La réconciliation entre Ottawa et les Autochtones passe par l’exploitation des ressources, dit Poilievre

Le chef conservateur Pierre Poilievre a déclaré devant des chefs autochtones réunis à Montréal jeudi que leurs enfants « pourraient être les plus riches du monde » s’ils acceptent de s’associer aux projets d’exploitation de ressources naturelles, ce qu’il promet de favoriser.
« Si la réconciliation veut dire quoi que ce soit, ça signifie de dire oui aux occasions économiques que les Premières Nations demandent », a laissé tomber M. Poilievre dans un discours essentiellement en anglais lors de la grande rencontre annuelle de l’Assemblée des Premières Nations (APN).
Selon sa vision des choses, le Canada regorge de ressources naturelles dont l’exploitation est essentielle pour assurer la croissance économique et le bien-être des Premiers Peuples. Son récit place le gouvernement Trudeau et son ministre « cinglé » (« wacko ») de l’Environnement, Steven Guilbeault, comme étant ce qui empêche les Autochtones de « reprendre le contrôle de leurs ressources ».
Il propose un modèle qui « simplifiera » les négociations entre les Autochtones et les projets miniers et pétroliers, par exemple, en permettant aux communautés d’imposer leurs propres taxes et conditions. « Ça veut dire vous écouter quand vous avez des craintes sur les projets, oui, mais ça veut aussi dire vous écouter quand vous appuyez le développement. […] Votre droit de dire oui est aussi important que votre droit de dire non », a fait valoir le politicien, qui domine actuellement les sondages nationaux.
Le chef conservateur n’a pas manqué de lancer une flèche aux grandes entreprises qui songeraient à faire venir en avion des travailleurs étrangers pour leurs activités. « Elles devraient offrir ces emplois à la jeunesse autochtone. »
Mêmes valeurs ?
Pierre Poilievre a commencé son discours en assurant qu’il partage « les valeurs des institutions précoloniales », comme la foi en un créateur suprême, l’attachement aux traditions ou encore l’entrepreneuriat dont faisaient preuve les Premiers Peuples dans le commerce. Même s’il se trouvait au Québec, il n’a prononcé qu’une vingtaine de mots en français, reconnaissant sa présence sur les terres traditionnelles de la nation kanien’kehá: ka.
Quelques chefs autochtones tournaient le dos au chef conservateur lors de son allocution en guise de protestation. Lors d’une courte séance de questions et réponses, une cheffe autochtone de la Colombie-Britannique, Judy Wilson, de la nation des Neskonlith, l’a accusé de rester muet sur la question de l’urgence climatique et de n’avoir dit mot sur les femmes autochtones disparues et assassinées ou sur la déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
« Si vous travaillez à être le premier ministre du Canada, ça m’indique que vous avez encore beaucoup à apprendre sur ces sujets », a-t-elle laissé tomber. Un autre leader autochtone a souligné que de nombreuses communautés sont au courant de la valeur des ressources, mais qu’elles souhaitent laisser le territoire tel qu’il est.
Comme pour lui donner la réplique, le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Jagmeet Singh, a lui aussi livré un discours devant les délégués de l’APN. Il a directement accusé Pierre Poilievre de leur mentir et de tolérer dans ses rangs des négationnistes en ce qui a trait aux horreurs des pensionnats pour Autochtones. « Il ne fera jamais ce qu’il faut pour que justice soit rendue aux populations autochtones ! Il réduira vos services et vous rendra responsables des difficultés que vous vivez », a-t-il pesté.
Droit au consentement
Le chef du NPD a offert sa propre version de la réconciliation entre Ottawa et les peuples autochtones, qui « ne peut pas se produire tant qu’on ne respecte pas [leur] droit au consentement informé ». Il promet de bâtir une relation de nation à nation, tout en critiquant le premier ministre Justin Trudeau de ne pas l’avoir fait.
Jagmeet Singh a pour sa part présenté le terrain du Palais des congrès de Montréal comme un territoire mohawk non cédé. Il était présent dans la métropole québécoise depuis la veille pour lancer la campagne néodémocrate en vue de l’élection partielle à venir dans LaSalle-Émard-Verdun.
Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, était quant à lui à Washington jeudi, aux États-Unis, au sommet des pays de l’OTAN. Mercredi, des chefs autochtones ont exprimé leur insatisfaction à l’égard de son gouvernement devant son représentant présent à l’assemblée de l’APN, le ministre des Relations Couronne-Autochtones, Gary Anandasangaree.
La Presse canadienne a rapporté que la nouvelle cheffe nationale de l’Assemblée des Premières Nations, Cindy Woodhouse Nepinak, avait informé les chefs du pays d’un projet d’accord avec Ottawa de 47,8 milliards de dollars au sujet des réformes de la protection de l’enfance.