes et les chefs d’entreprise — dont les revenus et les types de rémunération peuvent varier d’une année à l’autre —, il est toujours possible d’établir un montant de cotisation sur une base périodique et de rajuster celui-ci en janvier ou février selon les revenus imposables réels et les liquidités accumulées.
En supposant que vous n’êtes pas cet ami retardataire qui cotise en février par manque d’organisation ou de discipline, établissons ensemble des situations particulières qui justifient de courir un peu d’ici le 3 mars prochain.
2024 fut une année payante ? Si, avant le 31 décembre 2024, il y a eu vente d’actions d’entreprise ou d’autres actifs financiers ou immobiliers détenus personnellement, c’est là une occasion pour vous de rattraper vos droits de cotisation REER inutilisés en début d’année. Même dans le cas où les actions vendues se qualifient à la déduction cumulative pour gain en capital, cette stratégie est à envisager, parfois pour limiter l’impôt minimum de remplacement ou tout simplement parce que le gain en capital dépasse le montant d’exonération disponible.
Vos acomptes provisionnels personnels de 2024 sont insuffisants ? Cette situation se présente souvent pour les nouveaux travailleurs autonomes dont les revenus imposables augmentent durant leurs premières années de travail. Les acomptes provisionnels d’une année étant calculés sur les revenus de l’année précédente, il est fréquent qu’une facture fiscale salée puisse les attendre en avril. En mettant le plus rapidement possible à jour votre comptabilité au 31 décembre 2024, vous aurez en main les hypothèses pour estimer les impôts à payer en fonction de vos résultats réels. Le fait de cotiser au REER à la dernière minute est alors tout à fait stratégique. Cette recommandation s’applique également au propriétaire d’une entreprise incorporée, si par exemple des avances à l’actionnaire ont été « effacées » avec le versement d’un dividende, d’une prime ou d’un salaire.
Vous avez des enfants à charge ? La cotisation à votre REER ne fait pas que diminuer les impôts exigibles au 30 avril, elle augmente aussi les liquidités nettes disponibles pour la famille dans la prochaine année. Rappelons que les sommes versées par les programmes de soutien aux familles sont basées sur le revenu familial net, donc après déductions REER. Les prestations d’aide aux enfants sont particulièrement généreuses lorsque ces derniers sont âgés de moins de 6 ans, mais elles sont aussi à considérer ensuite. Ainsi, si vous avez accumulé des liquidités et que vous avez des enfants, n’hésitez pas à cotiser une somme supplémentaire d’ici la date limite du 3 mars. Il sera alors possible de déterminer au moment de la production de votre déclaration de revenus si la totalité doit être déduite cette année ou si vous en gardez une partie pour la déduire en 2025.
Vous recevez une prime annuelle ? Généralement, les employés encaissent cette somme en début d’année. Pour celle-ci, des impôts doivent être retenus, ce qui diminue parfois de près de la moitié la somme disponible pour une stratégie d’investissement. Sachez que l’employeur peut déposer directement cette somme dans votre REER, ce qui le soustrait à son obligation de prélever des retenues à la source. Votre cotisation REER sera beaucoup plus importante, ce qui augmente au jour 1 vos investissements, ainsi que votre remboursement fiscal par la suite.
Cette stratégie peut aussi s’appliquer si vous êtes votre propre patron ! Certains employeurs acceptent de le faire seulement dans le REER collectif qu’ils ont mis en place, d’autres dans votre REER individuel. S’il est trop tard pour cette année, prenez une note pour la prochaine année et informez-vous auprès d’un professionnel.
Cette liste n’est pas exhaustive, mais elle démontre que, si la « saison des REER » est un concept discutable, il existe des raisons pour lesquelles on bénéficie de la possibilité de cotiser dans les 60 premiers jours de l’année. Néanmoins, si vous êtes simplement du genre à être à la dernière minute, il serait sage d’ajouter à votre cotisation de février l’implantation d’un nouveau programme de cotisations systématiques par paie ou mensuel.
Ce texte fait partie de notre section Opinion, qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.