Le TIFF s’inquiète d’un virage nationaliste au cinéma à cause de Trump

Le p.-d.g. du Festival international du film de Toronto (TIFF), Cameron Bailey
Photo: Paige Taylor White La Presse canadienne Le p.-d.g. du Festival international du film de Toronto (TIFF), Cameron Bailey

Le président et directeur général du Festival international du film de Toronto (TIFF) met en garde contre une approche trop nationaliste du contenu cinématographique au Canada, alors que les tarifs douaniers imminents du président américain Donald Trump ont conduit certains à éviter les exportations américaines.

L’approche « Canada d’abord » en matière de cinéma pourrait à terme nuire au secteur, a déclaré Cameron Bailey lors d’un appel virtuel depuis Toronto jeudi. Il a noté que le TIFF surveillait de près les tensions commerciales et leur impact potentiel sur l’économie.

Mais au-delà des tarifs douaniers, qui pourraient augmenter les coûts pour les cinéastes et les organisateurs de festivals, le TIFF s’inquiète d’un éventuel « changement de sentiment » parmi les spectateurs et les créateurs.

« C’est ce que nous surveillons de près : cette différence entre la fierté face aux histoires cinématographiques canadiennes et une sorte de fermeture et une approche purement nationaliste du contenu cinématographique, a-t-il expliqué. Ce serait mauvais pour le Canada si cela se produisait ici, et ce serait particulièrement mauvais pour les Canadiens si les États-Unis décidaient de suivre cette voie également », a-t-il ajouté.

Ce changement ne semble pas encore se produire de façon importante au Canada. Un sondage Léger publié cette semaine a révélé que si 81 % des Canadiens ont acheté plus de produits fabriqués au Canada pour protester contre les menaces de tarifs douaniers de M. Trump, seulement 28 % ont déclaré avoir annulé ou prévoir annuler leurs abonnements à des services de diffusion en continu américains tels que Netflix et Disney Plus, contre 34 % qui affirment qu’ils ne les annuleraient pas.

Un risque pour le contenu canadien

Malgré tout, M. Bailey a affirmé qu’il entendait des inquiétudes dans l’industrie locale selon lesquelles un « sentiment excessivement nationaliste » pourrait provoquer une réponse similaire de la part des États-Unis, ce qui aurait un impact sur les Canadiens qui veulent travailler de l’autre côté de la frontière et détournerait les Américains des films et des émissions canadiennes.

Bien qu’il soit important que les Canadiens soient fiers de leur propre contenu, a-t-il indiqué, nous devons nous assurer « de ne pas créer une sorte d’ambiance au sud de la frontière où les Américains ne veulent regarder que des choses américaines ».

Il a déclaré qu’il voulait voir plus d’histoires de réussite canadiennes comme « Schitt’s Creek » de la CBC, qui est devenue un énorme succès aux États-Unis après ses débuts sur Netflix.

« L’industrie cinématographique canadienne et l’industrie cinématographique américaine devraient toujours être collégiales et non conflictuelles », a soutenu M. Bailey.

« Nous savons tous combien de Canadiens sont déjà importants dans l’industrie américaine, et cela a très bien fonctionné d’avoir une frontière fluide sur ce front. »

Le mois dernier, le président Trump a nommé les acteurs Sylvester Stallone, Jon Voight et Mel Gibson « ambassadeurs spéciaux », chargés de ramener à Hollywood les affaires menées dans des « pays étrangers ».

Les projets étrangers ont représenté 49 % de toute la production cinématographique et télévisuelle au Canada en 2023-2024, générant 4,73 milliards $ et 91 120 emplois, selon l’Association canadienne des producteurs médiatiques.

Un carrefour pour le public et l’industrie

Vendredi, le TIFF a annoncé les membres du comité consultatif de son prochain marché de contenu, qui sera lancé en 2026. Parmi eux figurent le fondateur de Rhombus Media, Niv Fichman, le coprésident d’Elevation Pictures, Noah Segal, et le p.-d.g. d’Indigenous Screen Office, Kerry Swanson.

Ancré par un investissement de 23 millions du gouvernement fédéral, le marché servira de plaque tournante pour l’achat et la vente de projets sur écran, la propriété intellectuelle et le contenu innovant sur diverses plateformes.

M. Bailey a déclaré que le TIFF s’appuiera sur la « connaissance approfondie » du secteur par le comité consultatif pour finaliser ce à quoi ressemblera le marché du contenu.

Il a ajouté que le marché augmentera l’offre de conférences de l’industrie et de projections privées, offrant aux distributeurs, aux agents de vente et aux acheteurs l’occasion de voir des films en dehors de la programmation principale du festival et d’explorer des accords de distribution potentiels.

Le TIFF introduira également un espace dans son marché où les cinéastes et les scénaristes pourront présenter des projets en cours de développement à des partenaires et financiers potentiels, dans le but d’obtenir le soutien nécessaire pour mener à bien leur travail.

Avec le marché, M. Bailey souhaite que le festival réponde simultanément aux besoins des cinéphiles et des cinéastes, ce qui, selon lui, est essentiel pour « rester à la page ».

« Nous voulons créer un carrefour entre l’engagement du public et l’industrie, et que ce soit le véritable point de rencontre chaque année », a-t-il expliqué.

« C’est quelque chose qui n’existe pas vraiment. Je ne le vois nulle part ailleurs, même sur les grands marchés européens. »

Il a déclaré que même si des festivals comme Cannes ou la Berlinale sont fortement axés sur l’industrie, « ils n’ont pas le côté public comme nous l’avons à Toronto ». M. Bailey a dit qu’un autre objectif du marché est d’offrir une plus grande plateforme aux créateurs canadiens qui viennent déjà au TIFF pour faire des affaires et rencontrer des gens.

« Nous pensons que si nous attirons davantage de l’industrie mondiale en ville, nous pourrons réellement amener les industries cinématographiques mondiales aux portes du Canada chaque année », a-t-il ajouté.

Impacts difficiles à mesurer

M. Bailey a souligné qu’il est « difficile de dire pour l’instant » comment les tarifs imminents affecteraient spécifiquement le TIFF, au-delà de l’impact plus large qu’ils pourraient avoir sur l’économie canadienne.

« Mais je pense que ce que nous pouvons continuer à faire, c’est de nous assurer que nous soutenons l’industrie canadienne et que nous soutenons son engagement avec le reste du monde, y compris nos partenaires et cousins, en fait, aux États-Unis. »

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