La rentrée littéraire en dix essais québécois

Photo: Valérian Mazataud Le Devoir

Le jour où j’ai eu un cancer. 100 témoignages d’espoir, Isabelle Roy

Un diagnostic de cancer s’avère bien souvent un coup de tonnerre dans la vie d’une personne qui reçoit ce genre d’annonce. C’est ce qui est arrivé en 2019 à l’autrice de romans jeunesse Isabelle Roy. Aujourd’hui guérie, elle tire de son vécu un ouvrage rassemblant 100 courts témoignages de personnes atteintes d’un cancer. De son aveu même, ce livre, qui se veut comme un baume au cœur, est celui qu’elle aurait aimé lire à l’époque, quand elle s’est retrouvée confrontée à la maladie. Bourré d’anecdotes, parfois drôles, souvent attendrissantes, Le jour où j’ai eu un cancer accompagne les patients et leurs proches avec les mots du courage à travers les histoires d’hommes et de femmes touchés par cette maladie.

Hurtubise, 30 janvier

Le gouvernement Lévesque, tome 3. De l’éclatante victoire de 1981 au beau risque, Jean-Charles Panneton

Les lecteurs qui ont dévoré les deux premiers tomes passionnants consacrés à la fulgurante carrière politique de René Lévesque ne rateront pour rien au monde ce dernier opus. Avec pour point de départ la victoire incontestable du Parti québécois aux élections provinciales de 1981, on se retrouve rapidement dans les négociations menant au rapatriement de la Constitution desquelles le Québec sera exclu, un épisode de haute trahison pour Lévesque. Cette biographie signée par le prolifique historien Jean-Charles Panneton s’attarde sur le chant du cygne d’un politicien d’envergure qui connaîtra un second mandat difficile avec les grèves dans le secteur public et l’arrivée tonitruante du gouvernement de Brian Mulroney à Ottawa, à l’été 1984, qui mettra la table au « beau risque » envisagé par le premier ministre péquiste.

Septentrion, 4 février

La blanchité aveuglante. Réflexions sur le racisme, Deni Ellis Béchard

De sa jeunesse en Virginie dans les années 1980, le Québéco-Américain Deni Ellis Béchard garde des souvenirs très clairs des distinctions raciales qu’entretenait encore à l’époque la société de cet État du sud des États-Unis, fruit d’un héritage de lois ségrégationnistes de l’ère Jim Crow. C’est à l’université qu’il commence sérieusement à se questionner sur les idées racistes qu’on lui a inculquées. Dans son nouvel essai, dont le titre reprend une formule du philosophe Charles W. Mills dans Le contrat racial, le reporter indépendant puise directement au cœur de ses expériences de vie pour déconstruire l’endoctrinement au racisme, notamment envers les Afro-descendants et les Autochtones.

Écosociété, 4 février

Paul-Émile Borduas. Tableau d’une vie, Jules Richard

Impossible de dissocier Paul-Émile Borduas de Refus global, manifeste des automatistes paru le 9 août 1948 pour décrier le conservatisme de la société québécoise politique et religieuse sous la coupe obscurantiste du gouvernement de Maurice Duplessis. Jules Richard, ancien documentaliste au service de l’information de Radio-Canada, propose un portrait en 30 tableaux de la vie et de l’œuvre d’un artiste visionnaire. Celui qui n’aura cessé de chercher, de se réinventer et de briser les codes aura servi d’inspiration à toute une génération de peintres, tels que Jean Paul Riopelle, Jean-Paul Mousseau et Marcelle Ferron. Il n’aura pourtant pas eu une existence facile, tiraillé entre sa vie de famille et sa carrière cahin-caha de peintre et de sculpteur.

Somme toute, 17 février

À lire aussi

L’espace signifiant du texte. Métaphore paternelle et significations collatérales, François Ouellet

François Ouellet, professeur de littérature à l’Université du Québec à Chicoutimi, est un as de la vulgarisation. Depuis un certain nombre d’années, il s’intéresse à la représentation littéraire du père. Avec cet essai, l’auteur part du constat qu’au-delà des différences de sensibilité et de style, toute œuvre demeure indissociable d’un patriarcat historique qui a longtemps structuré la société contemporaine. Pour illustrer ses dires, le spécialiste du roman français de l’entre-deux-guerres et des littératures québécoise et franco-canadienne aborde cette question complexe en montrant comment elle s’articule dans l’imaginaire fictionnel d’un ensemble d’œuvres romanesques comme celles, entre autres, d’Émile Zola, de Robert Charbonneau ou de Gabrielle Poulin.

