Le rêve d’une première université «par et pour les Autochtones» prend forme

Ghislain Picard, chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador
Photo: Spencer Colby Archives La Presse canadienne Ghislain Picard, chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador

La Maison des savoirs, une première université « par et pour les Premiers Peuples », prend lentement forme. Jeudi, à Wendake, le Conseil en éducation des Premières Nations (CEPN) a annoncé un « partenariat historique » avec l’ensemble des établissements d’enseignement universitaire du Québec, jalon « important » dans l’élaboration d’un plan d’affaires qui doit atterrir dans les mains du gouvernement en 2027.

L’entente prévoit que « toutes les universités appuient et vont participer au plan d’affaires », a annoncé le directeur général du CEPN, Denis Gros-Louis. Les parcours issus de cette collaboration permettront de faire place, au sein des universités, aux langues autochtones et à leurs savoirs traditionnels dans les domaines médicaux, scientifiques et culturels.

Ils permettront également aux étudiants et aux étudiantes autochtones, peu importe où ils et elles se trouvent au Québec, d’obtenir des « programmes spécialisés d’enseignement et de recherche adaptés aux Premiers Peuples », que ce soit en classe ou de façon virtuelle.

L’université à naître aura le mandat d’offrir un parcours d’enseignement propre aux besoins des communautés autochtones « dans des environnements d’apprentissage qui reflètent l’identité et les valeurs des Premiers Peuples ». La Maison des savoirs verra le jour dans un contexte où la demande d’enseignement supérieur connaît une forte croissance au sein des Premières Nations, selon Ghislain Picard, chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador.

« La Maison des savoirs répond à un besoin réel et contribuera à la tendance d’augmentation du nombre de diplômés autochtones observée au cours des dernières années », a souligné M. Picard par communiqué.

Le taux de décrochage des étudiants et des étudiantes des Premières Nations a connu une diminution de 25 % entre 2011 et 2021. En parallèle, le taux d’obtention d’un diplôme d’études supérieures augmente chaque année au sein des Premières Nations — d’où la nécessité, selon le CEPN, « de créer un établissement universitaire entièrement autochtone ».

« C’est exceptionnel de penser que, de mon vivant, je verrai des diplômés de la Maison des savoirs », s’est réjoui son directeur général, Denis Gros-Louis.

La population étudiante universitaire autochtone a un profil particulier qui nécessite un encadrement qui lui est propre, selon un portrait rédigé en 2022 par Sylvie Bonin, de l’équipe de la Direction de la recherche institutionnelle à l’Université du Québec.

« La proportion d’étudiantes et d’étudiants parents est presque deux fois plus grande chez les Autochtones (41 %) que chez les allochtones (24 %) », indiquait le profil tiré des données issues de l’enquête ICOPE (Indicateurs de conditions de poursuite des études). Seulement 46 % des personnes étudiantes autochtones considèrent également avoir une très bonne ou une excellente préparation aux études, comparativement à 60 % de leurs pairs allochtones.

La dispersion territoriale influe également grandement sur le taux de diplomation postsecondaire de la population autochtone canadienne, selon le recensement de 2021. Les étudiants et les étudiantes des Premières Nations qui habitent des régions où l’enseignement supérieur est facilement accessible obtiennent un titre d’études postsecondaires dans une proportion de 51,5 %. Ceux et celles qui vivent dans des régions très éloignées, au contraire, affichent un taux de diplomation de 26,7 %.

L’annonce de l’entente-cadre, jeudi, une première à rassembler l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur du Québec, réunissait Christian Blanchette, recteur de l’Université du Québec à Trois-Rivières, Cathia Bergeron, vice-rectrice aux études et aux affaires étudiantes de l’Université Laval, et Sébastien Lebel-Grenier, principal et vice-chancelier de l’Université Bishop’s.

« C’est un tournant historique où les établissements d’enseignement supérieur unissent leurs forces, a indiqué M. Blanchette, pour contribuer à bâtir un avenir où le savoir des Premiers Peuples trouve toute sa place, est reconnue, valorisée. »

Selon le recensement de 2021, le Québec compte 205 010 personnes autochtones, dont 21 % ont 14 ans et moins.

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