Le promoteur immobilier Henry Zavriyev devra débourser 216 000$ pour outrage au tribunal

Une entreprise que préside le promoteur immobilier Henry Zavriyev devra débourser 216 000 $ pour avoir négligé d’offrir certains services à ses locataires âgés dans la résidence privée pour aînés (RPA) Mont-Carmel, à Montréal.
« Ce n’est pas la victoire finale, mais c’est quand même un pas important », a déclaré en entrevue au Devoir la résidente Suzanne Loiselle, qui rappelle que plusieurs dossiers en dommages et intérêts réclamés par des locataires devront maintenant être tranchés devant le Tribunal administratif du logement.
« C’est une lutte qui est difficile parce qu’elle est longue, elle est éprouvante », tandis que les locataires aînés à l’origine de celle-ci ne rajeunissent pas, ajoute Mme Loiselle, tout de même satisfaite de la nouvelle étape franchie dans cette saga judiciaire.
Dans une décision rendue vendredi dernier, le juge de la Cour supérieure Daniel Urbas a détaillé les sanctions financières appliquées à l’entreprise dont M. Zavriyev est le président et le principal actionnaire, en lien avec les huit chefs d’accusation pour outrage au tribunal qu’il avait retenus au terme d’une décision rendue en mai dernier.
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Une soixantaine de locataires âgés de la RPA Mont-Carmel, au centre-ville de la métropole, avaient été déroutés de constater, en marge de l’acquisition pour 40 millions de dollars de ce bâtiment de 216 logements par M. Zavriyev, en 2021, la perte de plusieurs services liés au statut de résidence pour aînés.
Ils se sont alors tournés vers la Cour supérieure, qui leur a accordé à l’été 2022 une ordonnance de sauvegarde prévoyant que le promoteur devrait s’engager à maintenir dans ce bâtiment l’ensemble des services que se doit d’offrir une RPA.
« Un impact terrible » sur les résidents
Or, cette ordonnance, qui a été renouvelée par la suite, n’a pas été respectée par le propriétaire des lieux, a tranché la Cour supérieure.
Une personne n’était ainsi plus disponible en tout temps à la réception, ce qui a alimenté le sentiment d’insécurité de nombreux aînés, indique la décision de 50 pages rendue le 14 février. L’accès à une salle multifonctionnelle baptisée « salon de l’amitié » a d’ailleurs été bloqué pendant au moins un mois et demi, ce qui a plongé dans l’isolement des locataires qui dépendaient de cet espace commun pour se divertir et, surtout, avoir des relations sociales.
« Du jour au lendemain, le monde des résidents a basculé », indique la décision du juge Urbas, qui constate que les outrages au tribunal au cœur de ce dossier « ont affecté 63 résidents vulnérables qui ont subi la perte brutale de leur environnement social et la sécurité à laquelle ils avaient droit en vertu de la loi ». « Leur mode de vie a été relégué sans cérémonie et de façon abrupte à l’entreposage, pêle-mêle comme des objets jetés au rebut », ajoute le juge, qui a pris sa décision au terme de deux jours d’audience le mois dernier, dans le cadre desquels il a recueilli les témoignages de plusieurs locataires aînés du bâtiment, dont celui d’une femme de 88 ans.
« L’absence de salon de l’amitié a eu un impact terrible et matériel sur les résidents », renchérit le juge, qui note que la fermeture temporaire de ce lieu de rencontre a privé les locataires « du plus nécessaire des services disponibles dans une RPA : la compagnie d’autres personnes ayant des intérêts communs et leur amitié quotidienne ».
« L’impact que ça a eu sur les résidents sur le plan psychologique, sur le plan social, c’était comme de détruire un milieu de vie », raconte Suzanne Loiselle. « Ça a été une grande détermination à dire : “Ça ne passe pas” », ajoute-t-elle. Les locataires de l’immeuble sont depuis unis derrière l’objectif commun d’assurer le maintien des services d’une RPA dans cet immeuble, tout en pressant le gouvernement de mieux encadrer, à l’échelle de la province, les droits des locataires aînés, souligne-t-elle.
Le Devoir n’avait pas obtenu une réaction de la part de Henry Zavriyev au moment où ces lignes étaient écrites.
Ce dernier dispose de 30 jours pour verser la somme de 216 000 $, plus les frais de justice, auprès de l’État. À moins qu’il ne porte cette cause en appel.