«Topical Dance»: un voyage sans prétention

Sebastian Kann dans son spectacle «Topical Dance»
Photo: Kinga Michalska Sebastian Kann dans son spectacle «Topical Dance»

Mercredi soir avait lieu la première de Topical Dance, de l’artiste interdisciplinaire Sebastian Kann, à La Chapelle Scènes contemporaines, présentée par Danse-Cité. Dramaturge formé comme acrobate, il nous présente ici sa deuxième pièce où images, sons, écriture et mouvements s’entremêlent. Une proposition scénique douce et colorée qui s’interroge sur les liens entre la danse et les mots. Sans fla-fla.

C’est pendant que le public s’installe, puis dans le silence, que Sebastian Kann commence sa nouvelle pièce. Avec quelques mouvements simples, debout ou au sol, il prend petit à petit l’espace, marche, bouge, danse avec douceur. Avec son corps, il crée des lignes, change quelque peu les dynamiques, saute parfois sans prétention de maîtrise technique totale. En toute simplicité, finalement. Dès le départ, on comprend son intérêt pour les mots, notamment grâce à son chandail sur lequel les mots « about » et « face » sont inscrits dans le dos. Cela nous interpelle, nous intrigue même.

Les mots, les phrases, l’écriture prendront ensuite une place de plus en plus importante sur scène. En effet, après sa courte séquence dansée et un enregistrement vocal où les mots deviennent mélodie, l’artiste décide d’écrire des mots à même le sol. L’enlacement des différentes disciplines sera ensuite complété par l’arrivée de la musicienne Simone Provencher. Là encore, en toute humilité, elle expérimente devant nous différentes variations synthétisées de sa flûte, avec parfois un léger sourire. Sebastian Kann, quant à lui, fait mouvoir son corps, aux sons de Simone, mais pas seulement. Peut-être aux mots qu’ils croisent au sol ? Ou aux textes qui sont projetés au mur ?

Photo: Kinga Michalska Sebastian Kann dans son spectacle «Topical Dance»

En effet, du début à la fin de la pièce, plusieurs phrases sont proposées au public. Moment captivant, de réflexion, de tentative de compréhension et d’élaboration de liens avec le corps dansant. « Soustraction des échos », « fantastique politique », « Sordidité du monde », etc. Bien qu’elles ne semblent pas avoir de réel sens, ces phrases-là captent chaque fois notre attention et sonnent, malgré tout, comme de la poésie.

Faut-il vraiment comprendre l’histoire ? Le corps peut-il avoir sa propre dramaturgie ? Un sens est-il absolument nécessaire à une chorégraphie ? Comment décrire la danse en mots, et les mots en danse ? La virtuosité est-elle indispensable ? Ce sont tous ces questionnements qui me sont venus à l’esprit tout au long de la pièce, et aussi bien après. Tout d’abord attentive aux différents éléments, je me suis ensuite rapidement laissé bercer, envoûtée par un corps dansant simple, mais fluide et agréable à observer, ainsi que par des éléments scéniques originaux et décalés qui amènent parfois à rire, parfois à penser.

Multidimensionnel

À notre arrivée dans la salle de spectacle, un livret nous avait été donné. On comprend déjà là tout l’amour de Sebastian Kann pour les mots. Clé de compréhension de son processus de création et de ce qu’on voit sur scène, oui, mais pas seulement. En effet, cet essai tente d’aller plus loin dans la réflexion et s’interroge sur l’espace, le temps, l’attention, mais aussi le pourquoi de la danse. Une démarche intéressante qui nous plonge déjà dans l’univers de l’artiste. Et qui dépasse le spectacle.

En plus des mots qui se cachent dans nos mains, au sol et sur le mur en face du public, Topical Dance joue avec d’autres éléments, comme une télévision ou des rideaux. Chacun d’entre eux a sa place dans la narration et attire le regard, fait germer des idées. Chaque objet scénique pourrait d’ailleurs vivre seul, avoir son propre récit. Pourtant, ils amènent chacun leur pierre à l’édifice, souvent enjolivés par la musique variée, parfois drôle, ou flyée de la musicienne. Grâce au travail de recherche de Sebastian Kann, tous ces attributs ne font finalement plus qu’un et c’est ce noeud, cette harmonie qui sont excitants à explorer, à regarder vivre, s’échouer, s’épanouir devant nous.

Enfin, la proximité entre les deux artistes est touchante. Les sourires en coin, les petits cafouillages sonores ou scéniques assumés amènent un regard inquiet. On vit la scène et le moment présent avec eux. L’un et l’autre s’écoutent et agissent, en mouvement ou en sons, en toute réciprocité. Aucun décorum ni aucune distance ne sont mis en place. Au contraire. La relation avec le public est aussi importante dans l’oeuvre. L’interprète s’approche souvent de ce dernier et évolue aussi selon ses réactions, sa capacité à être vraiment avec lui.

Ainsi, avec Topical Dance, il ne faut pas s’attendre à un spectacle grandiose ou à une technique hors du commun. Bien au contraire, c’est la simplicité qui est mise en avant, en toute pudeur, incarnée simplement par deux interprètes authentiques et attendrissants. Malgré le caractère dépouillé de l’oeuvre — parfois quelque peu facile, malheureusement, il est aussi possible de creuser des réflexions sur de nombreux éléments qui entourent la danse et de s’interroger sur le pouvoir des mots qui l’accompagnent, qui la guident, qui y répondent. De plus, la recherche d’éléments complémentaires, scéniques ou musicaux, souligne une création approfondie, avec des thématiques claires et une approche interdisciplinaire très intéressante.

Topical Dance

Sebastian Kann. Jusqu’au 30 novembre à La Chapelle Scènes contemporaines.

À voir en vidéo