«Progression fulgurante» des plantes exotiques dans le parc national de la Gaspésie

Vingt-deux espèces de plantes exotiques ont été inventoriées dans le secteur du mont Logan (en arrière-plan), dans le parc de la Gaspésie.
Photo: P. Davignon Wikimedia Commons Vingt-deux espèces de plantes exotiques ont été inventoriées dans le secteur du mont Logan (en arrière-plan), dans le parc de la Gaspésie.

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Le parc national de la Gaspésie est un joyau de la nature québécoise. Ce territoire de 800 kilomètres carrés, comprenant les monts Chic-Chocs et McGerrigle, abrite une faune riche, dont le seul cheptel de caribous au sud du fleuve Saint-Laurent, mais également une flore exceptionnelle, vestige d’une époque plus froide et désormais révolue.

Ce bijou floristique, Anthony St-Jean a appris à le connaître et à le chérir. Durant l’été 2021, ce biologiste a parcouru les 205 kilomètres de sentier du parc national de la Gaspésie à la recherche des « plantes exotiques naturalisées » qui ont planté indûment leurs racines dans la terre québécoise.

« C’était un beau défi », résume le botaniste, qui était fraîchement diplômé du baccalauréat en biologie au début du projet. Plusieurs fois par semaine, de la mi-juin à la fin août, il se précipitait sur les chemins pédestres, armé de ses clés d’identification. « J’y allais beau temps mauvais temps », raconte-t-il.

Le travail de M. St-Jean, réalisé avec l’aide du professeur Luc Sirois de l’Université du Québec à Rimouski, a récemment fait l’objet d’une publication dans Le Naturaliste canadien. Les biologistes ont répertorié 107 espèces de plantes exotiques naturalisées dans le parc. Une « progression fulgurante », écrivent-ils.

Photo: Photos fournies par Anthony St-Jean Des plantes exotiques inventoriées : l’achillée millefeuille, la fléole des prés, le pissenlit officinal et la véronique à feuilles de serpolet

Jusque dans les années 1950, le parc de la Gaspésie hébergeait une flore intouchée. Avant que soit ouverte la route 299, qui traverse le parc, le tourisme y était marginal. On consignait alors seulement 11 espèces de plantes exotiques. Dans le secteur du mont Logan, un inventaire des années 1960 rapportait la présence d’aussi peu que 2 espèces exotiques.

Le long des sentiers et des routes, les plantes exotiques (amenées par les humains) et naturalisées (capables de produire une descendance viable) sont désormais légion. Quand il estime leur nombre, ne négligeant pas les foisonnantes herbacées, M. St-Jean arrive à 1,7 milliard d’individus.

Les plantes étrangères pointent leur nez à toutes les altitudes. Parmi les plus manifestes, on compte le pissenlit officinal, la véronique à feuilles de serpolet, ainsi que diverses espèces d’épervières. La plupart des colonies sont situées à proximité des sentiers, qui agissent comme des vecteurs de dispersion.

Quelles menaces sur la flore indigène ?

Le parc de la Gaspésie exerce une forte attraction sur les botanistes depuis longtemps, qu’on pense à John Macoun, à Merritt L. Fernald ou au frère Marie-Victorin. Sa flore unique comporte certaines espèces arctiques-alpines qui n’existent nulle part ailleurs à l’est des Rocheuses.

La mesure du « risque écologique » que peut représenter l’avancée de plantes exotiques dans le parc de la Gaspésie « est une question qui va bien au-delà de la présente étude », écrivent les auteurs de la publication scientifique, qui ont compté sur le soutien de la SEPAQ dans la réalisation de leur atlas.

« La notion de nuisance n’est pas aussi évidente que dans le cas de la berce du Caucase ou de la renouée japonaise », ajoute M. St-Jean en entrevue. Les plantes exotiques du parc gaspésien sont surtout présentes dans les milieux ouverts et perturbés, et elles ne se propagent pas largement dans l’arrière-pays pour l’instant.

Il reste qu’une des missions de la SEPAQ consiste à assurer la « conservation » de sites naturels « à caractère exceptionnel ». Ce sera donc à la société d’État de penser à un plan de match pour la suite.

« Au mont Washington, il y a eu des campagnes d’arrachage du pissenlit officinal dans les dernières années pour limiter la taille des populations, voire pour l’éradiquer totalement », précise M. St-Jean, dont le travail d’été de 2021 s’est mué en une maîtrise en biologie récemment achevée.

Dans l’esprit de ce botaniste, l’été 2021 aura laissé des souvenirs indélébiles. Des longues journées de randonnée, des nuits passées dans les refuges, des rencontres avec des marcheurs passionnés en forêt, il en parle avec passion. « Tant qu’il y a des plantes, je suis partant ! » lance-t-il quand on l’interroge sur la suite.

Photo: Photo fournie par Anthony St-Jean Anthony St-Jean était guide naturaliste pour la SEPAQ durant son projet de recherche.

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