Peine de prison réduite de moitié pour un agresseur sexuel ayant une déficience intellectuelle

La peine de prison d’un homme condamné pour agression sexuelle sur un enfant a été réduite de moitié par la Cour d’appel. Dans une décision rendue cette semaine, le plus haut tribunal québécois a estimé que le juge initial a erré parce qu’il n’a pas tenu compte de la déficience intellectuelle du délinquant avant de lui imposer sa peine.
La Cour a ainsi décidé d’intervenir pour faire passer la durée d’incarcération de six à trois ans.
L’accusé souffre de déficience intellectuelle depuis son enfance, à laquelle s’ajoutent des troubles du langage. Il a toujours été inapte au travail en raison de ses limitations cognitives. Bien qu’il ait fréquenté l’école, il en fut retiré à l’âge de 16 ans, âge auquel il aurait atteint une scolarité équivalente au niveau primaire. Il n’a pas d’ordinateur et ne serait pas en mesure d’en utiliser un. Il dépend de ses parents et a toujours habité avec ceux-ci, résume la Cour dans sa décision.
Il a été reconnu coupable de diverses infractions, dont celle d’avoir forcé son neveu mineur à lui faire des fellations.
Vu sa déficience intellectuelle, un rapport psychiatrique a été demandé. La psychiatre qui l’a évalué a conclu à « un retard intellectuel modéré », mais a jugé qu’il pouvait discerner le bien du mal : ainsi, il ne pouvait pas demander à être déclaré non criminellement responsable en raison de troubles mentaux.
Le juge a conclu que la « culpabilité morale » de l’appelant est « très élevée », et ce, malgré sa déficience intellectuelle, qu’il traite comme un facteur « neutre » — c’est-à-dire un facteur qui n’est ni aggravant ni atténuant — dans son exercice visant à déterminer la peine à lui imposer. Il interprète que sa déficience ne comporte pas de grandes limites cognitives qui pourraient avoir un impact sur sa culpabilité morale.
En évaluant toute l’affaire, la Cour d’appel rappelle que « la déficience intellectuelle ou un trouble mental peut contribuer aux choix que fait un délinquant et [influencer] sa capacité à apprécier toutes les conséquences et le mal causé par sa conduite, ce qui peut influer sur sa culpabilité morale et, par conséquent, sur sa peine ».
Selon la Cour, le juge s’est fié au rapport de la psychiatre qui qualifiait le retard intellectuel de « modéré », mais y a donné le sens commun du dictionnaire qui est « peu intense » ou « assez faible ».
Or, l’expression « retard intellectuel modéré » est plutôt un « terme d’art propre à la psychiatrie » qui ne signifie pas que le retard intellectuel ici soit « assez faible », « bien au contraire », souligne la Cour d’appel.
Dans un cas d’une déficience intellectuelle modérée, l’individu concerné ne perçoit pas toujours correctement les signaux sociaux et son jugement est plus limité et restreint, comme le sont d’ailleurs ses habiletés décisionnelles, rectifie la Cour. L’accusé ne comprend pas forcément la portée et les conséquences sur autrui des gestes qu’il pose. Par exemple, l’accusé a indiqué qu’il n’y a pas de conséquences s’il ne dit pas la vérité, et ce, même « s’il a juré sur la tête de sa mémère ». Il s’agit là d’une illustration de sa capacité fort restreinte à comprendre adéquatement les conséquences de ses actions, peut-on lire dans la décision de la Cour.
Ainsi, sa culpabilité morale ne saurait être évaluée de la même façon. Le juge aurait dû en tenir compte, et la peine devrait être moindre que celle imposée à un délinquant qui a commis les mêmes gestes, mais qui ne souffre pas d’une déficience intellectuelle. Une peine de trois ans est appropriée ici, conclut la Cour.