Le personnel scolaire du Nunavik au bout du rouleau

Au Nunavik, une cinquantaine de postes d’enseignants sont à pourvoir, selon le tableau de bord du ministère de l’Éducation.
Photo: Jessica Nadeau Archives Le Devoir Au Nunavik, une cinquantaine de postes d’enseignants sont à pourvoir, selon le tableau de bord du ministère de l’Éducation.

Les employés de la Commission scolaire Kativik sont au bout du rouleau. Leur convention collective est échue depuis près de deux ans et les négociations achoppent en vue de clore ce dossier. Pendant ce temps, les défis de rétention du personnel scolaire au Nunavik sont accentués par les conditions salariales et de travail plus intéressantes dont disposent depuis l’an dernier les employés du réseau œuvrant dans le sud de la province.

Si une pénurie de personnel se fait sentir à l’échelle du Québec dans le réseau de l’éducation, elle est particulièrement aiguë au Nunavik, le tableau de bord du ministère de l’Éducation faisant état d’une cinquantaine de postes d’enseignants à pourvoir au sein de la Commission scolaire Kativik, soit 9,4 % d’entre eux. À l’échelle de la province, ce pourcentage s’élève à 1,9 %.

Cette même commission scolaire faisait état, en date du 8 janvier, de 23,4 % de postes vacants pour le personnel de soutien, soit quatre fois plus que la moyenne provinciale (5,6 %). L’écart est moins grand pour le personnel professionnel, où la pénurie se fait le plus sentir à l’échelle de la province, avec 12,8 % de postes à pourvoir. Ce pourcentage atteint 17,6 % au Nunavik.

Dans ce contexte, le personnel de soutien scolaire réclame que les primes de rétention et d’attraction ainsi que celles vouées à la location d’un logement, mises en place en marge de l’adoption de la dernière convention collective des employés du réseau scolaire du nord de la province, en 2022, soient révisées à la hausse. Or, cette demande syndicale fait l’objet d’une impasse à la table de négociation avec le Conseil du trésor et la Commission scolaire Kativik.

« On veut que ces primes soient bonifiées parce que si on retourne dans le temps, en 2001, il y a des primes qui ont été accordées aux enseignants et ces primes sont restées à la même hauteur ; elles n’ont jamais été bonifiées. On ne veut pas que la même chose arrive avec les primes qu’on a obtenues aux dernières rondes de négociation [pour le personnel de soutien scolaire]. Parce qu’évidemment, ces primes-là, au fil des années, elles perdent de la valeur », explique en entrevue le président de l’Association des employés du Nord québécois, affilié à la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), Larry Imbeault.

Les enseignants réclament pour leur part la création de journées de congé auxquelles ils pourraient avoir recours lorsque des problèmes de distribution d’eau potable — un enjeu majeur dans la région — viennent bouleverser leur quotidien.

« Ce qu’on demande pour les profs, c’est que lorsque tu n’as pas d’eau depuis trois jours, tu puisses prendre une journée de force majeure pour t’absenter et rester à la maison. Quand ça fait trois jours que tu n’as pas pris ta douche, tu n’as pas nécessairement envie d’aller travailler », lance M. Imbeault.

De nouvelles grèves envisagées

Le coût de la nourriture et de nombreux biens est d’autre part nettement plus élevé au Nunavik qu’il ne l’est au sud de la province, où le personnel de l’éducation a vu ses conditions salariales être bonifiées à la suite des ententes de principe conclues par le Front commun et la Fédération autonome de l’enseignement.

« Si la commission scolaire veut attirer du monde, il faut qu’elle ait des conditions de travail intéressantes », martèle M. Imbeault, qui constate que la majorité des enseignants dans sa commission scolaire sont non légalement qualifiés. Parfois, « c’est le conjoint de la personne qui est enseignante qui travaille [à ce titre] même s’il n’a aucune qualification » dans le milieu, lance-t-il.

Or, « c’est très difficile d’attirer quelqu’un dans le nord alors qu’il y a une pénurie partout dans le sud », qui offre de surcroît de meilleures conditions de travail, constate, lui aussi, le président de la Fédération des professionnelles et professionnels de l’éducation du Québec, Jacques Landry. « Ceux qui vont rester [au Nunavik], ce sont ceux qui ont le moins de qualifications. »

À bout de souffle, les enseignants de la Commission scolaire Kativik ont d’ailleurs mené une grève de trois jours à la mi-janvier afin de réclamer de meilleures conditions de travail. Une carte dont n’hésiteront pas à user, si cette impasse persiste, le personnel de soutien scolaire et le personnel professionnel de cette organisation, ont indiqué au Devoir les syndicats concernés.

« C’est sûr que s’il ne se passe rien, il faut donner un électrochoc » pour faire avancer ces négociations, estime Jacques Landry.

« C’est inacceptable » qu’autant de temps soit nécessaire pour signer une convention collective, renchérit le président de la Fédération du personnel de soutien scolaire, Éric Pronovost, qui impute à la Commission scolaire Kativik la lenteur de ces négociations avec Québec. Celle-ci n’a pas voulu commenter, « car les négociations sont toujours en cours ».

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