Véronique Moreau rapporte avoir été violée à répétition et droguée par Gilbert Rozon

Neuf femmes poursuivent en dommages l’ex-grand patron de Juste pour rire, Gilbert Rozon.
Photo: Christinne Muschi Archives La Presse canadienne Neuf femmes poursuivent en dommages l’ex-grand patron de Juste pour rire, Gilbert Rozon.

Au procès de Gilbert Rozon, Véronique Moreau a relaté mardi sa relation de plusieurs années avec lui, qui a commencé quand elle avait 17 ans et lui 34. D’abord décrite par la femme comme un grand amour où elle se sentait « comme une princesse », leur histoire serait ensuite devenue ponctuée de relations sexuelles non consenties, et d’ecstasy glissée en douce dans ses verres. « Parce que tu es plus cool comme ça », lui aurait-il dit.

La sœur cadette de Véronique Moreau est Sophie Moreau, l’une des neuf femmes qui poursuivent en dommages Gilbert Rozon. Elles l’accusent de diverses agressions sexuelles. L’ex-grand patron de Juste pour rire nie tout et donnera prochainement sa version des faits. Véronique Moreau ne le poursuit pas, mais a été appelée à témoigner, car les avocats des demanderesses veulent démontrer des similarités entre les agressions alléguées.

Gilbert Rozon était l’ami de son père, l’humoriste bien connu Jean-Guy Moreau. Il venait à la maison pour des soupers, et elle aimait son regard sur elle, ses compliments et les cadeaux qu’il lui faisait, comme cette petite bouteille de parfum Chanel No 5 quand elle avait 15 ans. Elle l’aimait beaucoup, a-t-elle témoigné en se rappelant cette époque : il a du charisme, il est drôle et gentil.

L’été de ses 17 ans, elle travaille pour le festival Juste pour rire. Gilbert Rozon l’invite d’abord à dîner et le flirt est très ouvert : « Je me sens comme la plus chanceuse du monde. » Puis, à la fête de clôture, il lui offre de l’ecstasy et l’amène à l’hôtel où « ils font l’amour pour la première fois », rapporte-t-elle.

Par la suite, ils feront « beaucoup d’hôtels » et vont aussi dormir en secret dans la maison que le populaire chanteur français Renaud possède à Montréal. C’est Gilbert Rozon qui fait les démarches pour les rendez-vous, car elle ne peut l’appeler : il est en couple, précise-t-elle au procès. Il aura son premier enfant cette année-là.

Quasiment toutes les nuits

Elle met fin à leur relation après un an et demi. Peu après la rupture, il aurait tenté de la violer : selon son témoignage, elle réussit finalement à le repousser en hurlant dans son oreille, même alors qu’il tient de force ses deux mains et tente d’ouvrir ses jambes avec ses genoux. Il n’écoute pas son refus, déclare la femme qui s’est décrite comme étant « sidérée ».

Leur relation de couple a repris à Paris quelques années plus tard, en 1997. Au cours des quatre années suivantes, elle rapporte que lorsqu’elle dormait avec lui, elle se réveillait quasiment toutes les nuits, car il était en train de la pénétrer. Mme Moreau a expliqué à la juge Chantal Tremblay qu’il lui a fallu du temps « avant de pouvoir nommer ça des viols ».

Elle a aussi témoigné du « viol le plus marquant », qui a commencé comme un jeu lors duquel il l’a menottée. Selon sa version des faits, lorsqu’il a commencé à lui faire mal, elle lui aurait crié d’arrêter, « mais il n’est plus là, ses yeux, je ne le reconnais plus ». Il lui a fait « très mal », au point où elle a eu de la difficulté à marcher pendant des jours, soutient la femme.

Véronique Moreau a aussi relaté deux événements lors desquels il aurait mis de l’ecstasy dans ses verres sans lui dire. La première fois, lors d’un souper à Paris, avant qu’ils ne reprennent leur relation, et la seconde, le matin où elle devait enregistrer le pilote d’une émission de radio de deux heures qui lui tenait vraiment à cœur. « Je trouvais ça cruel. » Elle témoigne avoir reconnu les effets de la drogue — elle en avait déjà pris volontairement avec lui. Lorsqu’elle l’a confronté au sujet de ces deux occasions non consenties, il lui aurait répondu : « Tu es plus cool quand tu es sur l’ecstasy. »

Mme Moreau a finalement mis fin à la relation à l’été 2001.

Elle ne se rappelle pas exactement quand sa sœur lui a rapporté avoir été agressée sexuellement par Gilbert Rozon. Elle lui en a parlé, mais il lui aurait répondu « avec légèreté » que cela devait être un « malentendu ». Elle a choisi de le croire « parce que c’est ce qui m’arrange », avoue-t-elle. Aujourd’hui, elle reconnaît, avec beaucoup de regrets, ne pas avoir été « la grande sœur qu’elle aurait dû être ».

Puis, elle a aussi confirmé mardi ce que sa sœur a rapporté lors de son propre témoignage au procès : que leur mère, pressée de questions par ses deux filles, a finalement laissé tomber en 2017 cette bombe : « Moi aussi. » Tremblant de tous ses membres, elle leur a raconté être allée souper au restaurant avec Gilbert Rozon, avoir fait un black-out et s’être réveillée avec l’homme en elle. « C’était un choc immense », se rappelle Mme Moreau.

Elle sera contre-interrogée vendredi par les avocats de M. Rozon.

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