Presses de l’Université de Montréal, 17 février

Peut-on voyager encore ? Réflexions pour se rapprocher du monde, Rodolphe Christin

Rodolphe Christin s’évertue depuis quelques années à épingler les travers et les excès du tourisme à travers des ouvrages pertinents. Dans Manuel de l’antitourisme, publié en 2017, il rappelait que le tourisme — « ce privilège réservé aux Occidentaux depuis l’avènement des congés payés » — est la première industrie mondiale, même s’il est pratiqué par seulement 3,5 % de la population. Avec son nouvel essai-choc, le sociologue, essayiste et écrivain soulève des questions urgentes et nécessaires, d’ordre à la fois sociologique et philosophique. Devant les défis environnementaux que représente le tourisme de masse, comment réfléchir le voyage dans un contexte de crises climatique et sociale ? Un essai qui fait aussi réfléchir sur nos responsabilités individuelles.

Écosociété, 18 février

S’affranchir de l’histoire. Destin philosophique des Français en Amérique du Nord, Thomas Dommange

Qu’est-ce que l’Amérique provoque chez les Européens quand ces derniers y posent les pieds ? Et, plus communément, d’où vient le vertige qui naît en eux quand ils décident de transporter leur vie dans ce nouveau monde ? Le docteur en philosophie Thomas Dommange tente de répondre à ces questions, certes iconoclastes, mais ô combien passionnantes, en remontant aux sources du contact des explorateurs français avec le continent et ses habitants originels. Son essai se penche ainsi sur le processus colonial que les Français ont mis en place pour posséder ce nouveau territoire, qu’ils ont très tôt considéré comme un paradis à conquérir. L’auteur poursuit sa réflexion avec les descendants des colons français à chaque étape de leur histoire, des rébellions des patriotes jusqu’à la Révolution tranquille.

Boréal, 25 février

Petite nature, Perrine Leblanc

« Carnet de souvenirs, portraits et autoportrait, grimoire, abécédaire intime et volontairement désordonné », c’est avec un certain sens du mystère et de la poésie que la romancière montréalaise de l’acclamé L’homme blanc (Prix littéraire du Gouverneur général du Canada, 2011) décrit son nouvel opus, une œuvre très personnelle présentée en forme de guide de survie et dans lequel l’autrice se raconte et se dévoile dans son quotidien. Ce récit autobiographique presque organique se veut avant tout une fresque de l’intime qui prend son ancrage dans les éléments naturels, mais aussi dans des lieux marquants (New York, Montréal, Bucarest, etc.), comme autant de bouées de sauvetage.

Marchand de feuilles, 7 avril

Opération Bangui. Promesses vaccinales en Afrique postcoloniale, Pierre-Marie David

Le sociologue et pharmacien Pierre-Marie David s’est penché sur un chapitre ignoré de l’histoire du sida dans les années 1980 et 1990. Son enquête édifiante revient sur un programme de recherche secret, connu sous le nom d’opération Bangui, mené en République centrafricaine par des scientifiques français et américains qui croyaient avoir enfin trouvé un vaccin contre le virus ayant causé la mort de millions de personnes sur la planète. Le professeur à l’Université de Montréal, qui se spécialise dans l’ambiguïté des politiques pharmaceutiques et des logiques de santé mondiale, livre ici un récit à glacer le sang, où l’on trouve d’un côté des cobayes parmi la cohorte de militaires locaux et de l’autre, des puissances postcoloniales sans scrupule.

Lux, 9 avril

Pour une biodiversité de l’enfance, Céline Lamy

Pression de performance scolaire, réseaux sociaux, pandémie… Depuis un certain temps, les sources d’angoisse chez les jeunes ne manquent pas. Plusieurs études scientifiques démontrent d’ailleurs que les enfants se sentent de plus en plus anxieux. Forte de sa pratique de pédopsychiatre, Céline Lamy milite pour un modèle éducatif fondé sur l’écoute des besoins et des singularités de chaque enfant. Pour lutter contre les dangers de l’uniformité imposée par la société, l’autrice plaide pour une approche inspirée de la biodiversité humaine, car, pour elle, il est aujourd’hui devenu urgent que les jeunes soient accompagnés dans leur développement sans sacrifier leur essence.

XYZ, 8 mai

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