Le projet de loi sur la pratique des nouveaux médecins au public ne va pas assez loin, disent des organismes

Un projet de loi de Québec veut obliger les nouveaux médecins fraîchement diplômés dans la province à pratiquer cinq ans au public.
Photo: iStock Un projet de loi de Québec veut obliger les nouveaux médecins fraîchement diplômés dans la province à pratiquer cinq ans au public.

Le projet de loi présenté par le gouvernement Legault, qui veut obliger les nouveaux médecins fraîchement diplômés au Québec à pratiquer cinq ans dans le réseau public, est « nettement insuffisant » pour contrer la présence du privé en santé, ont affirmé mercredi une clinique communautaire et différents organismes du milieu.

« Nous ne sommes pas contre le projet de loi 83. Or, on le qualifie de mesure cosmétique, parce qu’il y a d’autres enjeux plus graves et importants concernant l’incursion du secteur privé en santé », a souligné en point de presse Stéphane Defoy, organisateur communautaire à la Clinique de Pointe-Saint-Charles, à Montréal.

L’événement tenu en matinée regroupait aussi les Médecins québécois pour le régime public, le Collectif pour un Québec sans pauvreté, la Coalition solidarité santé, ainsi que l’Association des retraitées et retraités de l’éducation et des autres services publics du Québec (AREQ-CSQ). La conférence de presse a été organisée en marge des consultations au sujet du projet de loi, qui s’ouvrent jeudi à l’Assemblée nationale du Québec.

Selon le texte législatif, les médecins qui enfreindraient le règlement s’exposeraient à des amendes allant de 20 000 $ à 100 000 $ par jour et par acte. En cas de récidive, celles-ci seraient doublées. Ce projet de loi est une « première étape » pour favoriser l’exercice de la médecine au sein du réseau public, avait souligné en décembre le ministre de la Santé, Christian Dubé.

D’autres actions sont toutefois nécessaires pour réduire les « inégalités croissantes qu’entraîne la présence du privé dans les soins de santé », a soulevé Stéphane Defoy. « Ce qu’on veut, c’est la disparition du privé en santé. Mais ce qu’on constate, c’est que c’est tout le contraire qui arrive en ce moment. »

Parmi les pistes de solutions, les différents organismes suggèrent notamment de limiter à « tout au plus une seule fois par année » les allers-retours que peuvent faire les médecins entre le régime public et le privé. « Il n’existe pas au Québec une infinité de médecins. Plus il y en a qui pratiquent au privé, moins il y en a qui exercent au public. C’est ce qu’on appelle les vases communicants », a soutenu la Dre Juliette Lemieux-Forget, membre du conseil d’administration des Médecins québécois pour le régime public.

Une « incohérence » de la part de Québec

Après avoir déposé le projet de loi 83 le 3 décembre dernier, le ministre Dubé a annoncé le lendemain qu’il élargissait l’offre d’interventions chirurgicales pouvant se faire sans frais au privé, a rappelé l’organisateur communautaire Stéphane Defoy. « Ce n’est pas une porte ouverte au secteur privé, c’est une autoroute qu’on crée pour proposer des services dans le privé qui sont payés à même les budgets de la santé. »

Selon lui, le gouvernement a fait preuve « d’incohérence » en dévoilant cette mesure au sujet des opérations après avoir présenté un texte législatif pour favoriser l’exercice de la médecine au sein du réseau public.

Les différents organismes présents au point de presse ont également dit être inquiets de voir plusieurs groupes de médecine familiale (GMF) être détenus par des entreprises plutôt que par des médecins. « Leur raison d’être est de faire réaliser un maximum de profits à leurs investisseurs », s’est désolé Pierre Riley, membre du Comité de lutte en santé de la Clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles.

M. Riley a donc suggéré que l’obtention du statut de GMF et du financement soit conditionnelle au fait que les administrateurs soient en majorité des professionnels de la santé.

Joint par Le Devoir, le cabinet de Christian Dubé a soutenu que le projet de loi 83 ne constituait qu’une « première étape ». « Nous réfléchissons à différentes solutions, notamment concernant les allers-retours entre le public et le privé. Nous serons à l’écoute des commentaires des partenaires dans le cadre des consultations qui débutent demain. »

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