Quand les restos prennent les allergies au sérieux
Collaboration spéciale

Ce texte fait partie du cahier spécial Plaisirs
Aller manger au restaurant n’est pas une sinécure pour les gens qui sont aux prises avec des allergies alimentaires. Toutefois, de plus en plus d’établissements accommodent ces clients, parfois au point de revoir en profondeur leurs méthodes de travail pour un repas sans tracas.
Une allergie alimentaire déclenche une alerte du système immunitaire dont la réponse peut générer des démangeaisons dans la bouche ou dans la gorge, de même qu’une enflure des lèvres ou de la langue. Chez les personnes allergiques, la réaction, bien que désagréable, n’entraînera pas de risque létal, explique le Dr Matthieu Picard, allergologue à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont. Mais dans d’autres cas, plus rares, une allergie provoque un choc anaphylactique pouvant causer la mort.
Entre 2010 et 2016, la proportion de Canadiens qui ont déclaré souffrir d’une allergie alimentaire est passée de 7 à 9 %, d’après une étude parue en 2020 dans le Journal of Allergy and Clinical Immunology. « Ce pourcentage inclut très probablement des gens qui ont en fait une intolérance alimentaire ou un syndrome de l’intestin irritable », croit le Dr Picard. Les chercheurs estiment en effet que ce chiffre est demeuré plutôt autour de 6 %. Dans la Belle Province, environ 300 000 personnes vivent avec une allergie alimentaire, selon Allergies Québec.
Ces personnes doivent d’abord se renseigner sur les méthodes de préparation et de service de l’établissement où elles souhaitent se rendre, et communiquer clairement la situation aux employés, explique Jennifer Gerdts, directrice générale d’Allergies alimentaires Canada. « Et ceux qui risquent l’anaphylaxie doivent également se tenir prêts à traiter une réaction allergique. Parce que, oui, des accidents peuvent se produire », souligne-t-elle.
« Et au restaurant, on demande à parler au responsable pour valider l’information », ajoute de son côté Christine Gadonneix, nutritionniste chez Allergies Québec. Dans la salle à manger, mieux vaut s’installer à une table propre et vérifier si les ustensiles ont été bien lavés afin d’éliminer les possibilités de traces d’allergènes. Finalement, une fois le repas servi, ces clients doivent s’assurer qu’ils ont bien la bonne assiette devant eux.
Des restaurants proactifs
Certains établissements prennent déjà les choses en main quand il s’agit de prévenir les risques de contamination croisée. C’est notamment le cas d’Ottavio, qui possède quatre restaurants au Québec. En plus d’offrir son menu habituel pour les gens sans restrictions alimentaires, Ottavio a mis sur pied une carte exempte de gluten, de noix, d’arachides, de sésame et de soja. « Et pour les œufs, le lait, les bovines, la moutarde, on les a identifiés sur notre menu », explique Aki Progakis, propriétaire et fondateur de la chaîne. Ainsi, les plats figurant sur cette liste seront concoctés dans une cuisine séparée, avec des équipements et des ustensiles distincts, notamment une friteuse et un four à pizza sans gluten.
Le personnel d’Ottavio effectue aussi des tests de dépistage sur les produits préparés. « Par exemple, on prend la sauce bolognaise ou la vinaigrette César et on la met dans un liquide. On brasse, on insère une bandelette et le résultat nous indique s’il y a eu une contamination croisée », décrit M. Progakis. Les plats sont également servis dans des assiettes distinctes.

Des mesures similaires sont en vigueur à l’hôtel Four Seasons de Montréal. L’établissement emploie une friteuse séparée pour éviter la présence de gluten. Le personnel de cuisine s’assurera aussi de cuire les aliments sur un gril exempt d’allergènes. « On a quand même trois belles cuisines à notre disposition. Ça nous permet très facilement de prévenir la contamination croisée », explique Jason Morris, chef exécutif du restaurant du Four Seasons, où se trouvent le restaurant avec terrasse Marcus et l’espace lounge et bar du même nom.
L’établissement identifie également dès le départ les plats à l’aide d’une pince fluorescente afin d’éviter qu’ils entrent en contact avec un allergène. « On veut s’assurer que cette assiette ne sera pas confondue avec une autre parce qu’elle est rattachée à une restriction alimentaire », illustre le chef.
À la chaîne italienne Pacini, on a préféré l’option d’un mets unique préemballé exempt de la présence de 12 allergènes. « Souvent, ce sont des enfants qui viennent pour la première fois au restaurant, explique Geneviève Nadeau, nutritionniste et directrice de la bienveillance et des relations publiques chez Pacini. On avait pour objectif d’avoir le moins de manipulations possible en cuisine. » En résultent un spaghetti aux boulettes de viande, scellé sous vide, réchauffé au micro-ondes, et un sorbet à la mangue. Les deux mets sont envoyés à la table encore entièrement emballés afin de rassurer les clients.
Pacini dispose également d’auto-injecteurs d’épinéphrine en cas de réaction anaphylactique. « C’est déjà arrivé quelques fois chez des enfants qui n’étaient pas connus pour souffrir d’une allergie et qui ont mangé quelque chose de nouveau dans un plat », raconte la nutritionniste. Ainsi, la chaîne est préparée à intervenir face au pire. Les rôtisseries St-Hubert proposent elles aussi des auto-injecteurs similaires.

Une occasion d’affaires
Gérer les risques au restaurant peut représenter une excellente occasion d’affaires, estime Sylvain Charlebois, chercheur et professeur au Laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire à l’Université Dalhousie, à Halifax. « Il faut comprendre que, sur un groupe, même si une seule personne a une allergie, on vient de perdre plusieurs clients », illustre-t-il. Et pour cause, 80 % des Canadiens qui sont aux prises avec une telle condition choisissent un lieu en fonction de leur sentiment de sécurité et de confiance envers ses méthodes, selon Allergies alimentaires Canada.
Un nombre croissant d’établissements prend d’ailleurs les allergies au sérieux, constate de son côté Mme Gadonneix. « En règle générale, les restaurants familiaux sont des pionniers en matière de remises en question de leurs procédés pour prévenir les réactions allergiques. Mais des formations continuent d’être demandées aujourd’hui dans l’hôtellerie, la restauration et les grandes chaînes. »
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