De la vigne au verre: apprivoiser de nouveaux cépages

Michelle Bouffard
Collaboration spéciale
Le domaine Lyrarakis Winery, en Crête
Photo: Nikos Somarakis Le domaine Lyrarakis Winery, en Crête

Ce texte fait partie du cahier spécial Plaisirs

Le climat joue un rôle déterminant dans le choix des cépages cultivés, et les changements climatiques obligent les producteurs à reconsidérer l’encépagement de leurs vignobles. En plus d’entraîner une maturation plus précoce, la hausse des températures provoque une baisse de l’acidité et une augmentation des sucres dans le raisin au moment des vendanges, compliquant parfois l’élaboration de vins équilibrés. D’autre part, la prolifération des maladies fongiques incite les scientifiques à développer des cépages résistants pour réduire, voire éliminer les traitements et minimiser les pertes de récolte. Compte tenu de cette évolution, les consommateurs seront exposés à de nouvelles variétés dans les prochaines années.

Une grande diversité

Selon l’Organisation internationale de la vigne et du vin, il existe 6000 cépages appartenant à l’espèce Vitis vinifera. Parmi les différentes variétés de vigne, 13 couvrent un tiers des vignobles mondiaux, et 33 en couvrent la moitié ! La faible variété des plantations actuelles s’explique en partie par le profil organoleptique consensuel des cépages sélectionnés ainsi que par leur facilité à produire et à s’adapter à différents terroirs tout en conservant leur typicité. Toutefois, les changements climatiques pourraient modifier la donne.

Face aux défis climatiques, on explore de nouvelles possibilités pour être résilient. Le travail réalisé par la famille Torres, en Espagne, en est un excellent exemple. Depuis une trentaine d’années, ce producteur emblématique récupère des cépages ancestraux de la Catalogne jadis abandonnés. Si l’objectif initial était de conserver un héritage viticole, les efforts déployés au fil des ans s’avèrent utiles pour l’avenir. Par exemple, cultivé dans la région du Penedès, le cépage blanc forcada atteint sa maturité un mois et demi plus tard que le chardonnay, tout en gardant un taux d’acidité élevé, un atout important dans une région au climat méditerranéen. D’autres variétés se révèlent tout aussi prometteuses, et la famille Torres vise à les propager afin que d’autres puissent en tirer parti.

La tendance à valoriser des cépages qu’on avait relégués au second plan est une pratique croissante. On les considère pour leur maturité tardive, leur capacité à s’épanouir lors des sécheresses ou leur aptitude à préserver l’acidité. C’est le cas de la clairette et du carignan dans le Rhône méridional ou du pinot blanc et de l’arbane en Champagne. De plus, les appellations qui privilégient les assemblages sont avantagées, bénéficiant de plusieurs options pour s’adapter.

De nouveaux arrivants

Les centres de recherche, comme l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement, en France, étudient aussi des solutions et investissent dans le développement de variétés résistantes à la sécheresse et aux maladies fongiques. Ces cépages sont créés en croisant d’abord des vignes américaines et asiatiques qui possèdent des gènes de résistance avec des Vitis vinifera. Ensuite, un autre croisement est réalisé, entre l’hybride obtenu et une Vitis vinifera, pour préserver le profil gustatif agréable de cette dernière. Grâce à de multiples croisements, cette nouvelle génération d’hybrides, comme l’artaban et le voltis, intègre trois à quatre gènes de résistance dans un même plant ; utile pour lutter contre des maladies comme le mildiou.

Les cépages résistants laissent plusieurs spécialistes perplexes. C’est le cas de Thomas Dormegnies, ingénieur agronome en France, qui craint que les maladies ne finissent par muter et contourner ces résistances. D’autres, comme Olivier Sebe, propriétaire du Domaine la Clausade, dans le sud de la France, misent entièrement sur leur potentiel. Seul le temps dira qui a raison, mais il est certain qu’il faut essayer pour progresser.

Une évolution lente

Malgré ces avancées, les vins issus d’appellations classiques d’Europe ne changeront pas radicalement. La rigidité des décrets fait en sorte que les vignerons peuvent expérimenter sans toutefois modifier les règles. En contrepartie, les pays non européens, tels que l’Australie, où les lois sont moins strictes, s’adaptent plus rapidement. On pense à la région de McLaren Vale, qui compte maintenant sur des cépages méditerranéens comme le touriga nacional et l’assyrtiko, plutôt que le shiraz.

Alors que les producteurs examinent différentes avenues, de plus en plus de noms inconnus figureront sur les bouteilles ; restez curieux ! La Grande Dégustation de Montréal, qui se tiendra les 28, 29 et 30 novembre, est une excellente occasion pour explorer de nouvelles saveurs. En attendant, voici trois délices pour élargir votre répertoire.

Voilà Assyrtiko Lyrarakis Crète 2023, Grèce

Avec l’aridité du climat crétois, il est impératif de privilégier les cépages autochtones, et c’est ce que fait cette maison, qui en sauve plusieurs de l’extinction. Un blanc salin, vif, droit et structuré qui offre une belle chair en milieu de bouche, portant des notes de citron Meyer, de pêche blanche et une touche d’herbes séchées. Les nuances de pâte à pain apportent texture et complexité. Un régal avec de la pieuvre grillée.
19,50 $ — Code SAQ 11996333

Envínate Albahra 2022, Espagne

Envínate est le projet de quatre vignerons qui mettent en valeur plusieurs terroirs en Espagne. Cultivés à Almansa à 800 mètres d’altitude, le garnacha tintorera (62 %), le moravia agria (30 %), le garnacha tinta (5 %) et le pardillo (3 %) donnent un vin digeste malgré la maturité du fruit. D’ailleurs, les deux premiers cépages nommés sont prisés pour leur capacité à conserver une acidité élevée dans les climats chauds. Un rouge typé et élégant avec des notes de cerises et de prunes rouges qui sont ponctuées par une touche de poivre et soutenues par des tanins fins et crayeux. Idéal pour accompagner le foie de veau.
23,60 $ — Code SAQ 13566732

Vignoble Anne Collard Côtes du Rhône 2021, France

Grenache 50 %, marselan 20 %, mourvèdre 20 %, syrah 10 %

Il est rare de trouver un rouge du Rhône sud avec autant de marselan ; qui est apprécié pour ses arômes parfumés, sa capacité à s’épanouir dans les climats chauds et sa résistance aux maladies fongiques. Un vin charnu et chaleureux mais qui demeure tonique. Une bouche harmonieuse avec des tanins souples et une pointe iodée qui vient ajouter du relief aux notes de prune et de framboise mûres. Savoureux avec des grillades.
22,80 $ — Code SAQ 15208488

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