Une trop fragile trêve

Un accord de cessez-le-feu encore fragile prend forme dans le conflit opposant Israël au Hamas, résultat de l’effort combiné des acteurs régionaux, l’Égypte et le Qatar en tête comme médiateurs des pourparlers entre le groupe terroriste et le gouvernement israélien, et de la force de frappe de la collaboration entre les gouvernements Biden et Trump.

Le conseil de sécurité israélien a approuvé l’accord vendredi, à l’instigation du premier ministre, Benjamin Nétanyahou, pour une fois. Par le passé, les familles des otages lui ont reproché de saboter les efforts de paix pour préserver ses appuis au sein des partis d’extrême droite religieuse et conserver le pouvoir. Le Hamas y a aussi donné le feu vert.

L’entente pourrait mettre un terme au conflit meurtrier qui a commencé par les attentats terroristes du Hamas en sol israélien du 7 octobre 2023, véritable pogrom qui s’est soldé par le massacre de quelque 1200 Israéliens et la prise de plus de 250 otages.

La riposte, d’abord justifiée par le droit d’un État souverain de se défendre d’une attaque, a pris des proportions d’une infinie tristesse. Plus de 40 000 Palestiniens, dont des combattants du Hamas, ont été tués par l’armée israélienne, selon les estimations du ministère de la Santé de Gaza. Le territoire palestinien n’est plus qu’un champ de ruines abandonné aux affres du désastre humanitaire.

Le gouvernement Nétanyahou, discrédité par les velléités annexionnistes de ses partenaires de coalition de l’extrême droite, a essuyé les reproches de plus en plus soutenus de la communauté internationale au cours des derniers mois. Il est désormais visé par un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, au même titre que son ex-ministre de la Défense Yoav Gallant et des dirigeants du Hamas. Les allégations de génocide gronderont pour des années à venir, des reproches tantôt démentis par le premier ministre Nétanyahou, tantôt décrits comme une incarnation moderne de l’antisémitisme qui condamnerait Israël à subir une attaque sans se défendre.

Le cessez-le-feu, encore fragile, ne répare aucun des affronts et injustices des 15 derniers mois, mais il permet au moins d’envisager les conditions de la reconstruction de Gaza, et le retour d’un sentiment de sécurité minimale pour les populations de la région. L’accord est indissociable de celui conclu précédemment avec le Hezbollah, milice radicale chiite et entité terroriste durement ébranlée par la riposte israélienne au Liban.

La phase 1 de l’accord, d’une durée de six semaines, prévoit notamment la libération de 33 otages israéliens et d’une centaine de prisonniers palestiniens. L’armée israélienne devra aussi se retirer graduellement de Gaza, faciliter l’entrée de l’aide humanitaire et permettre à la population civile, éprouvée par le conflit, de retourner dans la partie nord de Gaza.

La phase 2 de l’accord nécessitera de nouvelles négociations, qui serviront à finaliser l’échange des quelque 65 autres otages et d’une nouvelle vague de prisonniers palestiniens. Un cessez-le-feu fragile, donc, et déjà critiqué par l’irresponsable leader d’extrême droite Itamar Ben-Gvir, qui a l’intention de se retirer du gouvernement de coalition.

Si la poudrière n’explose pas à nouveau, la phase 3 des pourparlers forcera les acteurs de ce conflit à mettre cartes sur table et à se positionner comme de véritables acteurs de la paix et de la stabilité au Moyen-Orient. C’est dans ce cadre que seraient abordées la reconstruction de Gaza, sa gouvernance et la réouverture des points de passage — d’entrée comme de sortie — de l’enclave palestinienne. Ce sera peut-être l’occasion pour l’Autorité palestinienne de reprendre la main sur le Hamas, un groupe terroriste qui a joué son va-tout avec l’attaque du 7 octobre 2023.

En effet, comment imaginer un seul instant que les Israéliens accepteront le retour en force du Hamas, un groupe voué à l’extinction de l’État d’Israël ? En revanche, dans le débat sur la reconnaissance d’un État palestinien, que vaut la parole de Benjamin Nétanyahou, fossoyeur des accords d’Oslo acoquiné avec l’extrême droite religieuse ?

Ces questions pressantes touchent au cœur de la gouvernance et de la représentation politique, aussi bien dans les territoires palestiniens que dans l’État d’Israël. Une lueur bien faible vacille pour la reconnaissance de deux États et l’acceptation mutuelle de l’Autre dans cette région d’une instabilité affolante. Ce projet d’avenir manque hélas, parmi les leaders actuels, de porteurs de flambeau dignes de l’ampleur du défi.

Ce texte fait partie de notre section Opinion. Il s’agit d’un éditorial et, à ce titre, il reflète les valeurs et la position du Devoir telles que définies par son directeur en collégialité avec l’équipe éditoriale.

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