À voir dans les théâtres montréalais cette saison

«Sur tes traces» de Dany Boudreault et Gurshad Shaheman, d'abord présenté au FTA en 2024, prend l'affiche au théâtre Prospero.
Photo: Emily Coenegrachts «Sur tes traces» de Dany Boudreault et Gurshad Shaheman, d'abord présenté au FTA en 2024, prend l'affiche au théâtre Prospero.

Donner à penser

Les penseurs ont nourri plusieurs créateurs de théâtre cette saison. Dans Une vie intelligente, Dominique Leclerc, la créatrice d’i / O, continue de scruter notre avenir et offre un espace de réflexion sur l’intelligence artificielle. Le spectacle, codirigé par Patrice Charbonneau-Brunelle, a la singularité d’être produit avec la collaboration de l’Université de Montréal et des artisans de la Déclaration de Montréal sur l’IA responsable. Au théâtre Jean-Duceppe.

Au Prospero, un trio prometteur (la metteuse en scène Brigitte Haentjens, les interprètes Sébastien Ricard et Micha Raoutenfeld) s’est formé pour créer La chouette. Une réflexion sur les identités hors normes qui s’inspire de concepts élaborés par le philosophe trans Paul B. Preciado et le géographe Jean Morisset.

Avec L’amour ou rien, Mélanie Demers porte sur scène l’essayiste féministe bell hooks, adaptée par l’autrice Lorrie Jean-Louis. Une célébration des « multiples incarnations » de l’amour. À l’Espace Go.

Dans la performance Use et abuse, Christian Lapointe et Alix Dufresne s’inspirent d’une conférence d’Alain Deneault dénonçant l’impératif de rentabilité imposé aux artistes. À l’Usine C.

Créations à surveiller

On vous annonçait déjà samedi dernier celle, très attendue, de Michel Marc Bouchard, Une fête d’enfants. Chez Duceppe, impossible d’ignorer Janette, où Rébecca Déraspe, « en conversation » avec Janette Bertrand, rend hommage à cette figure majeure de la société québécoise. La pièce orchestrée par Jean-Simon Traversy imagine un dialogue entre la communicatrice (Guylaine Tremblay) et plusieurs personnages.

Photo: Duceppe À gauche : «Une vie intelligente», à droite : «Janette»

Dans Dommage que t’avais les yeux fermés, Pascale Renaud-Hébert se demande c’est quoi, réussir sa vie ? Un spectacle sous la direction de Benoît Vermeulen. Aussi, à La Licorne, la prolifique coscénariste de la télésérie M’entends-tu ? met en scène Le show beige, première pièce de Camille Giguère-Côté, à l’humour absurde, dit-on, qui mise sur une excellente distribution.

Le Centre du Théâtre d’Aujourd’hui (CTDA) crée Chronologies, deuxième texte de Stephie Mazunya, après le vivant S’enjailler. Produite avec UBU, la pièce est mise en scène par Stéphanie Jasmin.

Dans Paysages en filiation, les créatrices de Système Kangourou (Claudine Robillard et Anne-Marie Guilmaine) s’inspirent du roman graphique Here, de Richard McGuire, pour illustrer la métamorphose d’un salon. Au théâtre Aux Écuries.

Classiques ?

Au Théâtre du Nouveau Monde (après un passage au Trident), Didier Lucien revisite la tragédie féminicide de Shakespeare. Son Othello, adapté par Jean Marc Dalpé, confie le rôle d’Iago à Lyndz Dantiste, face à Rodley Pitt. Aussi au TNM, c’est avec une création nourrie de textes du répertoire que Mani Soleymanlou et Fanny Britt sondent notre rapport aux Classique(s). Un spectacle d’Orange noyée porté par une forte distribution contrastée.

On s’en doute, les loustics du Théâtre du Futur, Olivier Morin et Guillaume Tremblay, vont réserver un traitement bien peu classique au Prince de Machiavel, ce fameux traité sur le pouvoir. Coproduite par le Théâtre du Double signe, leur pièce est campée au « IVe siècle de l’ère post-Google », où l’humanité habite des vaisseaux-entreprises… Toujours au théâtre Denise-Pelletier, Frédéric Bélanger porte sur scène Orgueil et préjugés, de Jane Austen.

