Des organismes de prévention des surdoses au pied du mur

« Dans le contexte actuel, nous ne pouvons pas nous permettre de telles pertes de services. Une action immédiate de votre part est nécessaire », écrit le député solidaire Guillaume Cliche-Rivard dans une lettre adressée au ministre Christian Dubé.
Photo: Jonathan Hayward La Presse canadienne « Dans le contexte actuel, nous ne pouvons pas nous permettre de telles pertes de services. Une action immédiate de votre part est nécessaire », écrit le député solidaire Guillaume Cliche-Rivard dans une lettre adressée au ministre Christian Dubé.

Quatre organismes spécialisés dans la prévention des surdoses se préparent à annuler des activités et à mettre du personnel à la porte. À près d’un mois de la fin de l’année financière, ils n’ont toujours pas reçu leurs subventions annuelles du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS).

« Cette situation met en péril la continuité de nos services essentiels en matière de prévention des surdoses », écrit le Groupe de recherche et d’intervention psychosociale (GRIP) dans une lettre transmise au ministre de la Santé, Christian Dubé, le 7 février dernier.

Le GRIP s’installe dans les festivals durant la haute saison avec une unité mobile qui permet aux consommateurs de drogues de vérifier le contenu des substances. Un service compromis par l’attente en vain d’une subvention de 450 000 $. Six de ses employés risquent de perdre leur poste cet été.

Au moins trois autres organismes de prévention des surdoses sont dans la même situation : l’Association québécoise des centres d’intervention en dépendance (AQCID), l’Association des intervenants en dépendance du Québec (AIDQ), ainsi que l’Association québécoise pour la promotion de la santé des personnes utilisatrices de drogues (AQPSUD).

Dimanche, Québec solidaire a interpellé à son tour le ministre Dubé par écrit pour le presser d’agir. « Dans le contexte actuel, nous ne pouvons pas nous permettre de telles pertes de services. Une action immédiate de votre part est nécessaire », écrit le député de QS Guillaume Cliche-Rivard dans une lettre transmise depuis au Devoir.

Les organismes en question « vont sous peu se retrouver en situation de bris de services en raison de retards répétés dans la confirmation et le versement de leur financement de la part de votre ministère », déplore-t-il.

Interdit de dépenser avant l’arrivée des subventions

Selon la directrice générale de l’Association des intervenants en dépendance du Québec (AIDQ), les subventions arrivaient déjà « tardivement » les années précédentes, soit à la fin de l’été ou à l’automne. Cette année, les fonds ne sont jamais arrivés. « Nous sommes dans l’insécurité la plus complète », résume Sandhia Vadlamudy.

À l’AIDQ, le budget manquant est de 1,6 million de dollars et jusqu’à 16 postes pourraient être abolis dans les prochains jours. L’organisme offre différentes formations sur les surdoses aux intervenants, mais aussi aux proches des consommateurs. Il travaille aussi à la réinsertion professionnelle d’ex-consommateurs.

Pour poursuivre ses activités ces derniers mois, l’AIDQ a puisé dans des fonds qu’il avait accumulés dans le passé en tablant sur le fait qu’il serait remboursé par le gouvernement plus tard. Or dans une lettre envoyée au ministre de la Santé, Mme Vadlamudy dit avoir été informée qu’à compter du 1er avril, il ne leur serait plus possible de dépenser tant que les subventions ne seraient pas « confirmées » par écrit.

Une pratique insoutenable, plaide-t-elle. « Considérant que ces lettres [de confirmation] nous sont historiquement acheminées entre le mois d’août et le mois de décembre, cela nous force à arrêter toute activité pendant plusieurs mois et à mettre à pied le personnel qui y est associé. Il faudra réembaucher le personnel et démarrer les activités, il est clair que c’est un cycle impossible à tenir et que cette façon de faire sonne la fin de ces activités. »

L’AIDQ roule sur du financement par projets et n’a pas de budget de fonctionnement, précise-t-elle.

Financement par projets

L’AIDQ n’offre pas de services directs à la population, mais son rôle n’en est pas moins essentiel dans l’écosystème, souligne-t-elle aussi.

La nature des substances consommées change constamment, illustre-t-elle en exemple. « Si les intervenants ne sont pas au fait de cette évolution-là, ne connaissent pas les meilleures pratiques pour chacune des substances, on risque d’offrir de mauvaises pistes aux usagers et que ça finisse en surdose et potentiellement en surdose mortelle. »

À l’Association québécoise des centres d’intervention en dépendance (AQCID), deux postes sont en jeu pour un montant de 275 000 $. L’organisme basé à Trois-Rivières fait notamment de la prévention dans les milieux scolaires.

À l’AQPSUD, 670 000 $ manquent, ce qui compromet la moitié des salaires de dix personnes. Cet organisme distribue de la naloxone et des guides d’information dans les milieux à risque et organise des groupes de discussion entre usagers.

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