Un tramway, deux sentiments d’urgence aux antipodes face à un fédéral conservateur

Le maire de la capitale, Bruno Marchand, croit que l’arrivée éventuelle — et peut-être avant l’automne 2025 — d’un gouvernement conservateur à Ottawa pourrait faire dérailler le tramway.
Photo: Jacques Nadeau Archives Le Devoir Le maire de la capitale, Bruno Marchand, croit que l’arrivée éventuelle — et peut-être avant l’automne 2025 — d’un gouvernement conservateur à Ottawa pourrait faire dérailler le tramway.

Face au spectre d’une élection anticipée à Ottawa et aux sondages qui annoncent l’arrivée au pouvoir des troupes conservatrices, hostiles au financement d’un tramway dans la capitale, Québec la ville et Québec le gouvernement ont des sentiments d’urgence aux antipodes.

Le maire de la capitale, Bruno Marchand, croit que l’arrivée éventuelle — et peut-être avant l’automne 2025 — d’un gouvernement conservateur à Ottawa pourrait faire dérailler le tramway. « Il a été très clair que, lui, il ne voulait pas aller de l’avant », a-t-il avancé vendredi matin en mêlée de presse. « Quelqu’un qui vous dit que ce n’est pas un risque, avec les positions de Poilievre… C’est sûr que c’est un risque. »

Quelques minutes plus tôt, le ministre responsable de la région de la Capitale-Nationale et des Infrastructures, Jonatan Julien, affirmait quant à lui n’en voir aucun. « Ça ne m’empêche certainement pas de dormir la nuit », a indiqué le député de Charlesbourg à propos de l’ombre d’un scrutin anticipé qui plane sur Ottawa depuis la révocation de l’entente qui liait les néodémocrates et les libéraux. « Actuellement, il n’y a pas d’enjeu pour le financement. »

Sa foi repose sur l’entente de principe bilatérale en infrastructures conclue au printemps 2023 avec son ancien homologue fédéral Dominic LeBlanc. Celle-ci prévoit qu’Ottawa réserve des sommes pour financer environ 40 % du tramway, peu importe sa facture finale.

CDPQ Infra estime que la première phase que le gouvernement caquiste s’engage à réaliser, qui comprend un corridor central et une antenne jusqu’à Charlesbourg, se chiffre à 5,27 milliards de dollars — une somme acquittée, selon les derniers montages financiers connus, à 50 % par le provincial, à 40 % par le fédéral et à 10 % par la Ville.

Or, le chef conservateur a déjà télégraphié son aversion à l’égard du dossier. « Comme premier ministre, je n’investirai pas une cenne d’argent fédéral dans un projet de tramway à Québec », écrivait-il sur X le 13 juin dernier.

Son lieutenant québécois, Pierre Paul-Hus, avait dû se dédire en l’espace de quelques heures après avoir affirmé que les troupes conservatrices ne déchireraient pas des contrats conclus par les libéraux. « Un gouvernement conservateur n’investira PAS d’argent fédéral pour un tramway, et ce, peu importe les promesses de Justin Trudeau », avait-il écrit sur la plateforme d’Elon Musk pour se raviser.

Pas d’urgence au gouvernement

Pour le maire Bruno Marchand, il importe de mettre le chantier en marche le plus rapidement possible. « Il faut l’entamer. Pas pour prendre de vitesse M. Poilievre, mais parce que le financement est là, les gouvernements le veulent, et qu’il faut aller de l’avant. »

Dans le même souffle, il indique que sans le soutien d’Ottawa, Québec pourrait difficilement éponger seul la facture. « J’aurais un gros point d’interrogation si à peu près 38 % du financement partait tout d’un coup. Je ne sais pas comment réagirait le gouvernement du Québec, qui est le principal bailleur, mais à sa place, je le comprendrais de se dire : “Est-ce que c’est possible dans un contexte financier très difficile pour le gouvernement du Québec ?” »

« C’est sûr que ça poserait de sérieuses questions. Il ne faut pas perdre ce financement-là », souligne le maire.

Le ministre Jonatan Julien, de son côté, n’a pas le même sentiment d’urgence. « À Québec, on ne brûle pas d’étapes », a-t-il indiqué à propos d’un tramway qui bourlingue depuis six ans au sein de son gouvernement. Le dossier avance et une annonce sur son modèle de gouvernance aura lieu « dès cet automne », indique-t-il.

Le Devoir a sollicité le cabinet de Sean Fraser, l’actuel ministre fédéral des Infrastructures, afin de vérifier la solidité de l’entente mentionnée par Jonatan Julien advenant l’élection d’un gouvernement conservateur. La réponse se faisait encore attendre au moment où ces lignes étaient écrites.

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