La SAAQ a ignoré les mises en garde du protecteur du citoyen sur SAAQclic

La SAAQ « avait répondu que tout avait été prévu pour une transition réussie. La réalité a plutôt prouvé le contraire », note le protecteur du citoyen dans son rapport.
Jacques Nadeau Le Devoir La SAAQ « avait répondu que tout avait été prévu pour une transition réussie. La réalité a plutôt prouvé le contraire », note le protecteur du citoyen dans son rapport.

Juste avant le fiasco de SAAQclic, le protecteur du citoyen avait averti les hauts dirigeants des périls d’un tel virage numérique. Leur réponse ? « Tout [est] prévu pour une transition réussie. »

Marc-André Dowd a déposé jeudi son rapport annuel 2022-2023. Il y revient notamment sur la saga de la transition numérique de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ).

À l’approche de cette migration, le protecteur du citoyen a « intensifié » ses échanges avec celle-ci à partir de l’été. Il a formulé des mises en garde durant tout l’automne. Le 26 janvier, une rencontre a été organisée en haut lieu. « Préoccupé par les répercussions de la transition vers SAAQclic, le protecteur du citoyen avait questionné la SAAQ à l’égard des mesures mises en place, compte tenu de l’ampleur de cette étape charnière », est-il écrit dans le rapport. « L’organisme avait répondu que tout avait été prévu pour une transition réussie. La réalité a plutôt prouvé le contraire. »

Avec le recul, Marc-André Dowd juge que « la SAAQ a sous-estimé les conséquences de la suspension de la majorité de ses services du 26 janvier au 19 février 2023, et de l’accumulation des transactions laissées en suspens durant cette période ». Elle a aussi « sous-évalué la demande au moment de la réouverture de ses services, et elle n’a pas été en mesure d’y répondre ». Selon le vice-protecteur Claude Dussault, la SAAQ s’est ainsi retrouvée au coeur d’une « tempête parfaite ».

M. Dowd écrit que la SAAQ aurait dû faire « une meilleure planification du virage » numérique et assurer « une communication plus efficace avec les citoyens ».

Les observations du protecteur du citoyen sont semblables à celles de PricewaterhouseCoopers, qui a conclu dans un audit externe que la SAAQ avait sous-estimé la charge de travail liée à la transition numérique. Le syndicat qui représente 2200 employés de la SAAQ, lui aussi, affirme qu’il avait prévenu les gestionnaires que le nouveau service SAAQclic n’était pas prêt.

Les ratés de SAAQclic ont coûté au moins 2,6 millions de dollars en heures supplémentaires. Le président-directeur général de la SAAQ, Denis Marsolais, a été renvoyé en avril.

Des nominations partisanessous Prud’homme

Dans un tout autre ordre d’idées, le rapport du protecteur du citoyen lève le voile sur des pratiques de favoritisme à la Sûreté du Québec (SQ) après l’arrivée de l’ex-directeur Martin Prud’homme.

Marc-André Dowd rappelle que « des voix se sont élevées » pour dénoncer « une culture interne de favoritisme » lors de la nomination de nouveaux gestionnaires à la SQ. « Effectivement, selon l’enquête du Protecteur du citoyen, des autorités ont contourné les règles en attribuant des postes et des promotions aux personnes de leur choix », écrit-il.

Le rapport souligne qu’en 2015 — l’année suivant la nomination de M. Prud’homme —, la SQ « a modifié sa politique de dotation et a abaissé ainsi certaines exigences rattachées aux postes de gestion ». L’organisation policière a aussi « mis en place des intérims fréquents et de durée excessive ».

Or, « dans la majorité des cas », la personne ayant assuré l’intérim à un poste a ensuite été nommée à ce même poste. « Ce mode de fonctionnement a donc mené à des nominations ciblées, les personnes placées à titre intérimaire détenant un net avantage lors de l’ouverture du concours », juge le protecteur du citoyen.

Il ajoute que des gestionnaires responsables de concours pour des postes ont aussi incité des personnes qualifiées à se désister ou à ne pas se porter candidates pour un poste. « Cette demande n’était pas formulée en raison de leur profil, mais plutôt pour laisser le champ libre à quelqu’un d’autre », relève le rapport.

Martin Prud’homme a été destitué en 2020 à la recommandation d’un groupe d’experts. Le comité lui avait reproché d’avoir commis des fautes déontologiques et éthiques, ce dont l’ex-grand patron de la SQ s’est toujours défendu.

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