Plaidoyer pour un meilleur encadrement des coops d’habitation

Actuellement, Québec intervient bien peu pour attraper les coops d’habitation qui contreviennent à la Loi sur les coopératives ou qui n’appliquent pas leurs règlements internes, remarque Patrick Préville.
Photo: Julien Forest Le Devoir Actuellement, Québec intervient bien peu pour attraper les coops d’habitation qui contreviennent à la Loi sur les coopératives ou qui n’appliquent pas leurs règlements internes, remarque Patrick Préville.
Le Devoir
Enquête

Un meilleur encadrement du processus de sélection des membres des coopératives d’habitation et la création de « points de contrôle » par l’État sont nécessaires pour prévenir des abus et faire en sorte que plus de logements abordables soient accordés aux personnes qui en ont vraiment besoin, estiment plusieurs acteurs du milieu.

« Les coopératives, à mon avis, jouissent de trop d’autonomie au niveau de la sélection » de leurs membres, relève l’avocat en droit du logement Manuel Johnson, qui a représenté plusieurs locataires de coopératives dans des litiges portés devant les tribunaux.

L’avocat suggère, comme moyen d’éviter que certaines coops favorisent des proches de leurs dirigeants ou des personnes d’une certaine classe sociale pour combler les logements qui se libèrent, que la sélection des membres des coopératives soit déléguée par Québec « à un organisme neutre et impartial » qui pourrait trier les candidatures suivant le modèle du guichet unique qui existe dans le réseau des services de garde éducatifs à l’enfance.

« Ça serait une solution très intéressante », indique-t-il, au moment où Québec est à la recherche de moyens d’améliorer le processus de sélection dans les coops, dont il reconnaît les lacunes. Une autre avenue consisterait à forcer les coopératives à adopter une politique de sélection et à mettre en place une forme de « surveillance externe » afin de s’assurer de son respect.

Des « points de contrôle » demandés

« Ça prend un règlement de régie interne et des règlements internes qui sont renforcés et, surtout, qu’on les suive, ces règlements-là — ce qui n’est de toute évidence pas le cas dans toutes les coopératives », convient lui aussi le directeur général de la Fédération de l’habitation coopérative du Québec, Patrick Préville.

Ce dernier constate qu’actuellement, le gouvernement du Québec intervient bien peu pour attraper les coops d’habitation qui contreviennent à la Loi sur les coopératives ou qui n’appliquent pas leurs règlements internes. « Le seul contrôle qui est fait, c’est lorsqu’un rapport annuel de la coopérative n’est pas envoyé au ministère [de l’Économie]. Ensuite, après un certain temps, souvent au bout de trois ans, un avis de non-conformité est envoyé, parfois un avis de radiation. On pense que c’est beaucoup trop long », soulève-t-il.

M. Préville propose donc que Québec crée des « points de contrôle » afin de prendre les coopératives qui « ne sont pas en conformité avec les différentes lois » auxquelles elles sont assujetties. Il conclut ainsi que la surveillance actuellement exercée sur les coops est insuffisante.

Formation et médiation

Véronique Lamarre-Tremblay, qui siège au conseil d’administration d’une coopérative de Montréal, relève pour sa part l’importance d’offrir plus de formation aux nouveaux venus des coopératives. « La plupart des coops, incluant leurs administrateurs, ne sont pas éduquées à ce que ça devrait être, une coop, avec toute la biodiversité que ça prend », cette forme d’organisation se voulant accessible à différents types de locataires, pourvu que ceux-ci soient prêts à s’impliquer dans la vie communautaire et à réaliser diverses tâches au sein de la coopérative, explique-t-elle.

Or, « si on n’a pas une bonne compréhension des concepts de conflit d’intérêts ou de conflit de rôles, en termes de gouvernance, on va prendre de mauvaises décisions », souligne M. Préville, qui constate lui aussi « qu’il manque cruellement de formation dans les coopératives ». « Il n’y a pas de transmission des savoirs, et c’est souvent là que le bât blesse. »

Patrick Préville rappelle cependant que la « grande majorité » des coopératives du Québec sont en santé. Ce qui fait souligner à l’avocat Manuel Johnson l’importance de ne pas jeter « le bébé avec l’eau du bain ». « Si on regarde de façon réaliste les problèmes de fond dans le fonctionnement des coopératives, je suis convaincu qu’on peut trouver des solutions qui vont être bonnes pour les coopératives et le mouvement coopératif et bonnes pour les membres locataires qui ont présentement des difficultés », soutient-il.

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