La Ville de Québec commence à puiser dans sa réserve climatique

La Ville de Québec retire de sa réserve climatique la moitié de ce qu’elle y a accumulé, soit 45 millions de dollars sur un total de 90 millions.
Photo: Francis Vachon Archives Le Devoir La Ville de Québec retire de sa réserve climatique la moitié de ce qu’elle y a accumulé, soit 45 millions de dollars sur un total de 90 millions.

Deux ans après la création de sa « réserve » pour faire face aux changements climatiques, la Ville de Québec va commencer à puiser dedans, dès cette année, pour financer des projets d’infrastructures touchant les patinoires et un cours d’eau menacé par les crues.

La Ville retire de la réserve la moitié de ce qu’elle y a accumulé, soit 45 millions de dollars sur un total de 90 millions, selon les documents budgétaires présentés mercredi. Bref, elle injecte 45 millions de plus dans l’enveloppe, mais elle en retire autant.

Lors de la création de la réserve dans le budget, il y a deux ans, l’administration de Bruno Marchand prévoyait que celle-ci atteindrait 300 millions de dollars en 2028.

Les fonds retirés doivent servir à financer un ouvrage anti-crues sur la rivière Lorette (un projet de 56 millions de dollars) et la réfrigération des patinoires extérieures.

« Les changements climatiques nous prennent à la gorge et on n’attendra pas avant d’agir, a dit à ce propos le maire de Québec. On prend une partie de cet argent-là pour accélérer notre action. »

Mais aux yeux de l’opposition officielle, l’injection de ces fonds dans des patinoires est carrément « frivole ». Cette réserve doit servir aux infrastructures, pas à financer des loisirs, a dénoncé le chef de Québec d’abord, Claude Villeneuve. Ce dernier y voit un « cadeau » pour faire plaisir aux populations de certains quartiers. Il trouve en outre qu’il est « tôt » pour piger dans cette réserve créée il y a seulement deux ans.

L’autre parti d’opposition, Priorité Québec, juge quant à lui que cette réserve est « insoutenable », a dit son chef par intérim, Patrick Paquet. La conseillère indépendante Jackie Smith, de son côté, a souligné que des projets prioritaires, comme la préservation de la source d’eau potable du lac Saint-Charles, devraient plutôt bénéficier de la réserve.

Hausse moyenne de 2,9 %

Déterminée à limiter la hausse moyenne des taxes municipales à 2,9 % (pour le non-résidentiel aussi), la Ville de Québec a fait face à un véritable « casse-tête » avec ce nouveau budget, a dit le maire Bruno Marchand.

L’an dernier, la hausse frôlait les 4 % pour les particuliers et s’élevait à 4,7 % pour les commerces et les industries.

Avec un taux d’inflation de 3,2 % et une hausse globale des dépenses de 5,8 %, il a fallu cette année prévoir des coupes un peu partout dans les dépenses pour y arriver.

Pour un propriétaire de maison unifamiliale évaluée à 379 000 $, cela correspond à une hausse annuelle de 93 $, l’impôt foncier moyen passant de 3255 $ à 3348 $. Une facture qui va toutefois beaucoup varier l’an prochain, avec la sortie attendue du nouveau rôle d’évaluation des propriétés.

De nouveaux pouvoirs payants

Devant les journalistes, la direction générale de la Ville a présenté une série d’économies détaillées, allant de la diminution des frais de repas pour les employés au ralentissement des opérations de dépistage de plomb dans les conduites privées.

Des économies plus substantielles découlent en outre de la réduction de la fréquence de la collecte des déchets l’hiver et de l’abolition de 60 postes dans l’administration municipale (20 de plus qu’en 2024). Or, au net, le nombre d’employés municipaux continue d’augmenter en raison des embauches (policiers, pompiers et mécaniciens, notamment).

Les nouveaux pouvoirs dévolus aux villes par le gouvernement Legault permettent aussi à Québec de dégager des millions de dollars au moyen de la hausse du taux de taxes sur les terrains vacants et de la hausse de la taxe sur l’immatriculation, qui génère des revenus de 18,8 millions, la seconde entrée d’argent en importance après la hausse des taxes foncières (33,6 millions).

Mercredi, les élus de Priorité Québec ont affirmé que, si on incluait cette hausse, l’augmentation de l’impôt foncier cette année ne serait pas de 2,9 %, mais bien de 5,4 %.

Par ailleurs, l’entente conclue entre la Ville et Éco Entreprises Québec, qui va reprendre la gestion de la collecte des matières résiduelles dans de nombreuses municipalités, a un impact majeur en matière de réduction des dépenses (13,6 millions).

Sécurité publique, logement et lutte contre l’itinérance

Pendant ce temps, de nouvelles dépenses apparaissent sur trois fronts : la sécurité publique, la lutte contre l’itinérance et le financement du logement social. Plus tôt cet automne, le maire, Bruno Marchand, avait annoncé des investissements annuels de 15 millions de dollars pour renflouer les effectifs du Service de police et acquérir de l’équipement. Ces fonds visent à empêcher les groupes criminels de « gangrener » le territoire, a rappelé le maire mercredi.

Sur le front de l’itinérance, le financement d’une série d’initiatives, notamment dans le quartier Saint-Roch, s’élèvera en 2025 à 4,7 millions, soit presque le double d’il y a deux ans. En logement social, 7 millions supplémentaires sont injectés cette année, pour un total de 71,2 millions. C’est plus que l’an dernier, mais un peu moins qu’il y a deux ans.

Le budget de la Ville passe le cap cette année des 2 milliards de dollars. La dette, elle, poursuit sa baisse, à 1,523 milliard.

Devant les médias, le maire de Québec, Bruno Marchand, a souligné que ses efforts pour limiter les hausses de taxes avaient permis aux citoyens d’économiser en moyenne 407 $ sur trois ans.

À moins d’un an des élections, il s’est toutefois défendu d’avoir agi ainsi pour améliorer sa cote de popularité. « Ce budget-là n’est pas électoraliste », a-t-il dit. Il s’agissait plutôt, plaide-t-il, de tenir compte de la « capacité de payer des citoyens ».

Or, aux yeux de l’opposition officielle, l’administration Marchand fait preuve d’une « grande imprudence » dans l’utilisation des fonds de la Ville en pigeant dans ses réserves. Elle note aussi que le budget s’appuie sur des prévisions trop « optimistes » et reproche à la Ville de surestimer ses revenus futurs de TVQ.

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