De la vigne au verre: le modèle de résilience de la vallée de l’Okanagan

Michelle Bouffard
Collaboration spéciale
Vignoble Le Vieux Pin
Photo: Photo fournie par le domaine Vignoble Le Vieux Pin

Ce texte fait partie du cahier spécial Plaisirs

Au début des années 1990, la vallée de l’Okanagan s’impose comme l’étoile montante de la scène viticole canadienne. Son paysage à couper le souffle et la promesse d’un terroir capable de faire de grands vins entraînent la construction de plusieurs domaines en peu de temps. Plus de 30 ans plus tard, la région est réputée, mais de nombreux vignobles sont désormais à vendre. Les feux de forêt et les gelées hivernales causent des ravages, réduisant la production à un tel point qu’il devient de plus en plus difficile pour les propriétaires de vignobles de survivre économiquement.

Un risque annuel

Les incendies menacent la Colombie-Britannique chaque année. Les flammes sont généralement peu dangereuses pour la vie des vignes, car celles-ci agissent comme une barrière contre le feu. Cependant, l’exposition prolongée des raisins à la fumée s’avère néfaste, ayant une conséquence majeure sur le profil gustatif des vins produits.

Plusieurs molécules (telles que le gaïacol, le 4-méthylgaïacol et l’ortho-crésol) sont impliquées dans un phénomène désigné sous le terme de « goût de fumée ». Des recherches, notamment menées par le Australian Wine Research Institute, ont permis d’identifier des techniques de vinification qui diminuent l’impact négatif de ces molécules sur le vin. On préconise, par exemple, le rinçage des raisins pour éliminer la poussière de cendres, le maintien de l’intégrité des baies lors de la vendange pour éviter que les jus n’entrent en contact avec les peaux, un tri rigoureux excluant les raisins abîmés qui peuvent accentuer le goût de fumée, le pressurage en grappe entière pour les vins blancs afin de moins extraire les composants aromatiques et une réduction de la durée de contact entre le jus et les peaux du raisin. Il y a également l’utilisation de l’osmose inversée qui diminue le goût de fumée.

Au-delà des pratiques, le défi réside aussi dans le fait que les molécules responsables des odeurs de fumée sont inodores lorsqu’elles sont liées aux sucres, mais elles deviennent odorantes une fois que les molécules se dissocient. Un vin peut donc contenir ces composés sans manifester de goût fumé, puis, plusieurs mois plus tard, développer des arômes désagréables à mesure que les molécules se libèrent. Malheureusement, il est impossible de prévoir si ce phénomène se produira. Les vignerons espèrent que les recherches permettront de trouver des solutions mais en attendant, lorsque le goût de fumée est trop prononcé, ils sont confrontés à la décision difficile de ne pas commercialiser les vins. C’est d’ailleurs ce qu’avait fait le domaine Blue Mountain en 2021.

Gelées hivernales

Un autre phénomène récurrent ces dernières années est le gel d’hiver. Contrairement au Québec, où les cépages hybrides et l’utilisation des géotextiles permettent aux vignes de résister au grand froid, l’Okanagan n’a pas construit son vignoble en prévision de températures extrêmes. En janvier dernier, lorsque le thermomètre est tombé sous -25 °C pendant trois jours, 90 % de la récolte a été perdue et 15 % des vignes ont été endommagées. Les plantes qui ont survécu ne produiront pas cette année, car les bourgeons fruitiers sont morts. C’est la deuxième fois en peu de temps que la région subit un gel destructeur : en décembre 2022, une vague de froid avait entraîné une perte de 58 % des récoltes.

Ces épisodes ont des conséquences économiques désastreuses. Séverine Pinte, oenologue et viticultrice aux vignobles Le Vieux Pin et La Stella, exprimait ses préoccupations lors de la conférence internationale Tasting Climate Change à Montréal en janvier dernier. La syrah, qui est le cépage phare du domaine Le Vieux Pin, est particulièrement sensible au gel d’hiver. Elle réfléchit aux pratiques futures à adopter, notamment au choix des cépages et à l’utilisation des géotextiles. D’autres, comme David Paterson, directeur général chez Tantalus Vineyards, se demandent si les cépages hybrides, comme le marquette, ne pourraient pas réduire les risques de pertes.

Lueur d’espoir

Malgré les difficultés des dernières années, l’horizon n’est pas entièrement sombre. Comme l’a souligné Elizabeth Wolkovich, professeure associée à l’Université de la Colombie-Britannique et spécialiste des vignes, dans un reportage de RDI, ce froid extrême est une anomalie. De plus, une étude parue dans Nature Reviews Earth and Environment le 26 mars 2024, la première à compiler quelque 150 publications, indique que si le réchauffement planétaire dépasse +2 °C, certaines régions pourraient bénéficier de ces évolutions climatiques, notamment la Colombie-Britannique.

Pour que les perspectives d’espoir se concrétisent, il est impératif de réduire les émissions carbone et de revoir les façons de faire pour s’adapter aux nouvelles réalités. Heureusement, plusieurs domaines viticoles, tels que Tantalus Vineyards et Le Vieux Pin, montrent la voie. Dans cet esprit optimiste, le prochain billet aura un ton plus léger ; on vous suggèrera des vins pour accompagner les tomates.

Acheter des bouteilles de producteurs sévèrement touchés par les changements climatiques est une manière de les soutenir. Voici trois cuvées pour célébrer l’Action de grâce.

Martin’s Lane Naramata Ranch Vineyard Riesling 2019, Vallée de l’Okanagan, Colombie-Britannique VQA

Shane Munn prouve une fois de plus que les rieslings de l’Okanagan occupent une place aux côtés des grands blancs du monde. Issue de vignes plantées en 1976, cette cuvée nous offre un vin sec, concentré et compact, doté d’une belle vitalité. Les notes juteuses de pêche blanche et de zeste de lime s’entremêlent, rendant le profil anguleux plus accessible. La pointe de noix grillée et de pétrole ajoute complexité et profondeur. Un délice avec la fondue au fromage. (Potentiel de garde : 8 à 10 ans) 60,75 $ — Code SAQ 14573475

Quails’ Gate Pinot Noir 2022, Vallée de l’Okanagan, Colombie-Britannique VQA

C’est toujours une joie de trouver un bon pinot noir à moins de 40 $ ! Frais et croquant, avec des notes expressives de fraise sauvage et de cerise noire ponctuées par des arômes de pivoine, de thym et de vanille. Une bouche harmonieuse avec des tanins soyeux qui caressent les papilles gustatives. Parfait pour la dinde. 36,00 $ — Code SAQ 11889669

Le Vieux Pin Syrah Cuvée Violette 2022, Vallée de l’Okanagan, Colombie-Britannique VQA

C’est presque un crime d’ouvrir les syrahs de Séverine Pinte lorsqu’elles sont jeunes ; elles vieillissent si bien ! Envoûtante avec des arômes de prune rouge, de poivre blanc et de viande fumée et une fraîcheur en bouche qui rappellent les syrahs de Crozes-Hermitage. Les tanins sont fermes mais élégants et cadrent la générosité du fruit. Un naturel pour le gibier. (Potentiel de garde : 10 à 15 ans) 59,50 $ — Code SAQ 15021550

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