Le retour de Trump à la tête des États-Unis menace-t-il le climat de la planète?

Après avoir nié la réalité du réchauffement climatique et promis de stimuler la production d’énergies fossiles, de démanteler plusieurs normes environnementales en sol américain et de quitter l’Accord de Paris, le président désigné Donald Trump risque-t-il de nuire au climat de la planète ? Au lendemain de sa victoire, plusieurs s’inquiètent pour la suite des choses.
« Le résultat de l’élection américaine est un coup dur pour la lutte contre la crise climatique. La fenêtre pour limiter le réchauffement à 1,5 °C se referme et les quatre prochaines années seront critiques », a déclaré mercredi Laurence Tubiana, considérée comme l’architecte de l’Accord de Paris sur le climat.
L’experte réputée des enjeux climatiques et professeure à l’Université McGill Catherine Potvin prédit pour sa part que le retour de Trump à la Maison-Blanche servira de « justificatif à l’inaction » ailleurs dans le monde, y compris « chez les opposants à la tarification du carbone au Canada. On va perdre au moins cinq ans, alors que nous sommes déjà en retard. C’est très décourageant ».
Il faut dire que le président désigné a répété au cours des dernières années que le réchauffement climatique provoqué par l’activité humaine n’existait tout simplement pas. « Il ne s’agit pas d’un réchauffement climatique, car à certains moments la température commence à baisser un peu », a-t-il notamment affirmé à plusieurs reprises, malgré la multiplication des événements climatiques extrêmes en sol américain, dont les ouragans, les canicules, les sécheresses et les incendies.
À lire aussi
Élu à la tête d’un pays qui est le deuxième émetteur mondial de gaz à effet de serre (GES) et le premier producteur de pétrole, Donald Trump a d’ailleurs promis de sortir les États-Unis de l’Accord de Paris, qu’il juge « mauvais » pour l’économie américaine. Il avait déjà fait le même geste lors de sa première présidence.
Ce retrait annoncé aura des répercussions bien réelles, selon Alexandre Lillo, professeur au Département de sciences juridiques de l’UQAM et spécialiste des enjeux climatiques. « Cette décision va fragiliser toutes les négociations climatiques », et ce, dès la conférence des Nations unies (COP29), qui débute la semaine prochaine, déplore-t-il. M. Lillo dit aussi redouter des impacts sur le financement de l’action climatique mondiale.
Qui plus est, c’est dans le cadre de l’Accord de Paris signé en 2015 que les États-Unis se sont engagés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 50 % d’ici 2030 par rapport au niveau de 2005. En 2023, cette réduction en était à 18 %, selon le centre de recherche Rhodium Group.
Énergies fossiles
La victoire du camp Trump risque donc de menacer directement les objectifs de réduction des GES américains, d’autant plus que Trump a pris des engagements qui iront à l’encontre de la décarbonation, prévient Yvan Cliche, fellow au Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal.
Ce dernier cite comme exemples la promesse d’augmenter la production de pétrole et de gaz, la fin possible de la réglementation sur les limites d’émissions des centrales au charbon et des nouvelles centrales au gaz naturel, la mise de côté de l’objectif de décarbonation du réseau électrique (les énergies fossiles, le gaz naturel en tête, fournissent 60 % de la production), l’abrogation des nouvelles réglementations sur les émissions des voitures visant à accélérer le passage à l’automobile électrique et le retrait de soutiens financiers aux énergies renouvelables.
Une analyse du média spécialisé Carbon Brief estimait plus tôt cette année qu’une victoire de Donald Trump pourrait entraîner l’émission supplémentaire de 4 milliards de tonnes d’équivalent CO2 d’ici 2030, par rapport à une victoire des démocrates. Cela équivaut aux émissions annuelles de l’Europe et du Japon.
Des objectifs climatiques « impossibles » à atteindre ?
Ces reculs imposés en matière climatique surviendraient alors que le temps presse plus que jamais pour freiner le réchauffement. Selon la trajectoire climatique mondiale établie par l’observatoire européen Copernicus, le réchauffement planétaire devrait atteindre 1,5 °C, par rapport à l’ère pré-industrielle, d’ici la fin de 2034.
Selon le plus récent rapport du Programme des Nations unies pour l’environnement, les politiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre mises en place pour l’heure par les pays entraîneraient un réchauffement « catastrophique » de 3,1 °C au cours du siècle par rapport à l’ère préindustrielle.
Le réputé climatologue américain Michael Mann a pour sa part été formel : la poursuite de l’expansion des énergies fossiles prônée par Donald Trump risque de rendre « impossible » l’atteinte des objectifs mondiaux de lutte contre les dérèglements du climat.
Les énergies renouvelables ne faibliraient pas
« C’est plus grave qu’en 2016 », juge Laurence Tubiana, en comparant les conséquences potentielles de cette victoire de Trump par rapport à la précédente. « Il faudra une mobilisation sans précédent pour que le choc de la décision américaine n’empêche pas d’autres pays devenus réticents d’accélérer l’action. »
Qualifiant l’élection de Trump de « tragédie », Alexandre Gajevic Sayegh, professeur de science politique à l’Université Laval, estime lui aussi que d’autres États, dont le Canada, devront redoubler d’efforts pour maintenir en vie les objectifs climatiques mondiaux. « Ce sera beaucoup plus difficile à partir de maintenant », craint-il.
Même son de cloche de la part de Christiana Figueres, qui a été secrétaire exécutive de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques entre 2010 et 2016. Mais, a-t-elle souligné mercredi, « demeurer avec le pétrole et le gaz équivaut à demeurer derrière dans un monde en mouvement » qui se tourne plus que jamais vers les énergies renouvelables.
Yvan Cliche estime lui aussi que, même si le président Trump a qualifié le pétrole d’« or liquide » dans son discours de victoire, la croissance des énergies renouvelables va demeurer très forte, y compris en sol américain. En ce sens, il souligne que « les effets positifs » de l’Inflation Reduction Act, une politique qui stimule la transition énergétique, et donc la lutte contre la crise climatique, se font clairement sentir dans des États républicains.
Le Texas, par exemple, historiquement associé aux énergies fossiles, est devenu le premier État producteur d’énergies renouvelables du pays, avec notamment plus du quart de toute la production éolienne. Et face à des pays comme la Chine, qui dominent le secteur prometteur des énergies censées remplacer celles qui conduisent l’humanité vers le naufrage climatique, les entreprises américaines ne voudront pas demeurer en reste.