Des «travaux préalables» de projets hydroélectriques autorisés avant l’évaluation environnementale?

Le gouvernement Legault veut se donner le droit d’autoriser des « travaux préalables » pour certains projets, et ce, avant même l’évaluation environnementale. Le ministre de l’Environnement pourra recommander l’autorisation s’il juge que le projet favorise l’atteinte des objectifs de lutte contre la crise climatique du Québec. Le développement hydroélectrique et éolien pourrait en bénéficier.
Cette nouvelle disposition est inscrite dans le projet de loi 81 (PL81), intitulé « Loi modifiant diverses dispositions en matière d’environnement », qui a été déposé mercredi dernier par le ministre de l’Environnement du Québec, Benoit Charette.
Le texte du projet de loi indique ainsi la possibilité de « permettre que certains travaux préalables requis dans le cadre du projet soient entrepris ». Cette autorisation découlerait d’une recommandation du ministre de l’Environnement et elle serait accordée « dans le cas où un projet d’un ministère participe à l’atteinte des cibles gouvernementales en matière de lutte contre les changements climatiques ou relatives aux objectifs de la transition énergétique ».
Le PL81 ne précise toutefois pas de liste de projets dont il pourrait s’agir. Dans une réponse écrite aux questions du Devoir, le cabinet du ministre Charette évoque cette possibilité « pour un projet hydroélectrique ou éolien, par exemple ». Il s’agirait toutefois « d’une mesure d’exception » soumise à « plusieurs conditions d’admissibilité », assure le bureau du ministre. Le gouvernement devra également juger que « l’intérêt public le justifie ».
Multiplication des projets
On anticipe une croissance marquée des projets de production énergétique au Québec au cours des prochaines années, particulièrement dans le domaine éolien. Cette augmentation est présentée comme un passage obligé dans un contexte de transition énergétique, et notamment pour alimenter des projets industriels et le parc automobile, qui est appelé à s’électrifier dans les années à venir.
Dans le cadre de son « Plan d’action » pour les dix années à venir, Hydro-Québec prévoit « tripler la production » éolienne d’ici 2035 afin d’ajouter 10 000 mégawatts de nouvelles capacités dans cette filière. Les projets devraient donc se multiplier sur le territoire de la province.
La société d’État souhaite également construire « de nouvelles centrales » hydroélectriques, sans en préciser le nombre. L’idée d’un projet sur la rivière du Petit Mécatina, sur la Basse-Côte-Nord, a été évoquée. « Nous poursuivons l’évaluation de sites qui présentent le meilleur potentiel. Il n’y a présentement aucun projet sur la rivière du Petit Mécatina. Nous avons eu quelques échanges avec les communautés. Il est prématuré de s’avancer sur quoi que ce soit. Il n’y a pas non plus de projet sur d’autres rivières présentement », répond toutefois Hydro-Québec.
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« Préoccupant »
Avocate au Centre québécois du droit de l’environnement, Camille Cloutier s’inquiète du nouvel outil législatif dont le gouvernement souhaite se doter. « Le principe même d’autoriser des travaux préalables avant l’évaluation du projet m’apparaît très préoccupant. » Elle note du même coup « l’absence de définition » d’un projet qui s’inscrirait dans la volonté de transition énergétique et de lutte contre le réchauffement climatique. Cela « a de quoi inquiéter », selon elle.
Des projets industriels et miniers importants ont déjà été décrits par les gouvernements comme faisant partie des jalons vers la transition. Le projet de Northvolt a été présenté par le gouvernement Legault comme un moyen de « faire avancer la transition énergétique au Québec », mais aussi d’atteindre les objectifs climatiques de la province. Le ministère de l’Environnement n’a toutefois pas été en mesure de fournir des données, un rapport ou une analyse qui appuieraient la thèse d’un projet bénéfique pour l’atteinte des objectifs climatiques.
Le PL81 doit par ailleurs permettre de raccourcir les évaluations environnementales de « quelques mois », selon le ministre Benoit Charette. Pour y parvenir, le gouvernement a choisi de modifier la procédure qui prévalait jusqu’à présent en éliminant l’étape de la « recevabilité » de l’étude d’impact, qui implique les experts de différents ministères, pour mettre en place un nouveau processus.
« Actuellement, les experts sont consultés à partir du dépôt de l’étude d’impact (au début de l’étape de la “recevabilité”). Avec les modifications proposées, les experts seront consultés dès que la procédure sera initiée, sur l’avis d’intention et la proposition de contenu d’étude d’impact que l’initiateur devra alors déposer. Les avis permettront au ministre de remettre à l’initiateur une directive d’étude d’impact spécifique au projet et au milieu envisagé pour sa réalisation », explique le ministère dans une réponse écrite au Devoir.
Avec cette nouvelle façon de faire, l’étude d’impact sera « plus complète », ce qui devrait accélérer le processus qui peut mener à un examen du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement. Interpellé jeudi par Le Devoir, le ministre Charette a assuré que le gouvernement continuerait d’évaluer les projets « avec la même attention portée aux doléances du public ».