Au Pérou des superlatifs

Carolyne Parent
Collaboration spéciale
En bordure du Yanayacu, un affluent de l’Amazone
Photo: Carolyne Parent En bordure du Yanayacu, un affluent de l’Amazone

Ce texte fait partie du cahier spécial Plaisirs

Chez les Kukamas-Kukamirias d’Amazonie, tout est très haut, archivert, ultragros et à protéger.

Ça sent l’humidité. La bourgade oubliée. L’aventure à plein nez. Située dans le nord-est du Pérou, Iquitos est la plus grande localité au monde non accessible par la route. Uniquement desservie par voies fluviale et aérienne, elle est aussi la principale antichambre de l’Amazonie péruvienne, notre destination.

Huit pays et un territoire français d’outre-mer se partagent la forêt amazonienne, le plus vaste réservoir de biodiversité de la planète. Le Brésil en abrite environ 60 % ; le Pérou, près de 13 % sur… 60 % de son territoire. Nous en explorerons une petite partie, dans les parages de la réserve nationale Pacaya Samiria, un bout de jungle qui pourrait contenir deux îles d’Anticosti et demie.

Au port de Nauta, nous apercevons le Zafiro, qui vogue vers nous sur la Marañón, une branche mère de l’Amazone. Il a fière allure. Il a surtout le mérite d’avoir une capacité maximale de 40 passagers et d’appartenir à une entreprise locale, Jungle Experiences. De décembre à mai, gonflé à bloc par la pluie et la fonte des neiges andines, l’Amazone honorera sa réputation de plus important fleuve du monde pour son débit. Des hauts sommets des Andes péruviennes, où il prend sa source, il se ruera à toute vapeur sur l’océan Atlantique, au nord du Brésil — un trajet de quelque 6400 kilomètres. Mais en cette saison de basses eaux, il s’avère un long fleuve tranquille sur lequel il nous tarde de naviguer.

Photo: José Vallejo pour PromPerú Le « Zafiro » voguant sur l'Amazone

Les « Big Five » amazoniens

« Toc, toc, toc », fait le guide naturaliste Hulber Paredes à la porte de notre cabine. Il est six heures, et nous sommes attendus dans une petite demi-heure pour une excursion d’observation de la faune. Tout comme en safari africain, ces sorties sont programmées tôt le matin ou à la tombée du jour, car les animaux sont alors plus actifs et faciles à voir. À bord d’un petit bateau à moteur, nous cabotons sur le río en quête de… On verra bien !

« Au-delà des grandes aigrettes ! Là-haut, à la jonction du tronc de l’arbre et de sa plus grosse branche ! » lance le naturaliste. Grâce à nos jumelles, le ficus, puis la bête, un gros nounours, sont aisément repérés. Au cœur de son « garde-manger », le paresseux à trois doigts se meut au ra-len-ti, sans doute à la recherche d’une savoureuse feuillée. Quelle sublime apparition…

« Le paresseux est l’un des animaux les plus populaires de la jungle, note M. Paredes. C’est un de nos “Big Five”, comme son prédateur, la harpie féroce, le caïman, l’anaconda et la loutre géante. Mais puisque chacun vient ici avec sa “liste”, le jaguar pourrait aussi y figurer. » La nôtre comprend plutôt un rare dauphin rose d’eau douce… Nous reprenons la navigation, et à la jonction des rivières Marañón et Yanayacu, tadam ! : quelques Flipper timides, certains gris, d’autres ayant l’air d’avoir attrapé un coup de soleil, affleurent à la surface de l’eau. Décidément, on a le vent derrière !

Photo: José Vallejo pour PromPerú L'anaconda, l'un des « Big Five », selon le guide naturaliste Hulber Paredes

Au cours des quatre jours que nous passerons ensemble, notre guide nous rappellera souvent son rôle : instruire les touristes et les siens de l’importance de protéger la nature. « Sinon, on n’en aura plus, de jungle. » Au retour d’une randonnée, il nous confiera d’ailleurs : « Vous savez, cet anaconda qu’on vient de voir, il y a 50 ans, mes ancêtres l’auraient probablement tué. »

Un tourisme durablement humain

Braconnage, coupe d’arbres précieux, exploitation minière, extraction pétrolière… Les périls sont nombreux pour le « poumon du monde » et ses habitants. Dans les années 1960, Iquitos a vécu un boum du pétrole. Un siècle plus tôt, elle a connu la fièvre du latex, aux conséquences tragiques. Dans la foulée de la découverte de Charles Goodyear et pendant 50 ans, à partir des années 1860, « les puissants barons du caoutchouc ont réduit à l’esclavage de nombreuses tribus et des milliers d’hommes sont morts », raconte Usiel Vasquez, un collègue de M. Paredes. Cette main-d’œuvre leur était nécessaire pour entailler les « arbres qui pleurent », les hévéas.

Entre nos virées dans la vertigineuse « cathédrale » verte, nous rendons visite aux communautés riveraines. Avec les Kukamas-Kukamirias, nous apprenons à protéger des œufs de tortue convoités en les enfouissant dans le sable. Nous libérons aussi les papillons d’une ferme d’élevage et plantons de jeunes palmiers aguaje, à grande valeur écosystémique. Ce sont des activités qui sortent de l’ordinaire et qui sont enrichissantes pour nous comme pour leurs responsables, que Jungle Experiences rétribue. Elles facilitent également notre contact avec les habitants — un contact qui ne se résume pas qu’à l’achat de leur bel artisanat…

Photo: Carolyne Parent Un villageois explique aux visiteurs comment bien enfouir dans le sable les œufs des tortues d'eau douce, un délice recherché, paraît-il.

Au pueblo Veinte de Enero, ainsi nommé par les missionnaires qui l’ont fondé un 20 janvier, Antonio Dos Santos, 73 ans, a l’œil vif de celui qui a vu pleuvoir. Comment allez-vous, señor ? La vie est belle ? « Oui, on vit tranquilo ici, mais il y a trop de soleil, dit-il. La terre sèche, les tomates ne poussent plus et il y a moins d’eau dans le río, moins de poissons. » Un ange passe. On a envie de lui dire que nous sommes tous dans le même bateau, mais ça, il le sait déjà. On lui souhaite plutôt que revienne vite la pluie, la vie !

Carolyne Parent était l’invitée de PromPerú, qui n’a eu aucun droit de regard sur ce texte.

Infos pratiques

Le navire : pour qui souhaite écouter le formidable concert de la jungle le soir, le Zafiro a l’avantage d’être doté de cabines avec balcon. Mention spéciale pour sa fine cuisine locale. Jungle Experiences exploite également deux bateaux plus petits, moins luxueux, dont Amatista. Il nous a rappelé le bateau de Fitzcarraldo ! Le film culte de Werner Herzog sur le projet fou d’un baron du caoutchouc a été tourné à Iquitos et dans les parages de la croisière.

Les bonnes saisons : de décembre à mai, les eaux sont hautes (et très hautes en mars et en avril). Le territoire étant inondé, on peut pénétrer profondément dans la jungle en canot ou en kayak et y apercevoir des espèces animales qu’on ne verrait pas autrement. Entre janvier et mars, les oiseaux migrateurs arrivent. De juin à novembre, les eaux sont basses, on s’aventure à pied sous la canopée et on y est au plus près de la tarentule et de l’anaconda.

L’indispensable prophylaxie médicale : un puissant chasse-moustiques, à vaporiser sur des vêtements légers couvrant bras et jambes.

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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