Pourquoi le bitcoin a-t-il battu des records en 2024 et y a-t-il un effet Trump?

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Le bitcoin avait déjà connu un bon début d’année, et il termine 2024 avec une autre envolée, ayant même franchi une barre symbolique il y a quelques semaines. L’occasion de refaire l’abc de la vedette des monnaies numériques et de la cryptosphère.
D’abord, le bitcoin
Le bitcoin est une monnaie numérique (dite cryptomonnaie) créée et gérée électroniquement. Introduite en janvier 2009 par une entité connue sous le pseudonyme de Satoshi Nakamoto, elle fonctionne sur la technologie de la blockchain, ou chaîne de blocs. Le Journal du Coin ajoute qu’il s’agit à la fois d’un protocole informatique et d’un réseau de paiement numérique.
L’objectif était de créer une monnaie numérique permettant les transactions directes entre les utilisateurs, sans intermédiaire financier. On parle d’une cryptomonnaie pair à pair, c’est-à-dire dont toutes les transactions se font entre des participants égaux et indépendants.
Cette technologie dans laquelle chaque bloc contient une liste de transactions est définie dans la littérature comme un système de registre décentralisé et distribué permettant un enregistrement sécurisé, transparent et infalsifiable des transactions à travers un réseau d’ordinateurs. Outre la décentralisation, ses principales caractéristiques sont l’immutabilité, la transparence et la sécurité.
Cette technologie s’est imposée comme l’infrastructure sous-jacente des cryptomonnaies, mais ses applications vont bien au-delà des monnaies numériques.
La crise financière de 2008, un catalyseur ?
Durant les années 1990, les monnaies numériques privées ont eu droit à de nombreuses expérimentations, mais le bitcoin est qualifié de première cryptomonnaie et reste la plus emblématique depuis. L’histoire retient que la crise financière de 2008, qui a eu comme point culminant la faillite de la banque d’affaires Lehman Brothers en septembre, a servi de catalyseur à sa création, motivée par l’idée de concevoir une option externe au système monétaire traditionnel.
D’ailleurs, les défenseurs et les adeptes de ces monnaies voyaient en elles un élément d’actif non corrélé au marché traditionnel et indépendant du système monétaire et financier réglementé. Voire une dimension « antisystème » ou une « valeur refuge » longtemps dévolues à l’or.
À titre d’indication, le 11 décembre dernier, la capitalisation boursière totale du marché crypto atteignait les 3600 milliards de dollars américains, selon CoinMarketCap. Avec sa capitalisation de 2000 milliards, le Bitcoin retient une part de marché de 55 %, suivi loin derrière par l’Ethereum et sa capitalisation de 460 milliards, qui lui confère une part de marché de 13 %. CoinGecko listait à la même date plus de 16 000 cryptomonnaies et 218 plateformes d’échange.
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Qu’entend-on par « minage » ?
Autre particularité technologique : le nombre total de bitcoins est limité à 21 millions. En date du 1er mars 2024, plus de 19 240 000 bitcoins avaient déjà été émis, souligne le Journal du Coin.
Les nœuds du réseau qui produisent des blocs sont appelés « mineurs ». Ils reçoivent des bitcoins en récompense de leur travail. En 2024, cette activité de minage a connu son quatrième halving. Cet événement consiste à diviser par deux la prime accordée aux « mineurs ». Ce mécanisme intervient grosso modo tous les quatre ans. Il a pour but de faire ralentir la production de nouveaux bitcoins. Il vise à limiter leur nombre total en circulation, voire à en renforcer la rareté, afin de maintenir ou d’accroître sa valeur.
Il en résulte un phénomène de rareté comparable à celui des métaux précieux, comme l’or, d’où la référence au « minage ».
Pourquoi cette poussée des adeptes ?
Selon l’étude de leur adoption à l’échelle mondiale réalisée par la firme Triple-A, le nombre de détenteurs de cryptos dans le monde s’élève à 562 millions en 2024. Cela ne représente, certes, que 6,8 % de la population mondiale, mais on observe une forte progression de 33 % en un an, souligne le Journal du Coin.