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Récits biographiques

On a pu découvrir au dernier Festival TransAmériques le fascinant concept de Sur tes traces, création commune du Jeannois Dany Boudreault et du Français d’origine iranienne Gurshad Shaheman (Pourama pourama) : chacun a enquêté sur la vie de l’autre. Munis d’un casque audio, les membres du public peuvent alterner entre ces deux monologues simultanés.

Toujours au Prospero, mais dans la salle intime, Ces regards amoureux de garçons altérés, texte autobiographique d’Éric Noël, offre un solo au formidable Gabriel Szabo, dirigé par Philippe Cyr.

Grande visite à l’Usine C : Thomas Ostermeier, directeur de la Schaubühne de Berlin, vient présenter Histoire de la violence. Une adaptation — faite avec l’auteur — du récit autofictif d’Édouard Louis.

Et avec Monstres, Créations Unuknu (Agamemnon in the Ring) offrent une fiction ponctuée de témoignages « de jeunes adultes ayant récemment quitté le système de placement de la DPJ ». À Fred-Barry.

Univers cataclysmiques et comédies noires

Entre la pandémie et la crise climatique, peut-on se surprendre de ce que le spectre de la fin du monde se manifeste dans les œuvres ? Création de Sébastien David, Une fin s’attarde aux interactions entre une centaine de quidams à l’orée d’une apocalypse solaire, explorant la « banalité de l’existence ». Laurence Dauphinais et Patrice Dubois y dirigent 16 interprètes au CTDA.

Au Prospero, le Collectif Tôle monte Mr. Burns, une pièce post-électrique, une comédie noire de l’Américaine Anne Washburn. Alors que l’humanité est plongée dans le noir depuis l’effondrement de la civilisation, des épisodes des Simpson joués par une troupe de théâtre acquièrent une dimension mythologique…

Dans Créatures, le monde est envahi par l’eau ; 11 filles et femmes sont réfugiées sur une structure précaire. Monté par Anne-Marie Ouellet et la compagnie L’eau du bain, ce récit ludique s’inspire de l’univers de la dessinatrice finlandaise Tove Jansson. À l’Espace Go.

Après son réussi Moi, Jeanne, le duo de Pleurer Dans’ douche, Geneviève Labelle et Mélodie Noël Rousseau, met en scène Pleurs. Une « comédie existentielle » écrite par les jeunes — aidés par Tamara Nguyen — qui avaient montré leur don comique dans Rires à l’Espace libre l’an dernier. Et c’est aussi dans une entreprise de pompes funèbres qu’est campée Helgi, montée par Marie-Ève Milot au Quat’Sous. Cette comédie noire permettra de découvrir « l’enfant terrible » du théâtre islandais, Tyrfingur Tyrfingsson.

Histoires de femmes

Dans Une vie de femme, Marie-Laurence Rancourt fouille, chez plusieurs personnages féminins, la difficulté de concilier désirs profonds et vie réelle. L’autrice et metteuse en scène y retrouve l’excellente interprète de sa première pièce, L’écoute d’une émotion : Larissa Corriveau, ici très bien entourée. À l’Espace Go.

Photo: Maxyme G. Delisle À gauche : «L’amour ou rien», à droite : «Une vie de femme», à l’Espace Go

Avec Tout ça, Louis-Karl Tremblay s’appuie à nouveau sur le talent d’Évelyne Rompré, qu’il vient de diriger dans Ma petite pouliche. Ce monologue de l’acclamé auteur britannique Alistair McDowall dresse l’inventaire d’une vie. Au Quat’Sous.

Dans Viqueens. Saga nordique, Laurence Laprise et Laurie Léveillé s’amusent à réécrire la mythologie et à remettre en question l’interprétation de l’Histoire, imaginant ces pendants féminins des Vikings. À la salle Jean-Claude-Germain.

Avec Sa dernière femme, la Canadienne Kate Hennig interroge aussi l’Histoire, soulignant la « modernité » de Catherine Parr (Marie-Pier Labrecque), sixième épouse de Henri VIII. Eda Holmes monte au Théâtre du Rideau vert cette pièce qu’elle avait déjà dirigée au Centaur.

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