Les tarifs douaniers au Canada repoussés «pour au moins 30 jours»

Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, a dévoilé samedi sa stratégie de contre-tarifs en deux phases, ciblant 155 milliards de dollars de marchandises américaines.
Photo: Justin Tang La Presse canadienne Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, a dévoilé samedi sa stratégie de contre-tarifs en deux phases, ciblant 155 milliards de dollars de marchandises américaines.

Le Canada, tout comme les États-Unis, peut pousser un soupir de soulagement… pour le moment. Dans un revirement de situation de dernière minute, le président américain, Donald Trump, et le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, se sont entendus pour repousser d’« au moins trente jours » l’échéance des tarifs douaniers.

Justin Trudeau en a fait l’annonce sur le réseau X, lundi en fin d’après-midi, au terme de deux appels téléphoniques avec le président républicain. Le même sursis a été accordé au Mexique, en matinée.

Les tarifs américains visant les deux pays devaient entrer en vigueur mardi à minuit, quelques heures à peine après la volte-face du président. La première vague de contre-tarifs canadiens devait s’appliquer au même moment.

En échange de ce répit, le Canada a promis de nouvelles mesures pour répondre aux inquiétudes du président Trump concernant la sécurité à la frontière et le trafic de fentanyl, a annoncé le premier ministre Trudeau. Ottawa avait déjà élaboré un plan de 1,3 milliard de dollars pour tenter d’éviter les tarifs.

Parmi les nouveaux engagements : la nomination d’un « tsar » responsable de la question du fentanyl, l’ajout de cartels mexicain à la liste des entités terroriste, une surveillance en continu de la frontière et le lancement d’une « force de frappe conjointe » sur le crime organisé.

Un investissement de 200 millions de dollars est aussi prévu pour renforcer les services de renseignement « axés sur la lutte contre le crime organisé et le fentanyl ».

Le premier ministre n’a pas pris la parole publiquement après cette annonce sur ses réseaux sociaux, lundi.

Le président Trump, qui justifie ses tarifs en raison du trafic de fentanyl et de passage de migrants illégaux à la frontière, s’est quant à lui dit « très satisfait » des engagements du gouvernement canadien.

« Les tarifs annoncés samedi seront mis sur pause pendant une période de 30 jours pour voir si une entente économique avec le Canada peut être élaborée. JUSTICE POUR TOUS ! » a-t-il écrit sur son réseau Truth Social, lundi en fin de journée.

Justin Trudeau et Donald Trump se sont parlé à deux reprises au cours de la journée de lundi, à l’aube d’une guerre commerciale historique entre les deux pays. Justin Trudeau tentait d’entrer en contact avec le président depuis le 20 janvier, jour de sa cérémonie d’intronisation.

Les provinces ont quant à elle rapidement fait marche arrière sur leurs mesures de rétorsion.

Le premier ministre québécois, François Legault, a annoncé que les bouteilles américaines « seront remises sur les tablettes » de la Société des alcools du Québec pour l’instant. Même chose pour son homologue ontarien, Doug Ford, qui avait demandé à la Régie des alcools de l’Ontario de retirer les produits américains des étagères.

Plusieurs reports

Le président Trump a aussi repoussé les tarifs de 25 % imposés au Mexique après avoir conclu une entente avec la présidente mexicaine, Claudia Sheinbaum, lundi matin. Cette dernière s’est engagée à déployer 10 000 soldats supplémentaires à la frontière de manière permanente pour lutter contre le trafic de fentanyl et le passage de migrants illégaux.

Ce n’est pas la première fois que le président Trump modifie son calendrier pour instaurer ses tarifs.

Le 25 novembre, il avait promis d’imposer des tarifs de 25 % « dès le premier jour » de son retour à la présidence. Le soir même de son intronisation à la Maison-Blanche, le 20 janvier, il a annoncé que les tarifs seraient finalement mis en vigueur le 1er février.

Puis, quelques jours avant cette échéance, une fuite médiatique à l’agence Reuters rapportait que le président comptait les imposer le 1er mars. La Maison-Blanche avait ensuite réfuté cette information, confirmant que la date du 1er février restait en vigueur.

Samedi, le président est allé de l’avant en signant son décret exécutif qui imposait des tarifs de 25 % sur toutes les importations canadiennes, sauf les importations énergétiques, tarifées à 10 %.

Le fentanyl, un prétexte

Après la sécurité à la frontière, le fentanyl et le déficit commercial, le président républicain a évoqué un nouvel argument pour justifier l’imposition de ces tarifs : les banques. À la suite de son premier appel avec le premier ministre Trudeau, lundi matin, M. Trump a déploré, pour la première fois, que les banques américaines ne puissent pas tenir leurs activités au Canada.

Le principal argument de M. Trump demeure toutefois toujours la circulation de fentanyl, une question explicitement mentionnée à huit reprises dans le décret exécutif qu’il a signé samedi. Il affirme que la quantité de cette drogue qui a traversé la frontière avec le Canada l’année dernière pourrait tuer 9,5 millions d’Américains.

Or, selon une analyse du Devoir, la quantité de fentanyl en provenance de la frontière canadienne est négligeable. Le gouvernement Trudeau soutient que le fentanyl entrant aux États-Unis depuis la frontière nord ne représente qu’environ 1 % du trafic évoqué par le président.

À Ottawa, plusieurs politiciens disent que le fentanyl n’est qu’un prétexte pour s’attaquer à la souveraineté du Canada.

Le premier ministre Justin Trudeau, qui a rencontré tous les chefs de l’opposition à Ottawa, dimanche soir, leur a confié « qu’il était devenu de plus en plus évident qu’il n’y avait aucune action supplémentaire en matière de sécurité à la frontière qui pouvait faire la différence ».

Le président républicain a récemment dit à des journalistes que le Canada et le Mexique « ne pouvaient rien faire » pour éviter les tarifs. Il a aussi réitéré son idée de faire du Canada le 51e État américain à de nombreuses reprises depuis le mois de novembre.

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