«Si peu», Marco Lodoli

Si James Joyce disait de Rome qu’elle lui faisait penser « à un homme qui vit en exhibant aux visiteurs le cadavre de sa grand-mère », la Rome de Marco Lodoli, elle, vibre d’une tonalité « spirituelle » singulière, peuplée de protagonistes humbles et inconnus qui ont des airs de saints contemporains. C’est le cas de la narratrice de Si peu — son plus récent roman —, concierge dans une école secondaire de la banlieue de Rome, folle amoureuse de Matteo, un prof de lettres devenu écrivain à qui elle a choisi de dédier son existence. À l’insu du principal intéressé, auteur d’« histoires évanescentes d’êtres déboussolés », cette femme va se montrer d’une dévotion sans faille pendant les 40 ans de ce « rêve solitaire infini ». « Par délicatesse j’ai perdu ma vie », nous raconte-t-elle de sa voix d’oiseau blessé. L’auteur des Prétendants (P.O.L, 2012) fait la chronique de cette obsession absurde et forcenée. Une fois de plus, la magie Lodoli opère, avec sa délicatesse et sa poésie de ruelle.