«Viqueens: saga nordique»: désopilantes reines nordiques

Dans «Viqueens: saga nordique», les spectateurs sont projetés au temps des Vikings. Sur scène, ce ne sont pas des guerriers, mais bien des guerrières, des Viqueens, qui dirigent.
Photo: Valérie Remise Dans «Viqueens: saga nordique», les spectateurs sont projetés au temps des Vikings. Sur scène, ce ne sont pas des guerriers, mais bien des guerrières, des Viqueens, qui dirigent.

Viqueens : saga nordique, à l’affiche au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, remplit sa mission de faire rire de façon originale et intelligente, tout en défendant bien son propos.

Combien de femmes aux accomplissements remarquables ont été effacées de l’histoire, dominée par un point de vue masculin ? Impossible de le savoir. Les autrices Laurie Léveillé et Laurence Laprise ont donc décidé d’en écrire elles-mêmes un chapitre par le biais d’un voyage dans le temps.

« C’est l’histoire de la guerrière de Birka qui nous a mises sur la piste : retrouvée en 1878 en Suède, les archéologues ont longtemps supposé qu’il s’agissait d’un homme, et ce, même si certaines caractéristiques du squelette étaient résolument féminines », écrivent les créatrices dans leur mot au public.

Les spectateurs sont projetés au temps des Vikings. Sur scène, ce ne sont pas des guerriers, mais bien des guerrières, des Viqueens, qui dirigent. Elles portent des costumes excentriques, elles méprisent les hommes — exilés sur une autre île — et elles ont chacune leur force. La cheffe, Ulfhild (Isabeau Blanche), a des pouvoirs surnaturels et une tendance aux envolées lyriques excessives. Svanhilde (Élodie Maher) est dotée d’une force physique légendaire à la Obélix et elle n’hésite pas à transformer en chapeau, en collier ou en instrument de musique les hommes qui suscitent sa colère. Finalement, Frigg (Sally Sakho) s’assure d’amener la prospérité au village grâce à sa ruse, même si elle avoue avoir « déjà eu un ami homme ».

Les comédiennes jouent leur partition à merveille. Elles conquièrent leur public à coups, non pas de poing sur le visage, mais de répliques savoureuses et inattendues. L’attitude à la fois impériale et hallucinée d’Isabeau Blanche est très drôle, notamment dans les scènes où elle est possédée par des visions. Petit bémol : les récits mythiques qu’elles racontent en grande pompe tout au long de la pièce sont un peu redondants, dans le ton et le contenu. Les moments d’action sont les plus divertissants.

Photo: Valérie Remise Les comédiennes jouent leur partition à merveille. Elles conquièrent leur public à coups, non pas de poing sur le visage, mais de répliques savoureuses et inattendues.

Un homme désopilant

Ce sont toutefois, peut-être ironiquement, les déboires de l’unique personnage masculin qui donnent lieu aux moments les plus hilarants. Julien (Thomas Derasp-Verge), un amateur de jeux de rôles historiques et de rock métal nordique, arrive parmi les Viqueens comme un cheveu sur la soupe. Ce sont elles qui l’ont attiré par le biais d’une roche-portail mystique, à la recherche du sauveur venu du futur prédit par une sombre prophétie.

Est-ce qu’un chétif vingtenaire du XXIe siècle pourrait être l’élu qui les protégera contre un redouté retour des hommes barbus ? On se doute que non. Ses tentatives ridicules d’affirmer sa masculinité se heurtent à une fin de non-recevoir de la part des dirigeantes. Sa faiblesse et son ignorance sont exposées au grand jour. « Est-ce que tous vos jurons sont des noms de meubles IKEA ? » demande-t-il. Le jeu réaliste, désespéré et burlesque de Thomas Derasp-Verge rend justice à son personnage de jeune loser déboussolé et à ses longues tirades absurdes.

L’autrice et metteuse en scène Laurence Laprise a fait ses premières armes au sein du déjanté Théâtre du Futur, qui présente ces jours-ci d’odyssée spatiale Le Prince au théâtre Denise-Pelletier. Le lien de parenté avec Viqueens est manifeste, d’autant plus qu’Olivier Morin, l’un des fondateurs du Théâtre du Futur, a été conseiller dramaturgique pour la pièce. La mise en scène est très dynamique, malgré un décor sobre constitué de quelques roches.

Les Viqueens ne seront sans doute pas ajoutées officiellement aux livres d’histoire, mais elles feront passer un moment épique à ceux qui auront pu mettre la main sur des billets. Au moment où ce texte était publié, presque toutes les représentations affichaient complet.

Viqueens : saga nordique

Texte : Laurie Léveillé et Laurence Laprise. Mise en scène : Laurence Laprise. À la salle Jean-Claude-Germain du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui jusqu’au 16 février.

À voir en vidéo