Le mouvement pour le droit de réparer les produits brisés ou défectueux prend de l’ampleur

Le mouvement pour le droit aux réparations des produits brisés ou défectueux prend de l’ampleur au pays. Ses défenseurs souhaitent que les objets soient plus faciles à réparer à la maison afin d’éviter qu’ils ne se retrouvent trop rapidement dans les sites d’enfouissement de déchets.
Depuis quelques années, l’évolution technologique transforme les objets de consommation en produits difficiles à réparer.
« Souvent il faut démonter entièrement l’objet, déplore Paul Magder, fondateur d’un centre de réparation de Toronto. Les fabricants savent où est le problème, mais ils ne nous rendent pas la vie plus facile. »
Pour plusieurs, c’est une question de principe : si on achète un objet, on doit être capable de le réparer soi-même ou l’apporter à un réparateur. Pour d’autres, le droit aux réparations est un moyen d’économiser de l’argent et d’accroître la durabilité des appareils.
« Notre capacité à réparer des objets est entravée de plusieurs manières », constate Alissa Centivany, une professeure adjointe en information et études des médias de l’Université Western, à London.
Par exemple, certains appareils sont difficiles à ouvrir. Ils peuvent être fabriqués avec des composants qui ne résistent pas à l’épreuve du temps.
M. Magder dit avoir remarqué que les électro-aimants installés dans les grille-pains pour maintenir le levier en bas après l’insertion des pains sont souvent faibles et s’affaiblissent lorsque la graisse s’accumule.
L’élément qui fait tourner les fouets d’un batteur à main ou celui qui pulvérise le papier dans un broyeur est souvent fabriqué en plastique. Il s’use donc plus rapidement, souligne M. Magder.
« Ils sont fabriqués pour se briser, à moins qu’on insère qu’un seul morceau de papier à la fois », mentionne-t-il.
Quand les gens tentent de réparer un objet, ils constatent souvent que les fabricants ne fournissent pas des conseils pour les aider. Parfois, ils ne peuvent que demander le secours de l’entreprise ou d’un de ses partenaires.
La professeure Centivany dit qu’une majorité de fabricants considèrent les réparations comme une grande source de profits.
« Si on pense à un téléphone intelligent, on risque de briser l’écran. Cela arrive souvent, car c’est très fragile, commente-t-elle. On souhaite à le faire réparer et le fabricant nous donne le choix de remplacer l’écran pour 300 $ ou d’acheter un nouveau téléphone pour 350 $. »
Selon Anthony Rosborough, un professeur de droit de l’Université Dalhousie, de Halifax, il est primordial de contrer les tactiques qui limitent la réparabilité parce que celles-ci influencent l’économie, les habiletés techniques d’une collectivité et même les capacités de certaines personnes à travailler ou de mener leurs activités quotidiennes.
« Ce n’est pas un simple inconvénient rigolo qui peut survenir de temps en temps. Cela indique un problème plus profond. », fait-il valoir en ajoutant que cela affecte des appareils de toutes sortes, allant des fauteuils roulants aux équipements agricoles en passant par les automobiles.
Les professeurs Rosborough et Centivany ont fondé en 2022 la Canadian Repair Coalition, un groupe sans but lucratif qui réclame des réformes sur les réparations.
Ils ont pu célébrer récemment deux victoires : deux lois fédérales qui ont reçu en novembre la sanction royale.
La loi c-2444 modifie la Loi sur le droit d’auteur en autorisant une personne à contourner une mesure technique de protection dans le seul but d’effectuer tout entretien ou toute réparation sur certains types de produits.
Quant à la loi C-294, elle permet à une personne, dans certaines circonstances, de contourner une mesure technique de protection afin de rendre un programme d’ordinateur ou un dispositif dans lequel il est intégré interopérable avec un autre programme d’ordinateur, dispositif ou composant.
« Ce sont de petits changements, ce sont des changements très techniques, mais c’est un pas dans la bonne direction. Cela indique un nouvel élan », commente la professeure Centivany.
En Ontario, un projet de loi a été déposé visant à modifier la Loi sur la protection des consommateurs. Celui-ci vise à obliger les fabricants de produits électroniques, appareils ménagers ou fauteuils roulants à mettre à la disposition des consommateurs et des entreprises de réparation la version la plus récente du manuel de réparation, des pièces de rechange et des logiciels et outils de remplacement.
Les fabricants doivent fournir gratuitement les guides de réparation ou à un coût raisonnable si on demande la version papier. Ils doivent également fournir les pièces de rechange et les logiciels et outils de remplacement « à un coût équitable ».
Les professeurs Centivany et Rosborough appuient ce projet de loi présenté par l’opposition néodémocrate, qui en est à l’étape de deuxième lecture. Ils croient toutefois que le Canada pourrait aller plus loin.
Le gouvernement fédéral pourrait imiter la France qui a adopté en 2021 un indice de réparabilité pour les appareils électroniques. L’Union européenne l’a imitée en adoptant un programme semblable qui est un bon modèle, jugent les deux professeurs.
« Informer les consommateurs de la durée d’existence d’un appareil et les coûts véritables de la propriété peut les aider, souligne la professeure Centivany. Cela leur permet de faire de meilleurs choix, des choix plus informés et d’exercer leur pouvoir de consommateurs de manière significative. »