Northvolt se protège de ses créanciers

Face à un manque criant de liquidités, Northvolt a demandé à se placer à l’abri de ses créanciers aux États-Unis jeudi. Le projet en Montérégie, élément phare de la filière batterie au Québec, tient le coup pour l’instant.
La rumeur qui courait depuis des jours a été confirmée. Le fabricant suédois de batteries se tourne vers le chapitre 11 de la Loi américaine sur les faillites pour se restructurer. Le processus lui permettra de continuer à fonctionner et lui donnera un peu de temps pour renflouer ses coffres.
Par communiqué, l’entreprise a annoncé que cela devrait lui permettre d’aller chercher 245 millions $US en nouveau financement.
Depuis plusieurs mois, Northvolt accumule les problèmes. Cet été, les enjeux de production à son usine de Skellefteå, dans le nord de la Suède, lui ont fait perdre une commande avec le géant allemand BMW de près de 3 milliards de dollars canadiens. Puis, en septembre, l’entreprise a annoncé le licenciement de 20 % de sa main-d’oeuvre mondiale.
Le projet au Québec continue
La nouvelle a fait réagir à Québec, alors que les difficultés actuelles du fabricant font craindre pour l’avenir de son projet d’usine en Montérégie, qui avait été annoncé en grande pompe il y a un an à peine.
« Il y a des liquidités en ce moment qui sont suffisantes pour assurer le maintien des activités de Northvolt au Québec pour 18 mois », a souligné la ministre de l’Économie, Christine Fréchette, quelque temps après l’annonce.
De son côté, le p.-d.g. de Northvolt Amérique du Nord, Paolo Cerruti, a souligné par communiqué que « le plan d’exécution de la construction du site se poursuit avec diligence et prudence ».
« Nous restons pleinement engagés à le mener à bien », dit-il.
Des fonds publics à risque
Jusqu’à maintenant, le gouvernement du Québec a injecté 510 millions de dollars dans l’entreprise — une partie sous la forme d’un prêt remboursable de 240 millions pour l’achat du terrain, l’autre en obligation non garantie convertible de 270 millions dans la société mère.
Ce dernier montant de 270 millions est celui « le plus à risque », a reconnu la ministre de l’Économie.
La Caisse de dépôt et placement du Québec a, elle aussi, octroyé 200 millions de dollars en dette convertible dans la société mère. La ministre a refusé de se prononcer sur le sort des sommes investies par l’institution.
Le gouvernement fédéral, lui, n’a pas encore mis un sou.
« Ce qui arrive à Northvolt, ce n’est pas la fin de la filière batterie au Québec », assure la ministre Fréchette. L’élue a réitéré que le gouvernement québécois ne réinjecterait pas de nouvel argent dans l’entreprise tant qu’elle n’aura pas satisfait à certains « critères », qui ne sont toutefois pas rendus publics.
Legault « swing dans le beurre »
« Il est plus que temps que la [Coalition avenir Québec] arrête de jouer à la roulette avec l’argent durement gagné des Québécois ! » a réagi le porte-parole de l’opposition officielle en matière d’économie, Frédéric Beauchemin, qui demande que « la lumière soit faite sur la réelle valeur » des investissements du Québec dans l’entreprise.
« Le gouvernement ne peut pas nier que si la maison mère tombe, que si le processus de restructuration n’est pas réussi, ça va avoir des impacts qui sont encore inconnus quant à l’investissement au Québec », a pour sa part souligné le député péquiste de Jean-Talon, Pascal Paradis.
Mercredi, en Chambre, le premier ministre François Legault avait réitéré que ce qui compte en affaires, « c’est la moyenne au bâton ». « Bien là, il est en train magistralement de swinger dans le beurre. Cette affaire-là, […] c’était mal ficelé, ça tourne à l’eau de vaisselle », a raillé le député de Québec solidaire Vincent Marissal, jeudi.
Avec François Carabin
Combien d’argent a été promis en tout ?
En septembre 2023, lors de l’annonce du projet, Québec et Ottawa ont respectivement promis 1,34 milliard et 1,37 milliard à Northvolt pour bâtir son projet d’usine de batteries en Montérégie.
En plus de cette enveloppe de départ, les deux ordres de gouvernement ont promis des « incitatifs à la production » de 4,6 milliards de dollars qui seraient disponibles une fois l’usine en activité. Les deux tiers de ces incitatifs seraient versés par Ottawa, et le tiers restant par Québec.