Pourquoi pas une contre-mesure sur les produits culturels américains

Cet appel à la souveraineté du Canada par des contre-mesures tarifaires de 25 % sur des produits américains est très révélateur de notre intégration et de notre interdépendance économique avec les États-Unis. La liste de 1200 produits qui font l’objet de cette contre-mesure est en effet impressionnante : les produits ménagers, les électroménagers, les produits d’épicerie, le tabac, l’alcool, les produits de beauté et hygiéniques, les vêtements, les tapis, les pneus, les outils, le bois, les armes à feu, etc. Tout cela vise à mobiliser l’opinion canadienne contre les mesures du gouvernement Trump.

Avez-vous constaté qu’il n’y avait aucun produit culturel américain sur cette longue liste officielle ? À l’heure où il est de bon ton de parler de défense de la souveraineté, il n’est toujours pas envisagé de prendre des contre-mesures sur des produits culturels américains. Imaginez les effets d’une telle mesure, accompagnée d’un boycottage des produits américains, comme geste de solidarité des citoyens canadiens, qui sont eux-mêmes de grands consommateurs de la culture américaine : cinéma, musique, télévision, Netflix,
services en ligne, livres, etc.

Malheureusement, tout cela ne se fera pas, et ce, pour une raison bien simple. Pour mettre en place une contre-mesure culturelle et boycotter les produits américains, il faut avoir des options de remplacement. La culture canadienne-anglaise est aujourd’hui en parfaite symbiose avec la culture américaine ; il n’y a pas au plan culturel une somme de produits culturels ayant un véritable caractère particulier qui viendrait définir une identité canadienne. Un tel boycottage ne mobiliserait donc pas l’opinion publique canadienne. À l’heure du multiculturalisme et de l’État postnational, chaque Canadien a son identité propre.

Cela explique sans doute pourquoi le gouvernement canadien parle beaucoup de souveraineté, mais jamais de souveraineté culturelle…

Au moment où nos artistes, nos créateurs et nos organismes culturels québécois vivent des moments difficiles, ne serait-il pas opportun de faire, au Québec, un appel au boycottage des produits culturels américains ? Pourquoi, dans un vaste mouvement de solidarité, ne pas faire un appel pour susciter l’achat de produits culturels québécois et encourager la fréquentation des lieux de diffusion de la culture sur tout le territoire. Les Québécois ont la possibilité de le faire, puisqu’ils ont cette valeur refuge au plan identitaire : la culture québécoise. À défaut d’une souveraineté culturelle comme projet de société, pourquoi ne pas s’offrir un moment de souveraineté !