De la vigne au verre De la vigne au verre: parcourir l’Espagne à travers ses cépages autochtones

Michelle Bouffard
Collaboration spéciale
À Rueda, là où se déploie la variété indigène verdejo
Photo: Telmo Rodríguez À Rueda, là où se déploie la variété indigène verdejo

Ce texte fait partie du cahier spécial Plaisirs

L’Espagne évoque nécessairement le soleil qui réchauffe l’âme autant que le corps. Peut-être que vos papilles salivent à l’idée de déguster les oranges de Valence, le jamón ibérico, les boquerones d’Andalousie ou encore les couteaux de Galice. Le monde des saveurs est aussi varié dans les vins que dans l’assiette. Grâce à une latitude qui s’étend entre 36° N et 44° N et à une topographie diversifiée façonnant différents climats, plusieurs styles de vins cohabitent. Certes, la plus grande richesse se trouve dans les cépages autochtones, et les blancs méritent d’être mis en lumière autant que les rouges.

Valoriser son unicité

Dans les années 1970 et 1980, et surtout après l’adhésion de l’Espagne à l’Union européenne en 1986, l’aide gouvernementale a insufflé un élan aux vignerons. Dans les régions où les vins étaient peu connus à l’export, la tentation de planter des cépages internationaux pour attirer l’attention des consommateurs et pour prouver la capacité à faire des vins de qualité était grande. Même Miguel Torres, qui avait étudié à Bordeaux avant de s’établir à Penedès, y cède. Son travail est récompensé en 1979 lorsqu’il remporte les World Wine Olympics organisés à Paris avec son Mas La Plana cabernet sauvignon 1970. Aujourd’hui, comme de nombreux autres producteurs, Torres privilégie à nouveau les cépages autochtones, non seulement parce qu’ils sont mieux adaptés et nécessitent souvent moins d’eau dans la vigne, mais aussi parce qu’ils incarnent l’identité de l’Espagne.

Un secret trop bien gardé

Les rouges d’Espagne ont toujours fait ombrage aux blancs. Pourtant, la péninsule ibérique produit des vins au caractère distinctif qui méritent tout autant d’être mis en lumière. La liste est longue, mais penchons-nous sur deux variétés proposées dans les bouteilles à découvrir cette semaine.

Le verdejo connaît une renaissance depuis les années 2000 : sa surface plantée a quadruplé entre 2004 et 2020. Il s’épanouit sur les terres de l’appellation Rueda, où il est souvent assemblé avec le sauvignon blanc. Mais ces dernières années, de plus en plus de vignerons le mettent à l’honneur en le vinifiant en monocépage. Son profil évoque celui du sauvignon, mais il se montre un peu plus discret et les meilleures versions ont plus de gras en milieu de bouche, et les arômes sont davantage portés par la feuille de laurier que par le buis ou l’asperge. Alors que certains privilégient la cuve inerte, d’autres optent pour le fût de chêne, souvent dans l’optique de créer un vin de garde. Avec le temps, le verdejo développe des notes de noisette et des caractéristiques qui rappellent les bordeaux blancs.

L’autre cépage à explorer est le xarel-lo, l’une des variétés les plus plantées en Catalogne. Il est surtout réputé pour son rôle majeur dans la production de cavas, où il est prisé pour sa structure et son acidité élevée. Cependant, il donne des vins tranquilles tout aussi intéressants. Les blancs qui en résultent ont un caractère affirmé et sont texturés, avec des notes qui oscillent entre la pomme rouge, la fleur de tilleul, le champignon, les agrumes et les fruits à noyau. D’excellents candidats pour la table !

L’éloge de la garnacha

En rouge, le tempranillo est la coqueluche et le cépage le plus cultivé du pays, mais la capacité de la garnacha à résister à la sécheresse et à s’épanouir dans des températures élevées lui assure un avenir pérenne. Originaire d’Espagne, la garnacha reste encore peu connue, car elle est souvent reléguée au second plan, derrière le nom d’une appellation et/ou en assemblage. Elle est prisée pour la générosité de son fruit rouge, la souplesse de ses tanins et le corps qu’elle apporte dans un assemblage, mais elle peut aussi briller seule. Le type de vin produit varie selon les cépages qui l’accompagnent, le terroir où elle est cultivée et la méthode de vinification. Par exemple, à Priorat, on trouve des vins riches et concentrés, capables de se bonifier pendant plusieurs années, tandis qu’à Sierra de Gredos, la finesse et la fraîcheur de la garnacha rappellent certains pinots noirs. D’autres garnachas, quant à elles, répondent à la demande croissante de vins plus digestes, proposant des vins juteux et fruités qui privilégient l’accessibilité à la complexité. Un monde à découvrir !

Telmo Rodríguez Basa 2023, Rueda

L’objectif principal de Telmo Rodríguez a toujours été de faire connaître la typicité d’une région tout en valorisant les cépages autochtones. Ses pratiques reposent sur le respect, tant pour la terre que pour l’humain. Il prône la nécessité de rémunérer équitablement les viticulteurs et de favoriser une production de qualité, afin de transmettre une image juste des vins de son pays. Le Basa offre une version non boisée du verdejo. Aromatique, vive et légère, la bouche est dotée d’une belle fraîcheur où les nuances de citron vert et de pamplemousse s’entrecroisent avec celles de feuilles de laurier. On retrouve la rondeur typique du verdejo, et les notes de pâte à pain ainsi que les amers nobles ajoutent texture et relief. Un vin idéal pour le ceviche de pétoncles ou une salade de chèvre.

17,70 $ — Code SAQ 10264018

Sumarroca Il·lògic purement xarel-lo 2023, Penedès DO

La famille Sumarocca fait un travail irréprochable pour lutter contre les changements climatiques et s’y adapter, et l’un de ses choix judicieux consiste à favoriser les cépages autochtones. La bouche offre les traits typiques du xarel-lo : un vin avec du corps, porté par une trame aromatique qui évoque le tilleul, la pomme rouge et jaune, ainsi que des notes d’agrumes exotiques et une pointe de pierre à fusil. Les notes de pain grillé ajoutent texture et rondeur, tandis que l’acidité tonique lui confère de la vitalité. Un vin tout indiqué pour un poisson blanc servi avec un beurre blanc. Certifié bio.

18,65 $ — Code SAQ 15115901

Alta Alella GX 2023, Catalunya DO

Nichée au cœur du parc naturel de la Serralada de Marina, Alta Alella est un lieu idyllique à seulement 19 km de Barcelone. Si vous êtes dans les environs, une visite s’impose ! La famille Pujol-Busquets est renommée pour ses excellents cavas, présents dans plusieurs restaurants étoilés Michelin, mais leurs vins tranquilles méritent tout autant d’attention, avec une qualité qui ne cesse de s’améliorer. Ce 100 % garnacha, floral et sans artifices, s’ouvre sur des notes de cerise croquante, de framboise mûre, de fraise sauvage et d’écorce d’orange. Gourmand et gouleyant, avec des tanins légers, mais fermes, qui cadrent la générosité du fruit. Une vivacité impressionnante pour une année chaude comme 2023, où la récolte a eu lieu le 31 juillet, le plus tôt de l’histoire. Le 14 % d’alcool est parfaitement intégré. Servir frais, avec de la charcuterie ou un flanc de porc. Certifié bio.

18,05 $ — Code SAQ 14223791

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