La CAQ veut limiter l’arsenic émis par la fonderie Horne à 15 ng/m³... d’ici 5 ans
La Coalition avenir Québec (CAQ) veut forcer la Fonderie Horne à limiter ses rejets d’arsenic dans l’air à 15 nanogrammes par mètre cube (ng/m3), mais seulement dans 5 ans, à l’échéance de sa prochaine attestation d’assainissement.
Le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, était à Rouyn-Noranda lundi pour présenter les principales exigences à imposer à la fonderie. Le gouvernement caquiste compte ainsi imposer à la fonderie la même norme d’émission d’arsenic que le seuil jugé « acceptable » par la Santé publique la semaine dernière.
Ce nouveau plafond de pollution sera intégré dans la prochaine attestation d’assainissement que Québec doit délivrer à Glencore, la multinationale suisse propriétaire de la fonderie. L’entente actuelle permet aux émissions de la fonderie d’atteindre une moyenne annuelle de 100 ng/m3, soit 33 fois plus que la norme québécoise de 3 ng/m3.
L’imposition du standard québécois actuel à l’usine ouverte en 1927 est « impossible », selon le ministre. « Pour la très grande majorité de la population de Rouyn-Noranda », soit celle qui n’habite pas aux abords de la fonderie, « on sera aux alentours de 3 ng/m3 », a-t-il défendu.
Qui plus est, il a exigé que les responsables de la fonderie lui « présentent un plan », une « vision à plus long terme » pour atteindre un jour la norme québécoise.
La Fonderie Horne a d’ailleurs commenté ce qu’elle appelle « les orientations » du ministre. « Nos équipes et nos partenaires sont pleinement mobilisés autour d’un projet de transformation majeur, qui fera de la Fonderie Horne l’une des plus efficientes au monde », a répondu par communiqué la direction de l’usine. « Nous poursuivons nos efforts pour répondre aux exigences qui figureront à notre prochaine attestation d’assainissement, comme nous l’avons toujours fait. Notre plan d’action sera partagé avec vous dans les jours à venir. »
Les dirigeants de Glencore affirment ne pas avoir été mis au courant de l’annonce de lundi préalablement.
Cibles intermédiaires
Québec compte imposer des « cibles intermédiaires » d’ici à ce que la fonderie atteigne cette cible de 15 ng/m3 dans 5 ans, soit au terme de cette nouvelle attestation.
« On n’acceptera pas que durant les années 1-2-3-4, on soit encore à 100 [ng/m3]. On voudra voir des résultats probants bien plus rapidement », a soutenu le ministre Charette. Il n’a pas détaillé la teneur de ces « cibles intermédiaires », prétextant « [attendre] toujours les propositions de la fonderie ».
Une consultation publique en ligne entre le 6 septembre et le 20 octobre doit aussi alimenter les réflexions de son ministère à ce sujet. Une séance d’information « en présentiel » permettra aussi aux citoyens de Rouyn-Noranda de faire valoir leurs critiques. « Il faut laisser le temps de mettre en place les différentes mesures », a ajouté M. Charette.
Le ministre n’a d’ailleurs pas fermé la porte à une aide financière à la Fonderie pour lui permettre d’atteindre cette nouvelle norme.
Benoit Charette a également « mis cartes sur table » à propos des autres exigences qu’il prévoit édicter. Québec obligera la fonderie à plafonner ses émissions polluantes pour d’autres polluants que l’arsenic — le plomb et le cadmium, notamment. Des normes quotidiennes seront aussi imposées. Le ministre Charette n’a cependant pas détaillé la teneur de ces nouvelles concentrations acceptables.
Le « parc des stations d’échantillonnage » doit être agrandi, a-t-il nuancé, de façon à mieux suivre les rejets toxiques de la fonderie. Il a évoqué un suivi « 360 », soit tout autour de l’immense complexe métallurgique.
L’entente entre Québec et la Fonderie Horne doit être signée d’ici la fin de l’année, soit après les élections provinciales prévues le 3 octobre.
Québec solidaire exige plus
De passage dans la région, le porte-parole de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, a répliqué au ministre dans les minutes suivant l’annonce : la cible de 15 ng/m3 doit devenir une cible « intermédiaire » atteinte dans la prochaine année, selon lui.
« Un gouvernement solidaire exigera que l’entreprise respecte la norme nationale de 3 ng/m3 d’arsenic dans un premier mandat, a-t-il ajouté. C’est inadmissible en 2022 de permettre à une multinationale étrangère de polluer cinq fois plus l’air à Rouyn-Noranda qu’ailleurs au Québec. »
C’est inadmissible en 2022 de permettre à une multinationale étrangère de polluer cinq fois plus l’air à Rouyn-Noranda
Face au ministre qui qualifie d’irréaliste d’imposer cette norme à brève échéance, Gabriel Nadeau-Dubois affirme que « quand on n’essaie même pas, c’est sûr que ce n’est pas réaliste ». « Les technologies existent. La fonderie peut, par exemple, diversifier son approvisionnement et diminuer ses émissions d’arsenic », plaide-t-il. Son parti politique propose de suivre les recommandations de la Santé publique pour les autres types de polluants.
Risques de cancers
Il y a quelques semaines, un rapport de l’INSPQ révélait que, sur une période de 70 ans, entre 1 et 14 résidants de Rouyn-Noranda de plus développeraient un cancer si l’entreprise Glencore ne diminue pas la quantité d’arsenic émis dans l’air par la Fonderie Horne.
Avec le nouveau seuil d’arsenic proposé mercredi dernier par la Santé publique et proposé lundi par le ministre, le risque de cancer serait de « 3 cas pour 100 000 habitants sur 70 ans » si les normes sont respectées pour les émissions de nickel et de cadmium. Le directeur national de santé publique, le Dr Luc Boileau, avait indiqué que « ce seuil [de 15 ng/m3] permet de protéger solidement la santé des bébés à naître et des enfants en bas âge » et de réduire les risques pour l’ensemble de la population de développer un cancer du poumon.
Selon l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), le « risque inacceptable » correspond à « 10 cas sur 100 000 habitants ».
Avec La Presse canadienne