Québec met les automobilistes à contribution pour financer son transport collectif

Au moment où le Réseau de transport de la Capitale (RTC) crie famine, la Ville de Québec met les automobilistes à contribution pour renflouer ses coffres. Ces derniers paieront 60 $ de plus lors du prochain renouvellement de leur immatriculation, ce qui portera leur cotisation au transport en commun à 90 $.
La mesure, qui touchera 300 000 automobilistes dès le 1er janvier 2025, apportera 18,4 millions de dollars au budget du RTC — une somme qui soulage, sans le régler, le manque à gagner de 40 millions de dollars prévu par le RTC en 2024.
La nouvelle taxe signe la fin d’un statu quo vieux de plus de trois décennies. La ponction sur l’immatriculation consacrée au transport en commun dans la capitale était demeurée à 30 $ depuis 1992 — une « gaffe », selon le maire de Québec, qui annonce d’emblée que la nouvelle taxe fluctuera au gré de l’indexation.
« C’est une gaffe de ne pas indexer les choses, a affirmé Bruno Marchand. Le 30 $, s’il avait été indexé, il serait aujourd’hui à 55 $. »
La différence, selon lui, aurait pu répondre aux ambitions municipales actuelles en matière de transport collectif, au moment où les sociétés sont aux prises avec des déficits structurels et où les villes font front commun pour exiger de réformer un modèle de financement qu’elles jugent désuet.
« Le défi du financement, c’est un enjeu récurrent qui ne devrait pas l’être », a déploré la présidente du RTC, Maude Mercier Larouche. Depuis la pandémie, illustre-t-elle, le bouclage annuel du budget relève du « cauchemar éveillé » et l’élaboration d’une vision à long terme devient « impossible ».
« Ce n’est pas un problème de dépenses, a affirmé la conseillère, en rappelant que le RTC avait « optimisé » ses opérations à hauteur de 11 millions de dollars l’an dernier. C’est un problème de revenus. »
Dans ce contexte, la Ville n’avait pas le choix d’augmenter la tarification sur l’immatriculation, selon le maire Bruno Marchand. « On n’est pas heureux d’annoncer ça et on ne fait pas ça de gaieté de coeur, a-t-il déclaré. Mais si nous ne faisons rien, le statu quo est dommageable pour tout le monde. »
Un plan comme de la « poudre aux yeux »
La Ville de Québec n’avait jamais caché son intention de se prévaloir de son nouveau pouvoir de taxation pour financer le maintien et le développement du transport en commun sur son territoire. Le maire a longtemps évoqué la somme minimale de 10 $ et, au cours des derniers jours, il affirmait, en mêlée de presse, que la majoration n’excéderait pas ce montant si le RTC ne lui apportait pas la certitude qu’une taxe plus élevée allait améliorer les services en périphérie.
Mercredi, le directeur général du RTC, Nicolas Girard, a présenté la « séquence de bonification » qui doit, à l’horizon 2028, étendre jusqu’à la périphérie les services d’àVélo, du Flexibus sur demande et des autobus à grande fréquence. Au terme du plan, a souligné le directeur, le service toutes les 10 minutes desservira 60 % des résidents de Québec. « Actuellement, il dessert 40 % des citoyens », a-t-il précisé.
Le maire n’a pas chiffré, mercredi, le coût de son plan de développement. Cette donnée manquante prouve, selon l’opposition officielle, que les ambitions de la Ville s’avèrent de la « poudre aux yeux ».
« La taxe actuelle ne couvre même pas l’ensemble du déficit projeté en 2024, déplore le chef de Québec d’abord, Claude Villeneuve. Si le maire veut réaliser son plan, c’est évident qu’il devra augmenter la taxe au-delà de l’indexation. »
« On n’en a plus, d’argent »
Dans les couloirs de l’Assemblée nationale, la ministre des Transports et de la Mobilité durable, Geneviève Guilbault, n’a pas voulu répliquer aux villes qui accusent le gouvernement de les acculer au mur en ne finançant pas adéquatement le transport collectif.
« Je n’ai pas à m’en mêler, a indiqué la ministre. Le transport collectif, c’est sur les territoires des municipalités et les municipalités ont un rôle à jouer dans le financement du transport collectif. Je ne pense pas que nos citoyens pensent que le gouvernement devrait payer 100 % du transport collectif. »
Québec solidaire, de son côté, accuse le gouvernement de « s’éclipser » du financement du transport collectif. « Ça y est : la taxe Guilbault est en application », a ironisé le député de Taschereau, Étienne Grandmont.
Les conservateurs, quant à eux, estiment qu’il est « dégueulasse de continuer de piger dans le portefeuille du contribuable québécois ». « La dernière chose dont l’automobiliste a besoin » en contexte d’inflation, a dénoncé leur chef, Éric Duhaime, « c’est qu’on triple ses taxes ».