Concernant la répartition par continents, l’Asie arrive en tête du classement, regroupant à elle seule plus de la moitié des détenteurs de cryptomonnaies dans le monde. L’Amérique du Nord et l’Amérique du Sud complètent le podium, loin derrière, avec un poids de 13 % et de 10 % respectivement. Les plus grandes progressions sont toutefois observées en Amérique du Sud, en Océanie et en Europe.
Les causes de cette poussée ? D’abord, l’inflation, voire l’hyperinflation dans certains cas. « Depuis toujours, les actifs numériques ont connu une popularité accrue dans les pays les plus touchés par les hausses de prix. Avec une monnaie locale fortement dévaluée par l’inflation, les habitants se tournent vers les cryptomonnaies pour tenter de préserver leurs actifs et leur stabilité financière », suggère le Journal du Coin.
Ensuite, le resserrement réglementaire. « En apportant des règles claires, des normes mondiales et des responsabilités mieux définies, les régulations cryptos renforcent la sécurité pour les investisseurs. » La principale conséquence de l’application d’un cadre réglementaire prudentiel est l’entrée en scène des investisseurs institutionnels dans la cryptosphère et l’apparition de fonds négociés en Bourse (FNB) liés aux cryptoactifs.
Les réseaux sociaux et les médias traditionnels ont aussi joué un rôle dans la popularisation des actifs numériques en 2024. « Cette médiatisation provoque parfois la peur de rater une bonne occasion (ou FOMO en anglais, pour “fear of missing out”). »
Et spécifiquement pour 2024, mentionnons qu’historiquement, les halvings de Bitcoin ont toujours catalysé l’intérêt des investisseurs et provoqué un regain d’activité. Le halving d’avril 2024, comme les précédents, a aussi permis « de rééquilibrer le marché et d’attirer de nouveaux adeptes venus de tous horizons ».
Et l’effet Trump dans tout cela ?
Il faut préciser d’entrée de jeu que la marche du bitcoin vers les 100 000$US était déjà bien engagée avant l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis.
Un premier grand moment est venu en janvier 2024 : l’approbation, par la Securities and Exchange Commission (SEC, l’équivalent aux États-Unis de la Commission des valeurs mobilières), des premiers FNB Bitcoin au comptant.
Les données historiques révèlent également une tendance à une croissance explosive des prix du bitcoin lors de chaque événement de halving, selon un rapport de la firme d’analyse spécialisée CoinGecko. Son cours affichait, par rapport aux 43 600 $US du 1er janvier 2024, un bond de 54 % au 4 novembre. Puis un autre saut, de 50 %, s’est ajouté après la présidentielle américaine, pour un prix se maintenant au-dessus des 100 000$US au 13 décembre.
Donald Trump était plutôt cryptosceptique lors de son premier mandat, qualifiant les cryptomonnaies d’arnaque et y voyant une menace pour le dollar américain. Ce fut tout un revirement depuis ! Le président désigné manifeste désormais l’intention de créer une réserve stratégique de bitcoins aux États-Unis et de faire du pays le centre mondial des actifs numériques. Rien de moins !
Ce changement de cap et l’environnement réglementaire accommodant, voire la déréglementation qui doit en résulter, bénéficient à l’ensemble de l’industrie des cryptoactifs.
Selon un expert cité par l’agence Bloomberg, « nous aurons le président le plus favorable aux cryptomonnaies qu’aient connu les États-Unis ». Il a notamment promis de licencier celui qui était perçu par les défenseurs des monnaies numériques comme le plus grand ennemi de la crypto, Gary Gensler. Il n’aura pas à le faire, le président de la SEC démissionnera avant l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche. Son successeur choisi est l’avocat républicain Paul Atkins, un proche et partisan du secteur.
Bloomberg rappelle que Donald Trump et Melania Trump ont tous deux émis leurs propres jetons non fongibles. Et qu’il donne son appui au protocole de la finance décentralisée World Liberty Financial, dirigé en grande partie par ses fils Donald Trump Jr. et Eric Trump.
Sans oublier la présence d’Elon Musk dans l’entourage immédiat de M. Trump. Farouche défenseur des monnaies numériques, M. Musk s’est notamment fait remarquer dans l’industrie par son soutien apporté au dogecoin, créé en 2013… pour parodier le bitcoin.